Le secret d'un amour qui dure toujours? L'ocytocine

AMOUR - Autour de vous, c’est l’hécatombe. Les couples se font et se défont. Des liens se nouent, des vies se mêlent dans l’euphorie des nouveaux départs, puis les regards se détournent, les histoires se séparent. Et, au milieu de ce marasme...

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L'ocytocine, philtre d’amour des couples qui durent

AMOUR - Autour de vous, c’est l’hécatombe. Les couples se font et se défont. Des liens se nouent, des vies se mêlent dans l’euphorie des nouveaux départs, puis les regards se détournent, les histoires se séparent. Et, au milieu de ce marasme amoureux, de cette valse des cœurs et des âmes, les voilà. Ils ont cette lueur spéciale dans les yeux quand ils se regardent. L’envie d’être dans les bras de l’autre, toujours intacte. Et une façon bien à eux de rire ensemble.

Jean-Charles et Marinette, un couple de sexagénaires du nord de la France, affichent plus de 40 ans de mariage. Et sont toujours heureux ensemble. Ils ont pris l’habitude de se voir comme une espèce en voie de disparition dans un monde où les divorces se répandent. Pourtant, les neurosciences l’ont prouvé: oui, on peut être ensemble depuis longtemps et amoureux comme au 1er jour!

a été publié dans l’hebdomadaire “La Vie”, retrouvez d’autres contenus connexes

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Piliers biologiques de l’amour durable

C’est en tout cas ce qu’ont découvert le psychologue américain Arthur Aron et les chercheurs de l’université de Stony Brook aux États-Unis. Ils ont étudié par IRM les cerveaux de personnes en couple depuis une vingtaine d’années en moyenne et qui se disaient toujours amoureux. Comment? En observant leur activité cérébrale lorsqu’on leur présentait la photo de leur conjoint.

Ce qu’ils ont découvert remet totalement en question nos idées reçues sur l’amour. Chez ces amoureux au long cours, comme Jean-Charles et Marinette, deux réseaux neuronaux spécifiques s’activent, les piliers biologiques de l’amour durable. D’abord, le réseau neuronal de l’attachement, qui lie trois régions cérébrales: le cortex insulaire, où naît le besoin de l’autre, le cortex cingulaire qui permet de ressentir pleinement nos émotions et le pallidum, qui oriente les actions vers un but.

Mais on retrouve aussi dans le cerveau de ces vieux amants, et c’est sans doute le plus surprenant, les étincelles typiques des 1ers jours de l’amour, au sein de deux régions proches l’une de l’autre et qui communiquent entre elles: l’aire tegmentale ventrale (VTA, pour ventral tegmental area, en anglais) et le noyau accumbens, qui forment ce qu’on appelle le circuit de la récompense. C’est là, dans les profondeurs de notre boîte crânienne, bien en dessous du système cognitif, que naît et dure la passion.

L’hormone de l’attachement

Comment ces couples réussissent-ils donc à produire ces connexions cérébrales quand d’autres voient peu à peu leur amour s’éroder? Le secret se cache sans doute chez un petit mammifère au nom bucolique: le campagnol des prairies. Cet animal originaire d’Amérique du Nord a une particularité qui le distingue de tous les autres rongeurs: lorsqu’il rencontre l’élu de son cœur, il forme avec lui ou elle un couple inséparable. Le mâle comme la femelle sont fidèles, protecteurs et attentionnés. À l’origine de ce comportement, il y aurait une substance spécifique, particulièrement présente chez cette espèce: l’ocytocine, un “neuropeptide social” (qui agit à la fois comme un neurotransmetteur et comme une hormone) et que l’on retrouve dans le cerveau mais aussi dans le sang.

Des chercheurs ont ainsi constaté qu’une injection directe d’ocytocine dans le cerveau d’un campagnol des prairies en présence d’un individu du sexe opposé créait une tendance durable à rester avec l’autre, à se blottir contre lui. Chez l’humain, l’ocytocine est surtout présente en grande quantité chez la mère au moment de l’accouchement et de la lactation, ce qui explique la bouffée d’amour ressentie par la femme au moment de la naissance de son enfant.

Mais pas seulement. En fait, dès qu’on cause d’amour chez l’humain, l’ocytocine est partout! Comme chez le campagnol des prairies, celle-ci fonctionne comme un philtre d’amour. Elle intervient dans le désir. Pendant les relations sexuelles, le taux d’ocytocine monte en flèche chez les hommes et les femmes. Mais elle joue aussi un rôle important dans le processus d’attachement. Plusieurs études ont ainsi montré que, lorsqu’on pulvérisait une solution contenant de l’ocytocine devant le nez de volontaires, ceux-ci faisaient davantage confiance aux autres personnes présentes.

Plus étonnant encore, l’ocytocine accroît la perception de la beauté de l’être aimé. ”C’est un peu comme l’effet du rouge à lèvres, du fard et du fond de teint, expliquait ainsi Serge Stoléru dans La Vie en mars 2019, mais ici, au lieu d’un maquillage, externe, appliqué sur le visage de la femme, l’ocytocine agit comme si elle rehaussait, à l’intérieur de l’esprit de l’homme, la beauté de la femme qu’il aime.” Il serait même possible de prédire si deux personnes seront encore en couple quelques mois plus tard, en mesurant leur niveau d’ocytocine dans le sang…

Connexion avec l’autre

Et ce n’est pas tout. Les scientifiques de l’université de Stony Brook ont remarqué qu’un troisième réseau cérébral s’activait chez nos vieux amants. L’insula médiane et le cortex cingulaire antérieur, des aires liées normalement à la conscience de soi, entrent aussi en jeu. ”Quand vous pensez à quelqu’un de très proche, les mêmes zones s’activent dans votre cerveau que lorsque vous pensez à vous-même. L’autre devient comme une part de vous-même”, explique Arthur Aron. C’est sans doute l’un des secrets de l’amour durable.

Ce sentiment de connexion avec l’autre n’est pas qu’une impression: les cerveaux sont vraiment connectés. Uri Hasson, un scientifique états-unien de l’université de Princeton, a ainsi mesuré l’activité de notre boîte crânienne lorsque nous entrons en communication avec quelqu’un d’autre. Parfois, c’est le calme plat, ou presque… Mais il arrive aussi que nous soyons sur la même longueur d’onde: il se passe alors la même chose dans le cerveau de celui qui cause que de celui qui écoute.

Parfois, la connexion est telle que celui qui écoute anticipe même les réactions cérébrales de l’autre. Lorsque deux personnes sont en synchronie cérébrale, elles se comprennent spontanément. Uri Hasson va même jusqu’à affirmer que ce type de communication (littéralement quand deux esprits se rencontrent) est un seul et même acte accompli par deux cerveaux. Cette synchronisation peut être très forte dès la rencontre et se renforcer avec le temps.

La chimie de l’amour durable

En fait, tout porte à croire que notre cerveau et notre corps sont programmés pour expérimenter un amour durable, loin des théories sur l’amour qui dure trois ou sept ans. Un amour qui, finalement, pourrait ne pas être si éloigné de celui des parents pour leurs enfants… C’est en tout cas la thèse de Larry Young, un neurobiologiste de l’université d’Emory aux États-Unis. Selon ce grand spécialiste de la chimie de l’amour, le lien monogame entre humains pourrait même être le résultat de l’évolution de mécanismes cérébraux qui, antérieurement, servaient au lien de la mère à ses petits. Et de fait, le réseau cérébral de l’attachement visible sur les IRM des couples de l’université de Stony Brook est, à peu de chose près, celui qui s’active lorsqu’une mère regarde la photo de son enfant.

Alors pourquoi est-ce si difficile, pour certains, de maintenir une relation amoureuse sur le long terme? Il semblerait que certaines personnes en soient plus capables que d’autres. ”Des études suggèrent ainsi qu’il pourrait exister une relation statistique entre la qualité de la relation conjugale et la forme que revêtent des gènes précis chez les êtres humains : le gène qui synthétise le récepteur de la vasopressine (un autre neuropeptide social) chez les hommes et celui qui synthétise le récepteur de l’ocytocine à la fois chez les femmes et les hommes”, expliquait ainsi le psychiatre Serge Stoléru dans La Vie en mars 2019. Ce sont aussi nos expériences affectives vécues dans l’enfance, les styles d’attachement, sécurisants ou non, que nous avons expérimentés, qui programment le cerveau et déterminent notre capacité à aimer. Mais pas de panique, on sait aujourd’hui qu’on peut corriger ces lacunes grâce à des thérapies fondées sur la parole.

Surtout, le problème vient sans doute davantage de la façon dont nous vivons. Notre environnement ne nous aide pas à préserver l’intensité et la constance de l’amour. ”La 1ère des choses à faire pour avoir une relation amoureuse épanouissante, c’est de chasser toutes les sources de stress”, conseille ainsi Arthur Aron. Lorsque nous sommes stressés par notre travail, par exemple, nous passons moins de temps avec notre conjoint, ce qui, presque mécaniquement, abîme peu à peu le sentiment de connexion à l’autre. Nous avons aussi de plus en plus de mal à communiquer avec lui parce que le stress altère nos capacités cognitives.

Ce qui a pour conséquence de provoquer chez lui des attitudes négatives (rejet, prise de distance), qui nourrissent notre malaise. Résultat: le couple devient lui-même une source de stress et nous sommes alors convaincus que c’est la relation qui est le problème.

Une émotion renouvelable à l’infini

Une fois la question du stress réglée, on peut recréer empiriquement la chimie de l’amour: favoriser le rush d’ocytocine, synchroniser son cerveau sur celui de l’autre. Et provoquer ainsi de nouvelles étincelles. Comment? Les relations sexuelles sont importantes parce qu’elles augmentent le taux d’ocytocine chez les deux partenaires. Mais pas seulement: prendre soin de l’autre, se prendre dans les bras, libère également de l’ocytocine qui renforce à la fois le désir et l’attachement.

Surtout, les chercheurs soulignent l’importance des émotions positives lorsqu’elles sont vécues ensemble. Uri Hasson a ainsi montré que la synchronisation des cerveaux était plus forte encore lorsque nous partageons une même émotion comme la joie, la gratitude, ou bien l’enthousiasme. Pour cela, il faut passer du temps ensemble. ”L’idéal serait de faire chaque semaine une activité nouvelle et enrichissante avec votre conjoint”, conseille notamment Arthur Aron.

Parmi ces émotions positives, l’une est particulièrement bénéfique pour le couple: le sentiment d’élévation, c’est-à-dire ce que l’on éprouve face à des lieux, des actes ou des personnes admirables et qui nous donne l’impression de nous élever intérieurement. Contempler la nature, une œuvre d’art, ensemble, par exemple, agit sur notre système nerveux autonome (la partie du système nerveux responsable des fonctions non soumises au contrôle volontaire). Et cela retentit notamment sur le nerf vague, ce long conduit nerveux qui prend naissance dans le tronc cérébral, tout au fond du crâne, et qui raccorde le cerveau au cœur.

Or une augmentation de l’activité du nerf vague apaise l’organisme en ralentissant le rythme cardiaque et augmente le taux d’ocytocine qui favorise l’attachement. Le rythme naturel du couple qui dure? Un mélange de moments de proximité, de connexion, mais aussi de temps où chacun vaque à ses activités et qui permet au couple de se régénérer. Un peu comme l’enfant qui s’éloigne un temps de sa mère pour explorer les alentours, puis revient la serrer dans ses bras pour se rassurer.

Il n’y a que des moments d’amour

Surtout, il faut sans doute revoir notre façon de penser l’amour… comme le suggère la psychologue américaine Barbara Fredrickson. Pour cette spécialiste mondiale de la psychologie positive, l’amour n’existe pas en soi: il y a d’abord l’attachement et des moments d’amour qu’il faut multiplier pour nourrir la relation. ”Cette force solide qui définit ma relation avec mon mari Jeff depuis 18 ans n’est pas l’amour en soi, mais le lien que nous partageons lui et moi, et l’engagement que nous avons pris l’un envers l’autre d’être fidèles et confiants jusqu’au bout. Ce lien et cet engagement créent dans notre relation un sentiment durable et profond de sécurité, qui offre un terrain propice à de fréquents moments d’amour.”

Des moments que la psychologue nomme “résonance positive” et qui, non seulement nourrissent et fortifient la relation, mais sont aussi bons pour la santé des deux conjoints. Car les scientifiques en sont désormais convaincus: vivre une relation amoureuse de qualité fait du bien à notre santé. De nombreuses études ont montré que cela avait des effets concrets sur la santé cardiovasculaire ou encore le système immunitaire. ”En clair, il est aussi important pour votre santé et votre longévité d’avoir une relation amoureuse stable et épanouissante que d’arrêter de fumer, de faire attention à votre alimentation ou de pratiquer une activité sportive!” affirme ainsi Arthur Aron. Aussi vital d’être amoureux que de manger cinq fruits et légumes par jour… Alors on lâche tout et on prend le temps de s’aimer!

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