L'Algérie célèbre sa 1ère "journée de la Mémoire" et exige "repentance" de la France

ALGÉRIE - L’Algérie a célébré ce samedi 8 mai sa 1ère “journée de la Mémoire” en hommage aux victimes de la sanglante répression par la France de manifestations indépendantistes le 8 mai 1945 et réclamé de nouveau la “repentance” de Paris pour...

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(photo 'illustration prise lors d'une manifestation contre le gouvernement algérien le 24 décembre 2019)

ALGÉRIE - L’Algérie a célébré ce samedi 8 mai sa 1ère “journée de la Mémoire” en hommage aux victimes de la sanglante répression par la France de manifestations indépendantistes le 8 mai 1945 et réclamé de nouveau la “repentance” de Paris pour ses crimes durant la colonisation.

Des milliers de personnes ont participé à une marche commémorative à Sétif, dans l’est du pays, empruntant le parcours qu’avaient suivi il y a 76 ans des manifestants demandant l’indépendance de l’Algérie.

Le 8 mai 1945, le défilé dans la ville célébrant la victoire des Alliés sur le nazisme se transforme en manifestation pour “l’Algérie libre et indépendante” et tourne à la tragédie, déclenchant des émeutes et une répression qui fera des milliers de morts.

La mise en place d’une “journée de la Mémoire” avait été décidée il y a un an par le président Abdelmadjid Tebboune, qui avait qualifié de “crimes contre l’humanité” les tueries perpétrées par les forces de l’ordre françaises dans le Nord-Constantinois (Sétif, Guelma et Kherrata) et les exactions de la période coloniale (1830-1962).

Dans un message, Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé que “l’excellence des relations avec la République française ne saurait exister en dehors de l’Histoire et du traitement des dossiers de la Mémoire, qui ne sauraient faire l’objet d’aucune renonciation”.

Samedi, la foule menée par des scouts a défilé jusqu’à la stèle érigée à la mémoire de Bouzid Saâl, abattu à 22 ans lors de la manifestation de 1945 par un policier français parce qu’il refusait de baisser le drapeau algérien. Une gerbe de fleurs y a été déposée en présence d’Abdelmadjid Chikhi, conseiller du président algérien pour les questions mémorielles, ont rapporté des médias officiels.

L’ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, est également venu présenter, au nom du président Emmanuel Macron, une gerbe en hommage aux victimes.

 

La France a déjà reconnu les massacres de Sétif en février 2005, par la voix de son ambassadeur Hubert Colin de Verdière qui avait alors évoqué “une tragédie inexcusable”.

“Repentance”

Les Algériens font état de 45.000 morts dans les émeutes du Constantinois et les historiens français de quelques milliers à 20.000, parmi lesquels 103 Européens.

À l’occasion de cette journée mémorielle, le porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, a réitéré les demandes de l’Algérie auprès de la France concernant ses crimes coloniaux. “L’Algérie reste attachée au règlement global du dossier mémoriel” qui repose sur “la reconnaissance officielle, définitive et globale par la France de ses crimes, la repentance et des indemnisations équitables”, a-t-il déclaré.

Selon Ammar Belhimer, cela passe aussi par “la prise en charge des conséquences des explosions nucléaires et la remise des cartes d’enfouissement des déchets de ces explosions”. La France a procédé à 17 essais nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966. Le dossier est l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.

Malgré tout, Ammar Belhimer a admis que des “acquis certes modestes” mais d’une “grande valeur morale” avaient été obtenus ces derniers mois.

Il a cité la récupération l’année dernière des crânes de 24 combattants nationalistes tués au début de la colonisation et la reconnaissance en mars par Emmanuel Macron de la responsabilité de l’armée française dans la mort du dirigeant nationaliste Ali Boumendjel en 1957.

“Réconcilier les mémoires”

La question mémorielle reste au coeur des rapports souvent passionnels entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale.

Premier président français né après la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron a engagé une série d’“actes symboliques” pour tenter de “réconcilier les mémoires” entre les deux rives de la Méditerranée, à l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance.

Mais le rapport de l’historien Benjamin Stora, remis en janvier et sur lequel le président français s’appuie pour sa politique mémorielle, ne préconise ni excuses ni repentance et a été vivement critiqué en Algérie.

“Il faut des gestes politiques beaucoup plus forts, de part et d’autre”, a plaidé ce samedi Benjamin Stora dans un entretien avec la chaîne française internationale TV5 Monde. “Néanmoins, pas de repentance. (...) Ce que les Algériens veulent, c’est la reconnaissance des exactions, massacres et des crimes qui ont été commis. Il y a, de ce côté-là, une vraie demande”, a-t-il souligné.

En visite à Alger en février 2017 lorsqu’il était candidat à la présidence, Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de l’Algérie de “crime contre l’humanité” et de “vraie barbarie”, s’attirant de vives critiques de responsables politiques de droite.

À voir également sur Le HuffPost: Après Ali Boumendjel, l’Algérie pointe un autre grain de sable dans ses relations avec la France