Le couvre-feu sert-il encore à quelque chose?
CORONAVIRUS- Tentative de déboulonnage en pleine crise sanitaire. Ce lundi 14 juin, sur FranceInfo, l’Association des maires de France (AMF) s’est prononcée, par la voie de son secrétaire général, en faveur de l’abrogation du couvre-feu et...
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CORONAVIRUS- Tentative de déboulonnage en pleine crise sanitaire. Ce lundi 14 juin, sur FranceInfo, l’Association des maires de France (AMF) s’est prononcée, par la voie de son secrétaire général, en faveur de l’abrogation du couvre-feu et vient grossir les rangs de ceux qui veulent faire tomber cette restriction plus tôt que prévu.
Le couvre-feu est-il toujours utile? Fixée à 23 heures pour encore deux semaines encore, la mesure est jugée “inaudible” par de plus en plus de personnalités politiques, dont beaucoup s’attendent à de plus en plus de désobéissance. Contourné, perçu comme dérisoire en plein reflux de l’épidémie, voire contre-productif, le couvre-feu nourrirait les rassemblements en intérieur, plus propices à la propagation du coronavirus.
Réponse de la députée LREM Aurore Bergé ce lundi matin sur Cnews: “C’est justement parce que ça va bien (sur le front de l’épidémie) qu’il faut garder un certain nombre de règles”. La présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée estime ainsi qu’il est trop risqué de lâcher la bride avant le 30 juin, même si la France ne détecte plus que 5000 nouveaux cas de Covid-19 par jour. L’ouverture des intérieurs, le retour en présentiel et le variant indien pourraient raviver l’épidémie, si la vaccination n’avance pas assez vite.
La majorité présidentielle juge ainsi nécessaire de conserver cette mesure pour contrebalancer les effets du déconfinement. Mais pour quelle efficacité?
Aucune étude ne tranche
En théorie, le couvre-feu réduit bien les contaminations, car il réduit les rassemblements et le brassage. Plusieurs études en cours de publication le montrent (Inserm,Santé publique France, Oxford University). C’était également le constat du Conseil scientifique dans un avis rendu le 11 mai.
Reste à savoir jusqu’à quel point et si la privation de liberté qui en découle le justifie. Même fixé à 18 heures, le couvre-feu a échoué à désamorcer la seconde vague. Cet horaire empêchait pourtant quasiment toute rencontre hors du cadre professionnel. Aucune étude scientifique ne tranche sur le nombre réel de contaminations évitées grâce à cette règle. D’autres mesures sont souvent appliquées conjointement, et une multitude de facteurs annexes brouillent les estimations.
Face à ce manque de données, l’opposition s’interroge. “Pourquoi 23h plutôt que minuit? Pourquoi ouvrir un stade et pas d’autres?”, tweetait ainsi Jean -Luc Mélenchon (LFI), ce dimanche 13 juin, en réaction à la dérogation gouvernementale accordée aux spectateurs de Roland-Garros vendredi dernier. Que vaut une règle, si même ceux qui l’établissent s’en écartent?
La question de l’applicabilité de la règle se pose également. “Il faut supprimer le couvre-feu [...], je crois que les conditions sanitaires sont réunies”, lançait ainsi la présidente d’Île-de-France, Valérie Pécresse, ce dimanche à propos d’incidents survenus dans sa région. À l’image ces jeunes à Paris qui deux soirs de suite se sont accordés quelques heures supplémentaires jusqu’à ce que la police intervienne, de plus en plus de Français pourraient ainsi être tentés de prolonger les festivités.
Des rassemblements à l’intérieur pour contourner?
“Après plusieurs mois d’application, il faut s’attendre à ce qu’un couvre-feu ne soit plus aussi efficace qu’à ses débuts, notamment à cause de la perte d’adhésion et de l’adaptation de la population aux nouvelles contraintes”, souligne au HuffPost Vittoria Colizza, épidémiologiste de l’Inserm à l’Institut Pierre-Louis à Paris, sans pour autant être en mesure de chiffrer ce phénomène.
Las, les Français pourraient ainsi se reporter vers des rassemblements chez eux, en intérieur, à l’abri des contrôles. C’est l’hypothèse qu’émettent plusieurs chercheurs de Toulouse pour expliquer une recrudescence du taux d’incidence observée après l’instauration du couvre-feu à 18 heures. Leurs calculs sont soumis à controverse, car d’autres indicateurs comme les hospitalisations sont plus fiables pour mesurer la circulation du virus.
“C’est possible, mais moins probable que lorsque le couvre-feu était à 18 ou même à 21 heures”, estime de son côté Jérémy Ward, sociologue à l’INSERM contacté par le HuffPost. Là encore, aucune étude pour trancher, “mais les gens se satisferont probablement davantage d’une soirée qui se termine à 22h30 que d’une soirée qui se termine à 20h30 ou 17h30”, avance le chercheur. Avant de conclure: “De toute façon, c’est terminé dans deux semaines”.
Pourquoi une telle agitation des élus alors que le couvre-feu est de toute manière sur le point de disparaître? Le flou scientifique autour de son efficacité et sa fin annoncée fragilisent de fait cette mesure particulièrement impopulaire. Et à défaut de certitude, nul doute que cette “fenêtre d’opportunité” -ce qu’on nomme “un bon filon” en théorie politique- est aussi une manière de tirer profit des difficultés d’Emmanuel Macron face à la pandémie. Autrement dit, en tapant sur une mesure “inaudible”, l’opposition espère faire entendre à nouveau sa voix.
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