Le protocole sanitaire dans les écoles analysé par des épidémiologistes

CORONAVIRUS - “Un moment d’incertitude abordé avec sérénité”. Une semaine avant la rentrée scolaire du 2 septembre 2021, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale donnait le ton. Les enfants et les jeunes, pas ou peu vaccinés,...

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Après avoir défini le niveau d'alerte du protocole sanitaire dans les écoles, Blanquer est apparu confiant en conférence de presse de rentrée. Les épidémiologistes adhèrent à son plan contre le Covid-19, dans ses grandes lignes. Mais il n'est pas sans défauts (photo d'illustration).

CORONAVIRUS - “Un moment d’incertitude abordé avec sérénité”. Une semaine avant la rentrée scolaire du 2 septembre 2021, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale donnait le ton. Les enfants et les jeunes, pas ou peu vaccinés, retournent dans des endroits clos, propices à la socialisation… et aux transmissions du virus. 

Pour éviter que les 12,9 millions d’adolescents et enfants ne se contaminent, tout en gardant les écoles ouvertes, le ministre de l’Éducation pendant l’été un plan en quatre actes -quatre niveaux d’alerte, pour quatre jeux de mesures différentes selon le niveau de circulation duCovid-19. Un document très détaillé, qui selon lui permet d’être “tout à fait serein sur cette rentrée”. 

Ce jeudi 2 septembre 2021, les élèves entreront sous restrictions de niveau 2. Ils auront cours enprésentiel. Au programme: aération renforcée, lavage de main, port du masque obligatoire pour le personnel et les élèves à compter de l’école élémentaire, limitation du brassage par niveaux, désinfection des tables, et activités sportives sans contact en intérieur. Conséquent.

Mais est-ce vraiment suffisant? Si l’épidémie semble relativement sous contrôle, et la surcharge hospitalière tenue à distance grâce aux vaccins, rien n’est gagné. Les soignants sont épuisés, les hôpitaux sont loin de désemplir, et le Covid-19 circule à un niveau assez élevé. La rentrée est sous tension. Beaucoup d’experts et d’élus ont par ailleurs fait entendre leurs inquiétudes à propos des écoles ces dernières semaines. 

Le HuffPost a soumis le protocole sanitaire dans les écoles et ses différentes mesures à l’appréciation de Bruno Lina, membre du Conseil scientifique, de Dominique Costagliola, épidémiologiste à l’INSERM et membre de l’Académie des sciences, et d’Antoine Flahault, épidémiologiste à l’Institut de Santé globale, à l’université de Genève. 

Un protocole solide, mais arbitraire

Globalement, Bruno Lina et les autres membres du Conseil scientifique “adhèrent avec les orientations et les principes proposés”, selon la dernière note publiée le 27 août dernier par ces scientifiques.

“Si tout est appliqué, et que l’on continue à vacciner à ce rythme, cela devrait bien se passer”, rassure le virologue. Sans écarter les risques: “une reprise épidémique alimentée par les enfants et adolescents est possible”, concède-t-il. 

En revanche, les scientifiques regrettent le manque de transparence sur la manière dont est défini le niveau du protocole. Sur quel fondement la rentrée est-elle au niveau 2? À partir de quand risque-t-elle d’être reclassée? Jean-Michel Blanquer ne précise pas.

“Cette intuition mériterait d’être adossée à des indicateurs”, estime Bruno Lina. Autre point faible, aucune différence n’est pour le moment faite en fonction de la circulation du virus au sein des départements.

Si ce protocole répond à la plupart des exigences scientifiques, il n’est pas parfait. Or l’enjeu est grand: dans sa dernière note, le Conseil scientifique redoute “une épidémie pédiatrique à la rentrée”, en raison de la contagiosité du variant Delta. 

De plus, les moins de 12 ans ne sont pas vaccinés et la couverture vaccinale est seulement de 50% chez les 12-17 ans. Pour les scientifiques interrogés par le HuffPost, certains points peuvent être améliorés, sans nuire à l’éducation des élèves. 

Dépister plus

Pour réduire les risques, Dominique Costagliola estime qu’il faut une politique de dépistage beaucoup plus ambitieuse. Jean-Michel Blanquer promet 600.000 tests par semaine. C’est peu au regard du nombre d’enfants scolarisés. 

En comparaison, environ 4 millions de Français se font tester chaque semaine, notamment dans le but d’obtenir un pass sanitaire. Ces tests de convenance sont encore entièrement pris en charge par l’État, jusqu’à mi-octobre. 

Dans sa dernière note, le Conseil scientifique conclut que la meilleure stratégie serait de dépistage au moins 50% des élèves, deux fois par semaine, en se basant sur des modélisations.

“Cela permettrait de garder les classes ouvertes si les enfants trouvés infectés sont renvoyés à leur domicile”, argumentent les scientifiques, loin de préconiser une politique de fermeture des classes, comme l’a laissé entendre Jean-Michel Blanquer dans son allocution de rentrée du jeudi 26 août. 

Aérer mieux

“Les efforts essentiels à réaliser portent notamment sur la ventilation des classes et des cantines, vérifiée en continu par capteurs de CO2 avec des normes maximales”, alerte Antoine Flahault, épidémiologiste à l’Institut de Santé globale, à l’université de Genève. Masque ou non, à partir d’un certain temps l’air intérieur se charge de coronavirus.

Blanquer répète depuis mai dernier qu’il “souhaite généraliser ces appareils” capables d’alerter quand l’air est trop saturé, mais n’en fait pas une priorité: “Ce n’est pas central dans notre stratégie”, a-t-il déclaré en conférence de rentrée, laissant le soin aux collectivités locales de s’en procurer. 

“C’est exact, le capteur est un simple indicateur, mais il permet de mieux aborder la question de l’aération, un geste aussi important que le masque ou le lavage de mains” rétorque Bruno Lina. Le scientifique déplore qu’aucune directive nationale ne soit énoncée. Ces appareils sont simplement recommandés dans le protocole sanitaire. 

Par ailleurs, certains aimeraient que les classes soient équipées de purificateurs d’air. Cette fois-ci, les scientifiques donnent raison au ministre. Ces appareils filtrants une partie des particules en suspension ne sont utiles que dans les rares cas où les pièces ne peuvent pas être suffisamment aérées. 

Ne pas sous-estimer le risque

Jean-Michel Blanquer a également évoqué en conférence de presse son souhait de renforcer la couverture vaccinale des 12 - 17 ans. Cette fois-ci les scientifiques sont unanimes: il faut continuer à vacciner, le plus vite possible. 

Comment? Antoine Flahault réfléchit même à une obligation vaccinale, car refuser l’accès à l’école aux non-vaccinés- un pass sanitaire scolaire- semble hors de question. Trop clivant. ”L’obligation vaccinale des élèves et des personnels des établissements scolaires pourrait être une alternative mieux acceptée, et vécue comme moins discriminante aussi”. 

Vacciner les enfants ne sert pas simplement à ralentir le virus à l’échelle nationale. Cela permet de réduire les contaminations dans les écoles, et donc de les garder ouvertes plus longtemps. Ce qui permettrait d’éviter un impact trop important de l’épidémie sur la santé mentale - le distanciel systématique pour les non-vaccinés dès le moindre cas de Covid-19 s’annonce difficile à vivre pour ceux qui ont un mauvais accès à internet ou de mauvaises conditions de vie. 

Quelques hospitalisations surviennent chez les enfants, en raison du Covid-19 directement ou d’un syndrome associé, le PIMS. Et ils ne sont pas à l’abri d’un Covid long. Les vacciner permet de les protéger. 

“Moins concernés par les formes graves du virus, les jeunes ne sont pas moins à risque de souffrir du Covid-19 et de la situation”, résume Dominique Costagliola, membre de l’Académie des sciences et épidémiologiste à l’INSERM.

En attendant l’augmentation de la couverture vaccinale des plus de 12 ans, le ministre de la Santé s’attend à “des difficultés” - selon les mots qu’il a employés dans son discours de rentrée- et n’exclut pas “de nouvelles mesures en fonction de la situation”. “Tout à fait serein”. Ou presque.

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