“Le Fils de l’épicière, le Maire, le Village et le Monde” : Claire Simon au pays du docu
Lussas, village ardéchois de moins de 1 200 habitant·es, est un haut lieu du documentaire mondial, depuis que l’association Ardèche images – qui voulait défendre le genre et le cinéma en région – y a été fondée en 1979 pour y créer, dix ans...
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Lussas, village ardéchois de moins de 1 200 habitant·es, est un haut lieu du documentaire mondial, depuis que l’association Ardèche images – qui voulait défendre le genre et le cinéma en région – y a été fondée en 1979 pour y créer, dix ans plus tard, un festival : Les États généraux du documentaire de Lussas. Jean-Marie Barbe, lui-même documentariste, en est la figure de proue et a développé plusieurs structures qui participent à la vie économique du village. Par exemple, des étudiant·es, notamment de l’université de Grenoble, y vivent et y travaillent à l’année.
Depuis qu’il est maire (il a été élu pour la 1ère fois en 1987), Jean-Paul Roux – agriculteur dès l’âge de 16 ans, ouvert au multiculturalisme et à la culture en général – soutient Ardèche Images et son ami d’enfance (Jean-Marie) Barbe, dont les parents tenaient l’épicerie de Lussas. Ce duo de choc – et de gauche – est la garantie de la survie et du développement de la bourgade, dont les deux mamelles sont la culture des fruits et du cinéma documentaire. À l’image de l’une des obsessions de Barbe : pour réaliser un documentaire, il faut à la fois un·e producteur·trice et un·e cinéaste. Mais rien n’est facile dans une société où l’argent a le pouvoir.
>> À lire aussi : L’odyssée de Tënk racontée par Claire Simon
Tout est passionnantQuand le documentaire de Claire Simon commence, en 2016, l’équipe d’Ardèche images est en train de lancer Tënk, sa plateforme numérique sur abonnement, consacrée aux documentaires d’auteur·trice, aidée et financée par le Centre national de la cinématographie, le ministère de la Culture (à l’époque dirigé par Audrey Azoulay), la région Auvergne-Rhône-Alpes présidée par le LR Laurent Wauquiez. Un bâtiment tout neuf, subventionné lui aussi, est en voie de construction. Barbe et Roux se rongent les ongles, car tout est fragile.
Dans ce documentaire, qui dure près de deux heures, tout est passionnant parce que les enjeux, que nous allons tenter de lister à notre manière, y sont si nombreux : comment faire perdurer une institution qui fut portée par des hommes et des femmes qui y ont consacré leur vie et leur santé et qui commencent à vieillir ? À qui passer la main ? Un·e non-natif·ve de Lussas serait-il·elle accepté·e ? Qui voudrait de ce sacerdoce ?
Culture et agricultureEt si Tënk ne rapporte pas assez d’argent ? Et si l’on n’est pas assez gentil·le avec les élu·es de la région, la préfecture ou le ministère, ne risquent-ils·elles pas de couper le robinet des financements (la réponse est oui) ? Les habitant·es du village, qui n’ont rien à voir avec le cinéma, sont-ils·elles si attaché·es que cela à cette activité qui leur ramène surtout des intellectuel·les parisien·nes ? Le cinéma (en plus documentaire), c’est bien gentil, mais à quoi ça sert ? Ne serait-ce pas encore une lubie de gens de gauche ex-soixante-huitards ? Ardèche images ne concentre-t-elle pas toutes les subventions régionales qui pourraient aussi servir au développement de l’agriculture bio ? La réponse est non, les enveloppes culture et agriculture ne sont évidemment pas les mêmes.
Désolé de l’exprimer ainsi, parce que le film le fait plus subtilement et avec surtout plus de nuances (les rapports avec les différentes administrations et leur susceptibilité atavique – on se croirait encore au XIXe siècle – valent quand même leur pesant de cacahuètes…) mais toutes ces questions sont bien posées par le film de Claire Simon ; et essentielles en cela qu’elles décrivent une grande partie de la géographie économique structurelle de la France d’aujourd’hui (le mélange pas toujours évident entre la tradition agricole, toujours très vivace, locale et localisée, et la modernité numérique qui permet d’être visible dans le monde entier). Et c’est ce qui fait le grand prix de ce Fils de l’épicière, le Maire, le Village et le Monde (joli titre d’évidence inspiré d’un autre joli film, cette fois-ci d’Éric Rohmer, L’Arbre, le Maire et la Médiathèque) ? Que voulons-nous, Françaises et Français ? Quel prix souhaitons-nous encore accorder à la culture tout en permettant aux villages de continuer à vivre de l’agriculture ?
Bonne nouvelle : Tënk fête aujourd’hui ses cinq ans d’existence. On lui souhaite longue vie ainsi qu’aux membres passionné·es et passionnant·es, au caractère bien trempé, d’Ardèche images.
Le Fils de l’épicière, le Maire, le Village et le Monde de Claire Simon (Fr., 2021, 1 h 51). En salle le 1er septembre.