Le retrait de Simone Biles aux JO de Tokyo montre que "les sportifs sont des gens comme les autres"
SPORT - C’était écrit: lors des Jeux olympiques de Tokyo, l’une des plus grandes athlètes de notre époque allait rafler toutes les médailles d’or, ou presque, de sa discipline, la gymnastique. Mais mardi 27 juillet, Simone Biles a donné du...
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SPORT - C’était écrit: lors des Jeux olympiques de Tokyo, l’une des plus grandes athlètes de notre époque allait rafler toutes les médailles d’or, ou presque, de sa discipline, la gymnastique. Mais mardi 27 juillet, Simone Biles a donné du tort à toutes les prédictions en se retirant du concours par équipe, expliquant devoir “faire face à ses démons”.
“Je dois faire ce qui est bon pour moi et me concentrer sur ma santé mentale et ne pas compromettre ma santé et mon bien-être, c’est pourquoi j’ai décidé de prendre du recul et de laisser les autres filles faire le boulot”, a déclaré la championne américaine de 24 ans. ”En arrivant à la salle, j’ai senti que je combattais déjà tous ces démons, mais je me suis dit: ‘Il faut mettre sa fierté de côté et être là pour l’équipe’.”
Aussi fracassante que fût cette annonce, les yeux du monde entier étant rivés sur cette athlète aux performances hors-norme, les mots de Simone Biles n’ont rien d’étonnant pour Véronique Lebar, médecin du sport et présidente du Comité éthique et sport.
Lever le tabou de la dépression
Elle le sait bien car son comité a justement mené une enquête sur la santé mentale des sportifs, dont les résultats, “très inquiétants” selon ses mots, devraient être publiés à l’automne. “Lorsque l’on a demandé à nos ambassadeurs de sportifs quels étaient les problèmes qu’il fallait adresser, la 1ère proposition mise sur la table a été celle de lever le tabou de la dépression chez les sportifs”, explique-t-elle.
Pour ce médecin, les propos de Simone Biles ne laissent que peu de places au doute: “entre la pression qu’elle subit et l’année compliquée que les athlètes viennent de vivre avec le Covid, ses démons, ce sont des signes de la dépression”. Et d’ajouter: “on sait bien que toutes les victimes de violences sexuelles commencent leur résilience à partir du moment où ils prennent un peu de recul”. Car ne l’oublions pas, en 2018, Simone Biles déclarait être l’une des nombreuses victimes des violences sexuelles commises par Larry Nassar, ancien médecin de l’équipe américaine.
Naomi Osaka, Michael Phelps
Début juin, c’est une autre sportive, Naomi Osaka, qui prenait la parole pour faire état d’épisodes dépressifs, d’anxiété sociale et d’introversion. La numéro deux mondiale de tennis se retirait alors de Roland-Garros.
Trois ans plus tôt, la légende de la natation Michael Phelps se confiait lui aussi sur sa dépression, ses anxiétés, son rapport à l’alcool, ses idées suicidaires. Ce dernier a d’ailleurs expliqué que les images de Simone Biles se mettant en retrait des JO de Tokyo lui avaient “brisé le cœur”. “Les JO sont quelque chose qui peuvent vous submerger, il y a beaucoup d’émotions en jeu, je pourrais vous en causer pendant des heures”, a-t-il indiqué sur la chaîne de télévision NBC.
“Quand on écoute les sportifs, ils nous disent qu’ils sont considérés comme des produits de consommation, bons à jeter quand ils sont périmés, surtout dans le haut niveau”, regrette Véronique Lebar. “Il faut vraiment casser cette image du sportif, admettre qu’ils sont des gens normaux, car cette image les bloque. Résultat, les dépressions sont prises en compte très en retard, et ils ont du mal à s’en sortir”, poursuit-elle.
Humain, trop humain
Les champions sont des humains avant tout. “Ils ne sont pas des ordinateurs. Simone Biles n’est pas Zoro ou Batman, elle est une championne, mais une championne humaine, et elle restera une championne, qu’elle se retire complètement des JO ou pas”, affirme Véronique Lebar.
La quadruple championne olympique semble de cet avis. “En fin de compte, nous sommes aussi humains, nous devons protéger notre esprit et notre corps, plutôt que de faire ce que le monde attend de nous”, a-t-elle souligné. “Ce que j’ai décidé montre le pouvoir des sportifs, je me suis assurée que je protégeais ma santé mentale et mon bien-être, je ne voulais pas risquer de me faire mal ou de faire quelque chose de stupide en participant à cette compétition. Je veux me concentrer sur mon bien-être, il y a plus dans la vie que la gym.”
Le monde du sport est-il en train d’ouvrir les yeux, grâce ces sportifs qui prennent la parole, sur la santé mentale de ses athlètes? Selon Julie-Ann Tullberg, spécialiste de la psychologie dans le sport à l’université Monash en Australie, contactée par l’AFP, “la question de la santé mentale a longtemps été sous-estimée comme cause de la contre-performance dans un environnement sportif aussi intense que les JO. Désormais, les sportifs veulent causer de cette pression ouvertement et librement”, poursuit-elle.
Prise de conscience
La vague de prises de parole sans précédent qui a découlé de l’affaire Weinstein a aussi joué un rôle de taille dans les déclarations de Naomi Osaka ou Simone Biles, selon Véronique Lebar. “Depuis #MeToo, les femmes, les sportifs, les gens en général, causent plus facilement. Sur tout ce qui a trait à l’humain, on observe une libération de la parole”, indique-t-elle.
Depuis l’annonce de son retrait, Simone Biles reçoit un nombre incalculable de messages de soutien, comme cela avait aussi été le cas pour Naomi Osaka. Et la visibilité de tels messages, forts, venant d’aussi grandes athlètes, pourrait changer la donne dans les années à venir. “Il faut pouvoir demander de l’aide quand on vit des périodes difficiles (...) J’espère que ce qu’il s’est passé va permettre aux gens d’ouvrir les yeux (...) Personne n’est parfait, c’est OK parfois de ne pas se sentir OK”, a lancé Michael Phelps. “Sur le terrain, il faut prévenir, anticiper, détecter, libérer la parole, pour qu’aucun sportif n’en arrive à ce que vient de faire Simone Biles”, ajoute Véronique Lebar. À l’heure actuelle, la star américaine est toujours qualifiée pour quatre finales des Jeux olympiques, qui doivent se tenir la semaine prochaine.
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