Le musicien Gaspar Claus fout le bordel avec son violoncelle
A 37 ans, le musicien Gaspar Claus aura passé son temps à trimballer son violoncelle du classique à la noise, de l’électro au flamenco, du jazz à la pop, aux côtés de Rone, Jim O’Rourke, Barbara Carlotti ou Bryce Dessner. En s’infiltrant dans...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
A 37 ans, le musicien Gaspar Claus aura passé son temps à trimballer son violoncelle du classique à la noise, de l’électro au flamenco, du jazz à la pop, aux côtés de Rone, Jim O’Rourke, Barbara Carlotti ou Bryce Dessner. En s’infiltrant dans différents interstices de la musique, il décloisonne les genres et fait sortir le violoncelle de son carcan. Rencontre.
Est-ce qu’emmener le violoncelle dans plein de domaines musicaux différents, c’est une manière de lui redonner ses lettres de noblesse ?
J’aurais plutôt tendance à prétendre le contraire. J’ai passé beaucoup de temps à chercher à désacraliser cet instrument que je trouvais un peu coincé dans son répertoire et dans une fascination qui manque de simplicité. Ce sont mes rencontres (discographiques) avec Tom Cora d’abord, Arthur Russell ensuite puis d’autres encore, qui m’ont montré que cet instrument pouvait aussi être baroudeur, aventurier, bandit, pas seulement noble justement.
Qu’est-ce que tu aimes dans le violoncelle ?
J’aime surtout mon instrument, chaque violoncelle est très différent. Le mien ne se donne pas immédiatement, et entre son silence et son plein son il y a tellement de mondes sonores que j’ai l’impression que je n’aurais jamais fini d’explorer ses possibilités. Il est très ancien (1810) et il porte les traces de ceux qui l’ont joué avant moi, comme des fantômes. Je sais que je ne fais que passer pour lui, qu’il en sortira marqué et ira se faire jouer par d’autres après moi. Mais plus généralement, j’aime ce qui fait corps dans le violoncelle, sa voix proche de la nôtre, sa caisse si agréable à sentir vibrer contre soi et sa capacité à aller sans transition du langoureux au bondissant.
Quelle était l’idée derrière Tancade, ce 1er album solo ?
Je dois avouer que j’avais envie de faire un disque absolument pas hermétique. Il y a beaucoup de gens autour de moi qui ne font pas forcément de la musique… Des gens que j’aime beaucoup, dans ma famille, dans mon village d’enfance, ici à Paris, et qui savent que je suis musicien, que je joue dans des grandes salles, mais qui sont toujours tombés sur des musiques que je produisais qui étaient des musiques difficiles, et qui ne savaient pas trop comment les écouter. J’ai eu envie pour la 1ère fois de composer vraiment avec mes matières, de mettre l’impro complètement de côté, de convoquer tous ces sons pour les agencer dans des morceaux, sur des durées courtes, pop. Que le disque soit très dynamique et pas une suite de morceaux qui se ressemblent. Je voulais écrire un voyage avec ce disque, un voyage où chacun se sent le bienvenu.
Sur Tancade, tu es seul avec ton violoncelle, mais on a l’impression que plusieurs personnes jouent en même temps et que tu utilises plusieurs types d’instruments à corde. Comment arrive-t-on à ce tour de “passe-passe“ ?
C’est la magie des studios ! J’ai passé beaucoup de temps devant des micros, à écouter en boucle ce que j’avais déjà enregistré pour y ajouter la mélodie, la texture, la matière manquante. Chaque morceau a connu beaucoup de versions, a pris de mauvaises directions, était souvent illisible car trop chargé. J’ai passé un temps fou à déplacer les parties, revoir les structures puis souvent réaliser qu’il fallait élaguer pour qu’apparaisse le morceau, pour retrouver son échine. Effectivement, ce disque ne peut être qualifié d’album solo que parce qu’il n’y a que moi qui joue dessus et c’est loin d’être un disque de violoncelle seul. J’avais depuis très longtemps le fantasme de convoquer ainsi les matières, les modes de jeu que j’ai accumulé au fil des ans et des expériences et de les faire enfin jouer ensemble. Ce qui donne ce résultat orchestral, que je recherchais.
Le livret qui accompagne le disque, comme les noms des morceaux, donne l’impression d’une sorte de fuite, d’un besoin de refuge et de sérénité, c’est l’effet confinement ?
Oh non, je n’ai pas du tout envie de lier ce disque au confinement. C’est un hommage à une zone refuge oui, mais pas de ces refuges qui existent parce qu’on aurait besoin de fuir tout le reste ou une aversion, un conflit avec le monde, l’état du monde ou je ne sais quoi. Juste une zone de repos, suffisamment coupée du reste et éphémère pour qu’il n’y ait pas de règles à mettre en place, suffisamment difficile d’accès pour qu’on se sente vraiment satisfait quand on y arrive, un peu privilégié. Et quand on en est loin, connaître son existence apaise. Je parlais hier avec une amie, du fait que ces temps-ci, on recommence à s’exciter avec la conquête spatiale, mais c’est comme si c’était dans le seul objectif qu’une fois là-haut, on puisse se retourner et regarder notre petit endroit, si riche, minuscule et fragile. J’adore cette idée, s’éloigner pour voir mieux.
Tu collabores régulièrement avec d’autres artistes, appartenant à des horizons et des genres très différents. Qu’est-ce qui te fait accepter ces invitations ?
Je ne sais pas trop comment ça a démarré, mais disons que les 1ères années où je me suis retrouvé à jouer en public, c’était toujours en répondant aux invitations d’autres musiciens qui très souvent me surprenaient. Je n’avais pas vraiment le projet de devenir musicien – je n’avais pas vraiment de projet – et effectivement, je me suis retrouvé à jouer dans des environnements très différents, voire en opposition totale. Je me souviens avoir joué avec les souffleurs d’Aubervilliers (qui soufflent des poèmes aux oreilles des gens) pour les éboueurs d’Aubervilliers, à l’embauche, un matin, et le soir même accueillir au violoncelle les invités d’un événement chez Louis Vuitton sur les Champs-Élysées. J’adore ce genre de grands sauts. Il y a des musiciens avec qui je travaille que j’admire pour leur radicalité parce que je les vois creuser un sillon vertical, très concentré, et pour lesquels d’autres musiciens avec qui je travaille représentent “l’ennemi“, et souvent, c’est réciproque. Et moi, je m’éclate à naviguer entre tous ces mondes qui souvent se contredisent, dans leur art, dans leur économie, dans leur écologie. Je ne creuse pas vraiment de sillon, j’arpente plutôt le paysage. Et justement, ce sont plutôt les codes des genres que j’ai la sensation de casser, et c’est peut-être pour cela qu’on m’a souvent invité à jouer avec des musiques très codifiées, parce que souvent, je n’ai pas la science. Je ne maîtrise pas les règles du flamenco, ni celles du jazz ou de la pop ou la variété, et j’ai l’impression que si on m’invite, c’est un peu parce que je force le pas de côté, je fous un peu le bordel quoi. Il se trouve que je le fais avec un violoncelle.
Tancade de Gaspar Claus (InFiné/Bigwax).
En concert à Paris lundi 13 septembre à Paris (Trianon), en 1ère partie de Rone.
>> A lire aussi : Rachat de catalogues à prix d’or, spéculations financières… Qui sont les vrais gagnants du business de l’édition musicale ?