Le procès de Gwyneth Paltrow ou le triomphe de l’elite porn

Voilà bientôt un an que la diffusion du procès opposant Johnny Depp à Amber Heard a explosé les scores d’audience des plus riches heures de la court TV d’antan : un pic de 330 millions de spectateurs, cumulés par les divers canaux de l’ancien...

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Voilà bientôt un an que la diffusion du procès opposant Johnny Depp à Amber Heard a explosé les scores d’audience des plus riches heures de la court TV d’antan : un pic de 330 millions de spectateurs, cumulés par les divers canaux de l’ancien (câble) et du nouveau (streaming) paysage de cette vieille tradition cathodique américaine, remontant aux 1ères années du petit écran, qu’est la retransmission de procès. À titre de comparaison, le verdict d’O.J. Simpson avait été regardé par 150 millions d’Américains, c’est-à-dire plus de la moitié du pays en 1994 – mais c’est à l’échelle de la planète et des réseaux sociaux que se mesurent désormais ces succès.

Il y a quelques jours, et dans des volumes de viewership certes plus raisonnables, Gwyneth Paltrow attirait 30 millions de curieux devant la chaîne Law & Crime – et sans doute beaucoup plus en diffusion globale – pour assister au règlement de son litige avec un orthoptiste à la retraite, qui l’accuse de l’avoir percuté à ski en 2016 (elle a contre-attaqué pour un dollar symbolique et a gagné). Rachel Stockman, présidente de ce nouveau network en vue, le dit elle-même : “Chaque procès de personnalité nous rapporte une croissance exponentielle.” Même si les enjeux sont dérisoires, comme dans le cas de Paltrow.

La satire des élites

Et peut-être même a fortiori lorsqu’ils le sont. Car la débauche de moyens juridiques – armada de témoins, de médecins, de psychologues –, permise par le niveau de vie des deux parties (surtout d’une seule, mais tout de même des deux – l’accident a eu lieu dans une espèce d’hyper-Megève de l’Utah) et rapportée à l’insignifiance des faits a achevé de faire de cette affaire un point de bascule pour le spectacle qui a le plus fasciné la planète ces dernières années : la satire des élites. 

Le thème s’accroche à nos écrans dans des manifestations fictionnelles couvrant tout un spectre allant de la subtilité chic (White Lotus de Mike White) à la frontalité trash (Sans filtre de Ruben Ostlünd), avec bien sûr au centre du repère Succession de Jesse Armstrong. Mais il faut désormais considérer sa contre-allée d’objets impurs, gamme d’à-côtés où les retransmissions de procès renaissent et s’offrent à commenter avec la même panoplie de mots et de concepts que les séries susnommées. Le spectacle de la puissance au travail, ses armes de soft power (à commencer par la maestra de Paltrow en matière de courtcore, ce luxe décontracté propre aux vêtements portés par les stars au tribunal et qui est probablement choisi, comme pour toute apparition sur un tapis rouge, par un styliste personnel), les gages de servilité dégradants qu’elle inspire (comme le numéro de flatterie sidérant de l’avocate Kristin VanOrman, pourtant engagée par la partie adverse) ont rendu le passage à la barre de Gwyneth Paltrow passionnant mais surtout pratiquement indistinguable de la quatrième saison de Succession actuellement en cours de diffusion. Et au point même d’ouvrir un champ de questions sur l’elite porn : qu’est-ce qui nous captive vraiment dans ces représentations ? La médiocrité mise à nu des puissants ? Ou au contraire leur insidieuse supériorité naturelle ? Leur défaite morale ou leur victoire de fait ? La réponse au prochain procès.