Le boom des "magazines incarnés" en 5 questions

MÉDIAS - Si vous vous rendez chez votre marchand de journaux ce jeudi 17 juin vous risquez de tomber sur un nouveau magazine, celui de Patrick Sébastien. L’animateur lance Jeux vous aime, un magazine comprenant des sudokus, mots croisés ou...

Le boom des "magazines incarnés" en 5 questions

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Depuis Michel Cymes et le lancement de son

MÉDIAS - Si vous vous rendez chez votre marchand de journaux ce jeudi 17 juin vous risquez de tomber sur un nouveau magazine, celui de Patrick Sébastien. L’animateur lance Jeux vous aime, un magazine comprenant des sudokus, mots croisés ou mots codés, accompagné d’entrevues et d’autres rubriques.

L’ancien présentateur du “Plus grand cabaret du monde” n’est pas le 1er à se lancer dans la presse papier. Depuis 2017, et le lancement du magazine santé Dr Good de Michel Cymes, les animateurs du PAF multiplient les incursions dans les kiosques. C’est le cas pour Sophie Davant, Stéphane Plaza, Stéphane Bern ou encore Karl Zero. Et tout récemment de Faustine Bollaert puis bientôt Jean-Pierre Pernaut. Une petite révolution dans le monde médiatique que vous décrypte Le HuffPost en cinq points. 

Ce phénomène est-il nouveau ?

Le magazine incarné n’est en soit pas une nouveauté des derniers mois. Avant le succès du magazine de Sophie Davant, Club Dorothée Magazine avait aussi séduit les fans du “Club Dorothée” de 1989 à 1998. Un titre auquel prenait part l’animatrice en écrivant un éditorial chaque semaine.

Aux États-Unis, l’exemple du magazine d’Oprah Winfrey (“O, The Oprah Magazine”) est particulièrement intéressant. La présentatrice télé a réussi à installer un mensuel bien-être dès 2000 qui pouvait s’écouler à plus de 2,7 millions d’exemplaires.

Un succès qui a donné des idées à Franck Cymes, le frère de Michel Cymes dès 2015. “Lors d’un déplacement à New York je suis tombé sur ce magazine d’Oprah Winfrey et ça m’a trotté dans la tête de lancer un magazine incarné en France,” explique au HuffPost celui qui est à l’origine du magazine Dr Good et qui en est aujourd’hui son Directeur général. “J’ai été dans un kiosque pour acheter un magazine de santé et de bien-être pour les hommes et on m’a dit que ça n’existait pas alors j’ai dit à Michel qu’on allait le faire”.

Pourquoi un boom depuis 2020?

Dr Good a été l’un des meilleurs démarrages d’un titre de la presse papier au cours des dernières années, dépassant les 100.000 exemplaires vendus dès le 1er numéro en 2017. De quoi donner des idées aux autres éditeurs touchés par une grave crise du marché de la presse. 

Une crise liée à deux principaux facteurs: la faillite du distributeur de presse Presstalis et la baisse des ventes en kiosques. Un phénomène qui s’est accéléré pendant la pandémie avec la fermeture de nombreux points de vente à cause des confinements successifs. 

Dans ce contexte difficile, l’idée de lancer des magazines incarnés est une solution du secteur pour se renouveler. “On a eu beaucoup de retours de femmes qui nous ont dit ‘’je n’achetais plus de presse féminine depuis 10/15 ans car je ne m’y retrouvais plus et là c’est différent et ça me plaît’”, révèle Jérémy Parayre, directeur de la rédaction de S, le magazine de Sophie Davant, magazine bien-être lancé avec l’animatrice de France 2 en novembre dernier. “Finalement ça montre que la presse écrite a une énorme capacité à se renouveler.”

“On est resté trop longtemps sur un panorama de la presse magazine trop figé donc il fallait absolument réinventer quelque chose de nouveau face au numérique”, abonde Patrick Eveno, historien des médias. “Les vieux titres souffrent considérablement et face à cela, les vedettes de télévision apparaissent comme des locomotives pour la presse.” 

Pour la sociologue des médias Nathalie Nadaud-Albertini, l’essor des magazines incarnés est surtout lié au développement des relations avec les animateurs, qui dépassent largement le cadre du petit écran à présent.

“Maintenant on a l’habitude que la présence à l’écran se prolonge dans d’autres médias et notamment avec les réseaux sociaux”, explique-t-elle au HuffPost. ”Ça a été popularisé avec les candidats de télé-réalité qui poursuivent le récit de leur histoire sur Instagram ou Snapchat. On a été habitué à cette intimité élargie et ce terreau a permis a ces magazines d’arriver.”

La sociologue analyse par ailleurs que ces magazines arrivent au moment où l’on traverse une période anxiogène. “Dans ce contexte particulier, le fait d’avoir des figures qui sont rassurantes et familières va plaire aux lecteurs. On rentre dans une forme d’intimité avec l’animateur. C’est un lien de confidence, d’ailleurs le magazine de Faustine Bollaert s’appelle Entre Nous”. 

Pourquoi des stars de la télévision ?

Avoir recours à des vedettes du petit écran est très intéressant d’un point de vue marketing puisqu’elles permettent d’apporter rapidement une mise en lumière au magazine. “Installer une marque aujourd’hui c’est quand même très compliqué, on voit que les marques de presse sont très identifiées et les nouveaux arrivants ont dû mal à s’installer sur la durée”, analyse Jérémy Parayre. “S’associer avec une personnalité c’est gagner tout ce temps-là en fait. C’est sûr que le succès de notre magazine n’aurait pas été le même sans Sophie Davant”. 

Cela vient démontrer que la télévision est encore prescriptrice et que les animateurs sont aujourd’hui devenus des influenceurs, comme peuvent l’être certains Youtubeurs ou vedettes d’Instagram. “Il y a un mouvement intéressant autour des animateurs qui d’une part sont très installés en télé, mais qui ont envie de développer une marque et la presse papier fait partie des moyens d’être incarné via des canaux un peu différents”, explique Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia en charge du développement. L’éditeur qui a racheté le magazine Dr Good en 2019 en est le parfait exemple en représentant à la fois des influenceurs issus du digital (Natoo, Norman, Cyrpien...) puis ceux issus de la télévision (Michel Cymes, Jamy Gourmaud, Jarry...).

Il y a aussi en ces vedettes de télévision un fort pouvoir d’identification, souligne Nathalie Nadaud-Albertini. ”On a une familiarité qui se crée par le petit écran avec des rendez-vous très réguliers”, explique-t-elle, citant les présences quotidiennes sur France 2 de Sophie Davant (Affaire Conclue) et Faustine Bollaert (Ça commence aujourd’hui). “Ces animatrices et animateurs sont des figures qui vont rythmer la vie des gens et c’est presque comme s’ils faisaient partie de la famille. Le père ce serait Jean-Pierre Pernaut, la mère ou la tante ce serait Sophie Davant, la grande sœur Faustine Bollaert, l’oncle Stéphane Bern...”

Est-ce que ça marche ?

Le phénomène étant nouveau, il est difficile de l’analyser en profondeur pour le moment. D’ailleurs la plupart de ces magazines sont si récents que les données de vente n’existent pas encore auprès de l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias).

On peut toutefois noter la belle réussite de Dr Good de Michel Cymes. Le lancement de ce bimestriel en 2017 est considéré comme l’un des meilleurs de la presse écrite au cours des dernières années, atteignant les 130.000 ventes dès le 1er numéro. Le double de l’objectif de base fixé par Mondadori à l’époque. Le titre a depuis continué sa progression pour trouver un rythme de croisière au-dessus des 200.000 exemplaires. Des chiffres depuis en légère baisse en 2020 à cause de la pandémie.

Les ventes de

Difficile de comparer des titres qui n’ont pas la même périodicité, mais à titre d’illustration, Dr Good est plus vendu que les mensuels Psychologie ou Capital. Le succès a même poussé Franck Cymes a lancer d’autres magazines complémentaires. Un magazine culinaire, Dr Good c’est bon!, un sur les animaux de compagnie, Dr Good Véto, et un autre pour les enfants, Dr Good Kids!.

Une belle revanche pour Franck Cymes qui a essuyé un tas de refus avant que son idée de magazine incarnée voit finalement le jour. “Quand je suis arrivé, on m’a pris pour un prétentieux. On me disait: ‘Franck Cymes vous n’allez pas révolutionner la presse en France’. Mondadori, Prisma ou Lagardère personne ne nous a crus au début. On est revenus avec de nouveaux arguments et on nous a fait confiance. On est contents aujourd’hui que Dr Good soit la référence des magazines incarnés”.

Est-ce que ça va se poursuivre ?

Oui, la tendance semble claire et devrait se poursuivre dans les prochaines semaines. D’ailleurs après Patrick Sébastien, c’est Jean-Pierre Pernaut qui lancera lui aussi son magazine le 25 juin prochain. Dans Au cœur des régions, l’ancienne figure du 13h de TF1 partagera les sujets qui lui tiennent à cœur sur la défense du terroir, la richesse de notre culture, de notre gastronomie, de notre patrimoine... Le bimestriel sera édité par Burda Bleu, le même groupe qui a récemment lancé le magazine de faits divers L’Envers des Affaires avec comme tête de gondole un certain Karl Zéro.

Du côté de Webedia, on travaille sur un magazine scientifique incarné par Jamy Gourmaud qu’on ne présente plus. En plus d’animer une quotidienne sur France 5, le présentateur a réussi le virage du digital et est aujourd’hui bien installé sur Youtube avec sa chaîne des ”Épicurieux”.

Si l’effet mode est bien réel, cela ne veut pas dire pour autant que tous les futurs titres de la presse papier requerront forcément une incarnation. Pour Franck Cymes, elle n’est pas indispensable pour réussir dans les kiosques aujourd’hui. “La réussite d’un magazine est basée sur la promesse éditoriale pas sur la forme. La vedette du magazine c’est le contenu avant tout et s’il n’y en a pas au numéro 3 vous disparaissez.”

L’entrepreneur va même plus loin en rappelant qu’une incarnation peut être à double tranchant. “Capitaliser sur le nom d’une personnalité c’est aussi un peu dangereux. Il suffit que la personnalité fasse un écart ou qu’elle soit moins visible à l’antenne et c’est tout l’écosystème qui en pâtit. Si vous aviez lancé il y a 15 ans le magazine de Michael Jackson ça aurait été compliqué.”

Du côté de CMI, éditeur des magazines de Sophie Davant et Patrick Sébastien on surveille ce phénomène avec beaucoup d’attention. “On redoute la surmultiplication des titres qui peut finir par créer une lassitude, révèle Jérémy Parayre qui craint “une cannibalisation des titres”.

À voir également sur Le HuffPost: À quoi ressemblait la télé en 2001 au lancement de “Loft Story”