Le singe descendra-t-il de l'homme? - BLOG
caille-poulet fut engendrée par greffe de cellules, les 1ères souris transgéniques en 1982, puis la 1ère chimère interespèces entre l’homme et le porc en 2017. Mais jusque là, du fait de l’éloignement des espèces, ces manipulations ne risquaient...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
SCIENCE - Des chercheurs français et sino-américains sont parvenus à produire des embryons “chimériques” homme-singe en introduisant des cellules souches humaines dans des embryons de macaques. Cette nouvelle, relayée par les revues Cell et Stem Cell Reports en début d’année, a provoqué l’inquiétude des opinions publiques et des comités d’éthiques du monde entier. Les monstres à tête de chèvre seraient à nos portes, et l’humanité sur le point de se dissoudre.
Pourtant, les techniques de transplantation ne sont pas nouvelles. Dès 1969, une chimère caille-poulet fut engendrée par greffe de cellules, les 1ères souris transgéniques en 1982, puis la 1ère chimère interespèces entre l’homme et le porc en 2017. Mais jusque là, du fait de l’éloignement des espèces, ces manipulations ne risquaient pas de produire des créatures ressemblant à des humains. On était face à des animaux modifiés plus qu’à des mutants humanoïdes. Or l’hybridation de l’homme et du singe pourrait enfanter un véritable être humain dégradé, et terrifiant. Car en produisant des monstres, plus que notre vie même, le chimérisme menace notre identité. “C’est la monstruosité qui est la contre-valeur vitale. La mort est la négation du vivant par le non-vivant. Mais la monstruosité c’est la menace de distorsion dans la formation de la forme, c’est la négation du vivant par le non viable” (Canguilhem).
Le mythe de Prométhée
En effet, au-delà de leurs conséquences profitables pour la médecine ou nuisibles pour la biosphère, ces manipulations du génome humain posent le problème de notre définition, définition doublement précaire, car construite contre l’animal, tantôt réduit à une forme de vie inférieure soumise à l’automatisme de l’instinct, tantôt érigé comme bestialité délibérément choisie par la liberté humaine. Nous sommes cernés par les bêtes: par notre régression toujours possible vers une animalité naturelle, ou notre progression vers une barbarie morale. Aussi notre identité repose-t-elle sur une double coupure avec l’animal hors de nous et l’animal en nous, coupure garantie par notre capacité à nous autodéfinir.
C’est ce que explique le mythe de Prométhée qui, pour compenser l’épuisement des armes distribuées aux autres êtres vivants pour assurer leur survie (toison, griffes, crocs, ailes, épines, etc.), donna le feu aux hommes, symbole de l’intelligence technique, dérobé aux dieux. Voilà pourquoi l’être humain n’a pas de formes puissantes, mais une intelligence qui lui permet de donner forme à toute chose. Or notre hybridation, en mêlant notre liberté à un corps étranger, la solidifierait dans une forme particulière: un homme macaque, ou un macaque intelligent. Au lieu de continuer à nous émanciper des contraintes naturelles par une intelligence protéiforme, la technique, en nous prenant pour objet, menacerait de nous dénaturer.
Les limites de l’acceptable
De fait, l’hybridation humaine ne nous gêne pas quand elle accroît notre liberté. On ne compte plus les superhéros issus de mélanges cellulaires avec les animaux, comme Spider-man, Ant-Man ou encore la Guêpe. Le “transhumanisme”, de même, prône l’amélioration des facultés humaines aussi bien par l’optimisation génomique (vue plus perçante, ouïe plus développée, augmentation des capacités mnésiques, etc.) que par l’implantation de dispositifs électroniques, comme on le fait déjà dans un cadre thérapeutique (cœurs artificiels, implants cochléaires). C’est moins le mélange de l’humain et de l’animal ou de l’électronique (ou de la maladie, comme dans la vaccination) qui nous incommode, que la diminution de notre liberté, que notre assignation à une identité spécifique.
C’est la même exigence de respect de notre capacité d’autodéfinition qui justifie le strict encadrement des diagnostics préimplantatoires permettant de “choisir son enfant” (sexe, taille, couleur des yeux, risques pathologiques, “gènes de l’intelligence”…), ainsi que le clonage qui, chacun à leur façon, imposeraient à l’individu une identité décidée par d’autres.
Le problème du chimérisme
Mais si le chimérisme humain paraît inacceptable moralement, alors même qu’il est si prometteur pour la recherche scientifique et médicale, c’est que s’y rejoue peut-être, aux dimensions microscopiques de l’ADN, la vieille opposition entre un conservatisme cherchant à maintenir une identité sacralisée, souvent ancrée dans une époque révolue, et un libéralisme s’attachant au développement des potentiels humains. Le problème du chimérisme entrerait ainsi en résonance avec des enjeux politiques sous-jacents.
Il serait regrettable que le clivage de cette nouvelle “panique morale” nous interdise d’explorer des progrès biotechnologiques qu’il est possible d’encadrer juridiquement. Car il s’agit toujours, en dernier lieu, de tenir la ligne de crête entre l’illusion symétrique de la toute-puissance et du renoncement. Ligne de crête étrangement illustrée par la promesse de la technique chimérique d’utiliser les animaux comme réserve d’organes transplantables aux humains, à laquelle répond la punition de Prométhée d’avoir son foie dévoré par un aigle jusqu’à la nuit des temps.
À voir également sur Le HuffPost: Après les cybercochons, Elon Musk présente un singe jouant aux jeux vidéo grâce une puce