Le flou autour de la vaccination des enseignants exaspère les syndicats

CORONAVIRUS - Au gouvernement, tout le monde est d’accord pour le dire: les enseignants font partie des personnes très exposées au coronavirus et doivent être prioritaires pour la vaccination. Une fois cette affirmation posée, que fait-on pour...

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CORONAVIRUS - Au gouvernement, tout le monde est d’accord pour le dire: les enseignants font partie des personnes très exposées au coronavirus et doivent être prioritaires pour la vaccination. Une fois cette affirmation posée, que fait-on pour la concrétiser? De l’avis général des syndicats de l’enseignement, pas grand-chose. Et cela pèse lourd sur le moral des troupes, où certains n’excluent pas de recourir à la manière forte pour obtenir la précieuse piqûre. 

“L’engagement présidentiel doit être tenu et ne doit pas se transformer en effet d’annonce. Si tel était le cas, le Président aura suscité une déception à la hauteur des espoirs placés dans sa parole.” Voilà la mise en garde un brin  amère du dernier communiqué du Syndicat Enseignants-UNSA mis en ligne ce lundi 12 avril. 

Il faut dire que, depuis les 1ères annonces sur le sujet, le calendrier de la vaccination des enseignants ne cesse d’être revu et corrigé. Le 8 avril, à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement s’est même refusé à donner une date précise.

Pour les syndicats, l’explication à ce flou est toute trouvée: “Il n’y a ni priorisation ni organisation. Il n’y a aucune planification de la vaccination dans l’Éducation nationale à ce stade”, affirme au HuffPost Brendan Chabannes, co-secrétaire général de Sud-Education. 

“Vaccination soi-disant prioritaire”

Le flou qui va en s’épaississant sur la vaccination n’est pas de nature à  rabibocher syndicats et enseignants avec le ministère de Jean-Michel Blanquer, déjà une cible de leurs critiques bien avant la crise sanitaire. 

Unanimement, les syndicats s’indignent du manque de communication du ministère, un reproche ancien mais d’autant plus saillant en cette période. “Le ministère ne nous dit pas grand-chose, voir rien du tout. Nous n’avons pas de réponse depuis le mois de janvier”, rapportait sur FranceInter Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du Snes-FSU, 1er syndicat du secondaire.  Interrogé sur son dernier contact avec le ministère à propos de la vaccination, le co-secrétaire général de Sud-Education lance un “Jamais?!” railleur. Plus nuancé, le Sgen-CFDT reconnaît malgré tout que “sur le sujet précis de la vaccination, on n’a pas de réponses”. Et d’évoquer à titre d’exemple une réunion avec le directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer annoncée depuis des mois et toujours pas concrétisée.

Contacté par Le HuffPost à propos de la mise en place de ce fameux calendrier, le cabinet de Jean-Michel Blanquer nous renvoie vers Matignon ou l’Élysée.

Officiellement, le gouvernement a communiqué au moins à trois reprises sur les dates de vaccination des professeurs. Le mois de mars a tout d’abord été évoqué. Puis la mi-avril. Le 8 avril dernier, Gabriel Attal évoquait “les prochaines semaines” pour les enseignants aux contacts d’élèves handicapés. Enfin, selon Libération, Emmanuel Macron aurait finalement évoqué la mi-juin, une fois que la vaccination aura été ouverte à tous les moins de 50 ans. 

Ce qui reviendrait, in fine, à ne pas prioriser. Pour le représentant Sud-Education, c’est d’ailleurs déjà en partie le cas avec la vaccination ouverte depuis ce lundi à tous les plus de 55 ans. “Il est fort peu probable que l’administration de l’Éducation nationale appelle tous les personnels concernés en leur disant ‘nous vous avons réservé un créneau la prochaine semaine, quel horaire vous arrange‴’, ironise-t-il, en parlant d’une “vaccination soi-disant prioritaire”. “On renvoie les gens à leur responsabilité individuelle en leur disant ‘Allez vous faire vacciner, débrouillez-vous’.”

Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, souligne pour sa part que cette ouverture ne permettra de vacciner qu’“une partie” des enseignants, et pas la plus grande. La profession s’est en effet rajeunie ces dernières années, particulièrement “compte tenu des conditions d’affectations” dans les zones les plus défavorisées qui sont aussi celles où le virus circule le plus.

Un sentiment d’abandon

Résultat? Les syndicats sont tous d’accord sur le mot à employer pour décrire l’attitude de l’Éducation nationale face aux enseignants: abandon. Sur tous les points.

Brendan Chabannes évoque des campagnes de tests qui “n’ont jamais eu le caractère massif qu’elles auraient dû avoir” et des difficultés sur les masques fournis par le ministère. Quant à la vaccination sans cesse repoussée, c’est tout simplement “insupportable”, révèle le représentant Sud Éducation. L’absence d’une stratégie nationale est d’autant plus flagrante qu’à l’échelle locale, certaines municipalités ont permis aux enseignants de recevoir l’injection en priorité. “Nous avons un sentiment de cacophonie totale”, abonde également le 10 avril le Snes-FSU.

Comme l’UNSA, le Sgen-CFDT insiste sur “la perte de confiance” de la profession vis-à-vis du gouvernement: “Cela rend beaucoup de collègues totalement désabusés. (...) Il n’y a pas de visibilité, les discours changent tous les deux jours… C’est mal vécu parce que ça ne permet pas de se projeter.”

Malgré les assurances de l’État, les enseignants sont donc loin de se sentir prioritaires. Le sentiment est d’autant plus partagé, qu’au-delà de la question de la vaccination, beaucoup ont l’impression que rien n’est vraiment mis en place pour permettre une réouverture des classes dans des conditions optimales.

“On a un gouvernement qui affiche sa volonté de rouvrir un enseignement présentiel vite, et même,  quand on écoute certains propos du Président, avec 100% des élèves 100% du temps. Mais on n’a pas la moindre visibilité sur ce qui va être mis en place dans les établissements scolaires pour palier le fait qu’on n’ aura toujours pas réellement commencé la vaccination des personnels”, détaille la représentante CFDT.

Brendan Chabannes estime lui qu’une vaccination généralisée empêcherait les fermetures d’école et éviterait donc le recours massif et mal maîtrisé à l’enseignement à distance - une “catastrophe” illustrée selon les syndicats par les derniers bugs des plateformes ENT.

Une grève pour la vaccination?

Immédiatement après les annonces d’Emmanuel Macron, les syndicats ont réclamé une organisation précise pour la reprise du 26 avril et du 3 mai. “Nous devons dès à présent nous préoccuper de préparer la reprise. Pour cela, la vaccination des personnels qui travaillent dans les écoles, collèges et lycées est une priorité et doit se concrétiser rapidement”, écrivait le 31 mars le secrétaire général de l’UNSA-Éducation.

Même son de cloche pour le SNE (Syndicat national des enseignants) dans un communiqué du 9 avril. Le SNES-FSU réclame lui la vaccination des personnels “avant le 3 mai”, date à laquelle tous les élèves de France doivent reprendre les cours en présentiel. Tout comme Sud-Education: “Si on nous dit qu’on profite de la dernière semaine de congés pour ouvrir certains établissements et les transformer en centre de vaccination pour les personnels, on prendra”, nous affirme Brendan Chabannes. Au Sgen-CFDT, l’idée d’une vaccination pendant les vacances a aussi été soutenue au début mais Catherine Nave-Bekhti met en garde sur les délais trop courts pour recevoir les deux doses et avoir une efficacité suffisante des injections. 

Et si rien n’est fait en ce sens ou suffisamment rapidement? Alors aux grands maux les grands moyens. “De la même manière qu’il y avait eu une grève sanitaire en octobre (contre le protocole sanitaire jugé insuffisant, NDLR), il n’est pas inenvisageable, si on nous annonce que finalement il n’y a pas de vaccination du tout ou qu’elle est encore repoussée, que la colère de la profession se traduise par la construction d’un mouvement de grève”, lâche le représentant Sud Éducation. L’idée ne fait toutefois pas l’unanimité: la secrétaire générale du Sgen-CFDT, pour qui “la vaccination n’est pas le seul levier”, reste prudente sur l’idée d’une grève, sans pour autant fermer totalement la porte: pour l’instant, ce n’est “ni oui ni non”, mais le sujet “sera débattu en interne si on l’estime nécessaire”.

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