Le traitement de l'autisme, dont mes filles et moi souffrons, est celui de la charité - BLOG

AUTISME — Je suis restée quasiment cinq décennies avant d’apprendre que j’étais autiste asperger. Jusqu’alors invisible, je ne comprenais ni ma vie chaotique ni mon sentiment de différence et de défiance envers les autres. En 2019, ma fille...

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Nous ne savons pas toujours comment nous comporter ni ce que pense les non autistes. C’est très déroutant. Comment donner correctement le change dans ces conditions sans mauvaises interprétations? Mes filles et moi n’avons pas de vraies amies. Pourtant nous sommes des personnes originales, attachantes si les autres essayaient de mieux comprendre notre fonctionnement.

AUTISME — Je suis restée quasiment cinq décennies avant d’apprendre que j’étais autiste asperger. Jusqu’alors invisible, je ne comprenais ni ma vie chaotique ni mon sentiment de différence et de défiance envers les autres. En 2019, ma fille aînée, Jeanne, a été diagnostiquée avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) non déficient à treize ans. Puis, en 2020, le TSA fut confirmé pour moi et ma cadette, Flora, dix ans.

J’ai vécu ce diagnostic avec un grand soulagement après tant d’errance médicale, située entre bipolaire et borderline, mais hors tableau clinique précis.

Pour mes filles, le centre médico-psychopédagogique de secteur, bastion désuet de la psychanalyse, a évoqué une “dysharmonie évolutive”, terme médicalement dépassé. En 2021, les médecins connaissent encore mal l’autisme de haut niveau de fonctionnement.

Vous avez envie de expliquer votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

On naît autiste, on meurt autiste, on n’en guérit pas

L’autisme n’est pas une maladie, mais un trouble neurodéveloppemental, principalement d’origine génétique. L’autisme c’est un cerveau différent! Une pensée, une façon de voir, de sentir, de ressentir différentes. Je bulle beaucoup chez moi, entourée de mes animaux adorés ou dans la nature et son calme si bénéfique. Je ne réponds pas toujours quand on me cause, car absorbée par mes pensées. Je vais directement à l’essentiel. Au lieu d’être dans les soirées entre copines, je me consacre à mes “intérêts restreints” ou passions dévorantes en oubliant le monde, car cela me fait un bien intense. Chez moi certains ne durent pas, d’autres restent. Le dessin et les animaux sont des constantes dans ma petite famille. Ma cadette s’adonne à l’équitation, mon aînée crée des personnages de manga tout en maitrisant Photoshop. On adore les musées. Ce qui tord le cou à l’idée préconçue que les autistes n’ont pas d’imagination. Et puis, dans notre appartement, nous avons trois chats, quatre perruches, des poissons, mais nous rêvons d’une ferme voire d’un zoo personnel!

Toutefois, on naît autiste, on meurt autiste, on n’en guérit pas. Pour autant, il faut bien sortir de chez soi, aller à l’école, travailler et gagner sa vie. À partir de là les choses se compliquent. Nous avons besoin d’aide et tout dépend de nos capacités à compenser la fatigue générée par la fréquentation du monde, ce brouhaha permanent, illogique. La vie en société m’a toujours semblé un “cirque” comme le dit si bien Josef Schovanec, le porte-parole des autistes en France. Souvent hypersensibles, notre façon d’être au monde est plus une protection qu’une attitude de froideur et d’indifférence envers les autres.

Ma façon d’aimer est spéciale: prendre la main, les étreintes, ce n’est pas naturel. L’expression de mes émotions, de mes sentiments a toujours posé un problème de bande passante avec les autres: famille, compagnons, collègues. Pour m’intégrer, il m’a fallu me faire violence afin d’apprendre la façon d’être, de causer des non-autistes, mais aussi pour camoufler des aspects étranges de ma personnalité autistique. Une personnalité très réservée voire évitante, aucunement spontanée, avec un mutisme déroutant: cela me rapproche de Jeanne. Mes colères disproportionnées me rapprochent de Flora. Flora, l’extravertie du clan, va vers les autres, mais n’a pas le mode d’emploi. Nous ne savons pas toujours comment nous comporter ni ce que pensent les non-autistes. C’est très déroutant. Comment donner correctement le change dans ces conditions sans mauvaises interprétations? Mes filles et moi n’avons pas de vraies amies. Pourtant nous sommes des personnes originales, attachantes si les autres essayaient de mieux comprendre notre fonctionnement.

L’autisme exclu d’une société normative

Dans cette société française si normative, j’aimerais être mieux appréciée et moins jugée malgré la discontinuité et les incohérences de mon parcours de vie. J’ai redoublé deux fois cependant j’ai décroché sept diplômes, six avec mention, avec une mère femme de ménage! Nous avons de grandes capacités sans être des génies: Jeanne apprend le Japonais seule, Flora connait par cœur toutes les espèces animales sur terre, c’est la scientifique. Nous avons des compétences mnésiques surprenantes: je me souviens qu’à l’âge de deux ans Jeanne chantait par cœur un concerto de Mozart. Puis notre sens du détail est hors normes et commun à tous les autistes. Je suis donc surdiplômée, mais mon parcours professionnel reste entravé d’embûches. J’ai essayé plusieurs métiers plutôt relationnels: libraire, attachée de conservation, webmaster, paysagiste d’intérieur, assistante d’architecte puis enseignante, métier qui me plait, car le monde des enfants est dénué de faux-semblants.

Sans inclusion en milieu ordinaire en entreprise, des problèmes de santé se sont greffés à mon autisme: dépression, trouble anxieux, maux d’ordre neurologique. Les sollicitations constantes à l’école, en entreprise entrainent des “débordements” provoquant des tensions internes nous poussant à l’isolement, mes filles et moi. C’est en cela que cela devient un handicap. Nous avons une gestion double du quotidien, car hypersensibles aux bruits, aux odeurs, au toucher, au contact oculaire. Ajouter le manque de flexibilité aux imprévus et au changement, les troubles du sommeil, les troubles alimentaires, la vie de madame et monsieur tout le monde est une galère. Jeanne suit le CNED à temps partiel afin de réduire sa présence au collège, car impactée par la mauvaise acoustique des bâtiments. Flora a besoin d’une aide scolaire pour son entrée au collège, car il lui sera difficile de planifier son travail, de gérer son anxiété en milieu ordinaire. D’autres enfants sont confrontés à des problèmes plus complexes dans l’accès à l’autonomie. C’est une des questions majeures de l’autisme. À quatorze ans, Jeanne est incapable d’acheter une baguette ou de prendre un bus, car l’effort en contact est trop important, Flora ne maitrise pas le temps et son organisation, d’autres enfants ne pourront pas s’habiller, assurer leur hygiène tout seuls.

L’autisme, mais pas que

L’autisme est aussi associé dès l’enfance à des troubles “dys” (dyspraxie, dyslexie) pour les uns, mais également aux TDAH et troubles du langage dont souffre Flora. Les soins de mes enfants sont constants et essentiels: habiletés sociales, orthophonie, remédiation cognitive, ergothérapie, psychomotricité. Leur père et moi passons beaucoup de temps dans les salles d’attente des cabinets.

L’avancée des neurosciences a été un formidable progrès, mais il faudrait un coup d’accélérateur. En France, les successifs plans autisme ont mis l’accent sur le dépistage précoce. Toutefois, la France accuse un retard dans l’accessibilité au diagnostic une fois adulte. La prégnance de la psychanalyse retarde la formation des soignants. J’ai dû mettre en parenthèse mes soins pour payer ceux de mes filles d’un montant de 900 euros mensuels. Il faut attendre trois ans pour un diagnostic remboursé dans les centres de ressources autisme (CRA).

Ensuite, les places en établissements éducatifs spécialisés gérés, financés par l’ARS sont libérées au compte-goutte: plus de deux ans d’attente pour une prise en charge de mes enfants. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), ignorantes sur la question de l’autisme, rognent leur aide sur le financement des soins, font des économies sur le dos familles épuisées, en combat administratif permanent, sacrifiant leur carrière pour certaines. Avec l’Éducation nationale, ce n’est pas mieux.

En France, le traitement de l’autisme est celui de la charité, alors qu’il devrait être un pari pour l’avenir, digne et épanouissant pour les jeunes autistes.

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