Le retour discret de La Berlinale 

Drôle d’endroit pour une reprise : un an après avoir été l’ultime festival de cinéma du monde d’avant, c’est en ligne que la Berlinale tient sa 71e édition, avant une série de projections des films primés en juin et en plein air. La formule...

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Drôle d’endroit pour une reprise : un an après avoir été l’ultime festival de cinéma du monde d’avant, c’est en ligne que la Berlinale tient sa 71e édition, avant une série de projections des films primés en juin et en plein air.

La formule n’a pas convaincu la haute chevalerie du cinéma d’auteur, que l’on suppose peu encline à accepter une diffusion sur écran d’ordinateur entre deux discours de Jean Castex, mais elle a tout de même réussi à accueillir une sélection respectable : des ténors européens et asiatiques (Céline Sciamma, Xavier Beauvois, Ryusuke Hamaguchi) parmi lesquels des habitués (Hong Sang-soo, Radu Jude), accompagnés surtout d’une importante fournée d’émergent·es (douze premiers films en sélection officielle, taux de fraîcheur record pour un festival de catégorie A).

Des œuvres en repli

Bien que nous n’ayons pas encore pu voir à cette heure le film sur lequel se concentrent désormais nos attentes (Wheel of Fortune and Fantasy de Ryusuke Hamaguchi, hommage du réalisateur de Senses, 2015, aux Contes moraux rohmériens), c’est une édition mineure qui commence à se dessiner au terme de trois jours ayant vu presque tous les noms ici cités livrer des œuvres en repli.

>> A lire aussi : Berlinale : un Ours d’or prévisible mais un palmarès qui vise juste

Dans Petite Maman, Céline Sciamma feinte les très fortes attentes nées de la résonance internationale du Portrait de la jeune fille en feu, 2019, pour y répondre sur le mode de la fugue, dans un conte arboricole et chétif qui ressemble plus que jamais à un premier film (ou bien à son deuxième, Tomboy, 2011, dont elle retrouve le sujet d’enfance), mais ne réussit pas vraiment à inventer une nouvelle magie.

>> A lire aussi : Notre critique de “Senses 1 & 2” de Ryusuke Hamaguchi 

Xavier Beauvois signe, lui, un quasi-film de famille, sa femme et sa fille partageant avec Jérémie Rénier la tête d’affiche : l’histoire d’un homme, papa, bientôt mari, chefaillon de gendarmerie, fils et petit-fils de pêcheurs (naufragés), quelque peu enflé de sa petite importance locale, et qui va soudain lâcher le gouvernail qu’il croyait si bien tenir. Albatros tient un temps la barre, en croquant avec un certain soin sa multitude d’à-côtés et de seconds rôles, mais se déporte finalement dans une caricature de film d’homme à fêlures (gravité compassée, regards dans le vague, pratique de la voile...) dès lors qu’il met en marche sa machine.

Hong Sang-soo (lauréat de l’Ours d’argent en 2020 pour La femme qui s’est enfuie) est celui qui s’en sort le mieux, sans doute parce que son œuvre constellée de ce genre de mignardises n’a plus à prouver sa capacité à s’accorder à la petitesse.

L’empreinte singulière d’Hong Sang-soo

Sans hauts concepts à la Yourself and Yours (2016), ni blessures tragiques comme dans Le Jour d’après (2017), Introduction s’essaie à une expérience modeste de récit lacunaire, retraçant trois rendez-vous d’un personnage délicat, jeune homme à la fois très pudique et très affectueux, dont on apprendra peu, sinon qu’il aime assez sa petite amie pour lui faire une visite surprise en Allemagne, ou qu’il a abandonné une vocation d’acteur par peur d’y commettre des infidélités sentimentales.

Le “Rohmer coréen” n’en tire rien d’autre qu’une nouvelle déclaration d’indépendance, cette fois à l’idée même de trame narrative, dont le film ne semble pas avoir besoin pour procéder à des rencontres, et laisser son empreinte singulière.