Le pari risqué du pass sanitaire en période incertaine - BLOG
PSYCHOLOGIE - Depuis plusieurs jours, le pass sanitaire que la France a mis en place à l’intérieur de ses frontières faisait l’objet de spéculations. Et effectivement, les décisions destinées à lutter contre l’épidémie, annoncées par le Président...
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PSYCHOLOGIE - Depuis plusieurs jours, le pass sanitaire que la France a mis en place à l’intérieur de ses frontières faisait l’objet de spéculations. Et effectivement, les décisions destinées à lutter contre l’épidémie, annoncées par le Président hier soir, font une large part au pass.
Loin d’être anodine, cette option a immédiatement créé un appel d’air puisque presque un million de rendez-vous de vaccination ont été pris en quelques heures, sous le coup de l’émotion peut-être, ou d’une prise de conscience. En cela, le pass renforcé est une aide à la décision pour la vaccination. Il n’en reste pas moins que des questions demeurent sur les conséquences de l’extension du périmètre des pass, les résultats attendus et les éventuels effets pervers.
Le pass est un influencer décisionnel
Le pass sanitaire que la France s’impose, promet, ou plutôt promeut, plus de liberté contre une preuve d’innocuité.
Il peut sembler bien légitime (bien qu’une minorité non négligeable de Français s’y oppose) puisqu’il est destiné à assurer une circulation non contaminante des personnes. Les politiques se sont emparés du sujet, prônant souvent l’application à un périmètre très large de la vie courante. Xavier Bertrand proposait qu’il soit nécessaire pour accéder aux cafés, restaurants, théâtres et cinémas, il est en cela sur la même ligne que le Président.
Mais la pratique n’est peut-être pas aussi simple. Le pass, malgré son appellation, empêche. Il contrarie certaines décisions et en facilite d’autres, et peut-être pas toujours les meilleures. La Foire de Tours est un exemple à ce titre significatif. Face à la contrainte (exigence du pass sanitaire à l’entrée), les clients ne se sont pas déplacés. À l’issue d’une 1ère journée déserte, la fronde des exposants a fait tomber le pass.
Le pass est un influenceur décisionnel en ce qu’il provoque des inflexions dans les décisions prises par les individus. Certaines sont souhaitées, comme la diminution de la circulation des personnes dont on n’identifie pas si elles sont contaminées ou pas. D’autres sont plus discutables d’un point de vue économique par exemple.
Lorsque le pass sanitaire est mis en place pour le cinéma et le théâtre, Netflix reste une excellente alternative; pour les restaurants, la livraison à domicile reprendra de plus belle. En ce qui concerne les centres commerciaux, Amazon comme les petits commerces lorsqu’ils existent, seront les principaux bénéficiaires. Là où le pass s’impose, les clients disposent et arbitrent.
Imposer un pass sanitaire à de nombreux secteurs de l’économie renforce par ailleurs d’autres biais décisionnels. Prenons l’exemple des restaurateurs aujourd’hui. Après des mois d’inactivité, il leur est demandé de contrôler (et refouler) leurs propres clients, si ces derniers ne souhaitent pas scanner de QR code ou remplir de cahier de rappel en vue d’un traçage de l’épidémie. Quiconque a fréquenté les cafés ou restaurants dernièrement n’a sans doute pas vu l’ombre de ces outils de traçage. Clients comme commerçants pourraient être pris dans un travers décisionnel classique, le “biais pour le présent”. Ce réflexe fait opter pour une maximisation des bénéfices à court terme, plutôt qu’une maximisation des revenus et bénéfices tout court, en raison d’une mauvaise évaluation du futur. Les restaurateurs comme leurs clients prennent des décisions irrationnelles, se détournant d’un outil de traçage et de maîtrise de l’épidémie qui permettraient d’éviter de nouvelles fermetures des établissements. Ce biais pour le présent est d’ailleurs actuellement renforcé, puisque la perspective de mise en place du pass renforce l’idée qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras.
Le pass contraint sans toujours réduire l’incertitude
L’incertitude ne favorise ni la confiance ni la reprise économique. L’un des attributs du pass sanitaire serait sa capacité à réduite ladite incertitude en permettant une circulation des personnes sous conditions, de façon à assurer une certaine sécurité.
L’épisode de la boîte de nuit aux Pays-Bas où au moins 180 personnes furent contaminées début juillet en une soirée, malgré l’exigence de pass sanitaire, envoie un double signal. D’une part, le pass n’est pas le Graal espéré, il n’empêche pas les contaminations massives. D’autre part, il pourrait en réalité favoriser des comportements plus risqués, sans gestes barrières, les personnes se croyant protégées par ledit pass.
L’incertitude ne semble pas vraiment levée non plus par la mise en place du Certificat Covid numérique UE exigé pour la circulation au-delà des frontières. Ce pass reste protéiforme, chaque pays imposant ses propres exigences pour laissez-passer, ou pas, les personnes (nature des tests, schéma vaccinal, quarantaine, etc..). Variant au jour le jour, le pass ne fluidifie pas véritablement les décisions des voyageurs, comme en témoigne la décision unilatérale de Malte de fermer ses frontières aux non-vaccinés. Mieux vaut bien vérifier les conditions de passage chaque jour, vacciné ou pas, l’incertitude perdure.
Les pass sanitaires sont destinés à protéger les populations d’elles-mêmes tout en permettant la reprise de la vie économique. La modulation de leur périmètre est un exercice subtil. Les effets indésirables guettent, si l’inflexion des décisions des individus n’est pas anticipée de façon ajustée. Trop de pass pourrait rappeler la fable de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf: à trop gonfler, il pourrait finir par exploser.
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