Le retour du tabagisme, l'écran de fumée de la pandémie
SANTÉ - Le nombre de fumeurs a arrêté de baisser l’an dernier en France, rebondissant même chez les personnes aux revenus les moins élevés, “dans un contexte de crise sociale”, selon des chiffres publiés ce mercredi 26 mai par Santé publique...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
SANTÉ - Le nombre de fumeurs a arrêté de baisser l’an dernier en France, rebondissant même chez les personnes aux revenus les moins élevés, “dans un contexte de crise sociale”, selon des chiffres publiés ce mercredi 26 mai par Santé publique France. Si le lien avec la pandémie de Covid-19 semble évident, il est en réalité très flou.
En 2020, plus de trois adultes sur dix déclaraient fumer au moins occasionnellement (31,8%) et un quart quotidiennement (25,5%), indique l’agence sanitaire avant la journée mondiale sans tabac, lundi 31 mai. Cela marque un coup d’arrêt après plusieurs années qui ont vu la proportion de fumeurs reculer de 34,5% à 30,4% entre 2016 et 2019, et les fumeurs quotidiens passer de 29,4% à 24%.
Santé publique France (SpF) qualifie de stabilisation les chiffres de 2020, car “les variations de la prévalence du tabagisme et du tabagisme quotidien par rapport à 2019 ne sont globalement pas significatives”. En revanche, l’organisme public note bien “une augmentation” du tabagisme “parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés”, à 33,3% de fumeurs quotidiens contre 29,8% en 2019. Par contraste, dans le tiers de la population aux revenus les plus élevés, seuls 18% se déclarent fumeurs quotidiens.
Autre signal inquiétant: “en 2020, 29,9% des fumeurs quotidiens avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours des 12 derniers mois”, une proportion “en baisse significative par rapport à 2019 (33,4%)”.
Ces données sont issues du baromètre réalisé chaque année par SpF, une grande enquête sur les questions de santé menée par téléphone auprès de 14.873 personnes entre janvier et mars 2020 puis entre juin et juillet de la même année.
Quel lien avec le Covid-19?
Si le coronavirus fait office de coupable idéal, la réalité semble plus complexe. La crise sanitaire liée au Covid-19 et ses restrictions économiques et sociales “ne semblent pas avoir eu d’impact défavorable”, puisque c’est en début d’année 2020, entre janvier et mars, que la “hausse” est observée, suivie d’une “stabilisation” après le 1er confinement. Parmi les personnes interrogées de janvier à mi-mars 2020, 32,7% se disaient ainsi fumeuses, mais cette proportion a diminué à 30,5% chez celles sondées en juin et juillet 2020, retrouvant le niveau de 2019 (30,4%).
Cette stabilisation peut avoir un lien avec la crise sanitaire, estime Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac et professeur de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin, car ”à chaque phénomène dur pour la population, on observe une recrudescence des comportements addictifs”.
Avec les “baisses successives” de ces dernières années, “on avait fait la partie facile”, désormais ”ça va être compliqué de continuer” à diminuer car il va falloir toucher “les plus fragiles”, moins sensibles aux messages de prévention, a-t-il expliqué à l’AFP.
Aux États-Unis, où la proportion de fumeurs est bien plus faible, le bilan est lui aussi mauvais: les demandes d’aide pour arrêter de fumer ont fortement baissé en 2020, au plus bas depuis 2007, rappelle la revue médicale Jama. Et après plusieurs années de baisse, les ventes de cigarettes sont reparties à la hausse sur les 10 1ers mois de 2020.
Pendant le 1er confinement, une hausse des ventes en France avait aussi été observée. Mais celle-ci était plutôt liée à l’arrêt des achats dans des pays frontaliers où le paquet est moins cher.
Crise sociale
Pour la France, Santé publique France ne tranche pas sur les raisons de l’évolution du tabagisme en 2020, mais observe qu’elle “s’inscrit dans un contexte de crise sociale en France qui a démarré fin 2018, avec le ‘mouvement des gilets jaunes’”, qui “a fortement concerné les populations de plus faible niveau socio-économique”.
“Or parmi les populations les moins favorisées, la cigarette pourrait être utilisée pour gérer le stress ou pour surmonter les difficultés du quotidien, malgré le coût de plus en plus important de ce produit”, avance l’agence, citant une étude française de 2009 qui analysait pourquoi les fumeurs modestes sont paradoxalement moins sensibles aux politiques de hausse des prix du tabac.
Depuis 2017 le gouvernement a relevé nettement les taxes sur le tabac pour faire passer le prix du paquet à 8 euros en mars 2018, puis environ 10 euros début 2020, dans le but affiché de réduire la consommation.
Le niveau du tabagisme “reste élevé en France par rapport aux pays anglo-saxons” comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Australie, qui ne comptaient que 14% de fumeurs en 2019, avec toutefois là aussi de fortes disparités en fonction du niveau de revenu et de diplôme, observe Santé publique France.
75.000 morts par an en France métropolitaine sont attribuables au tabac, selon une étude publiée en 2019, soit plus d’un décès sur huit.
Pour atteindre l’objectif des autorités sanitaires d’une “1ère génération sans tabac à l’horizon 2030”, Santé publique France invite à “réinstaller une tendance à la baisse” et à “renforcer encore la lutte auprès des populations les plus vulnérables face au tabagisme”, pour tenir compte d’inégalités sociales “très marquées”.
À voir sur Le HuffPost: “Le tabac tue” rappelle Olivier Véran après la sortie d’une étude sur la nicotine