Le vaccin Spoutnik V tourne à la guerre de communication entre la Russie et l'UE
DIPLOMATIE - Une guerre dans la guerre contre le virus. Ce vendredi 26 mars, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’y est pas allé par quatre chemins pour exprimer son agacement face aux insinuations venant de Moscou. Celles-ci...
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DIPLOMATIE - Une guerre dans la guerre contre le virus. Ce vendredi 26 mars, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’y est pas allé par quatre chemins pour exprimer son agacement face aux insinuations venant de Moscou. Celles-ci laissent clairement entendre que l’Europe bouderait par principe le vaccin Spoutnik V. “A la manière dont c’est géré, c’est plus un moyen de propagande et de diplomatie agressive qu’un moyen de solidarité et d’aide sanitaire”, a accusé le locataire du quai d’Orsay.
Une sortie qui a provoqué la réaction quasi immédiate du Kremlin. “Nous ne sommes absolument pas d’accord (avec les accusations) disant que la Russie et la Chine utilisent la pandémie du coronavirus et la problématique des vaccins comme des outils d’influences”, a rétorqué Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.
Un énième jeu de ping-pong entre Paris et Moscou qui résonne avec les propos tenus il y a quelques jours par Vladimir Poutine, s’étonnant du fait que les Européens ne se jetaient pas sur Spoutnik pour rattraper leur retard vaccinal. “Nous ne forçons personne à faire quoi que ce soit (…) mais nous nous interrogeons sur les intérêts que défendent ces gens, ceux des entreprises pharmaceutiques ou ceux des citoyens européens?”, a interrogé le chef d’État russe.
Des propos que son homologue Emmanuel Macron n’a guère appréciés, s’en prenant lors de sa conférence jeudi soir “aux velléités de déstabilisation -russes, chinoises- d’influence par le vaccin”. Pourtant, et au-delà des déclarations fracassantes par chancelleries interposées, les choses sont en réalité moins complexes qu’elles n’y paraissent, et les conséquences de ces échanges d’amabilités répondent surtout à des impératifs de communication.
Le “1er” vaccin
Pour comprendre comment tout ceci a commencé, il faut remonter au mois d’août 2020, au moment où Vladimir Poutine en personne annonce que la Russie a mis au point “le 1er” vaccin contre le covid-19. Le chef du Kremlin révèle même que le traitement a été testé sur sa propre fille, preuve selon lui que le vaccin est fiable et, qu’en conclusion, la Russie a remporté la course. Or, très rapidement, des doutes s’installent dans la communauté scientifique en réaction à cette annonce davantage géopolitique que sanitaire, puisqu’en réalité le protocole n’était pas arrivé à son terme.
Au mois de février, quand la revue scientifique The Lancet a validé les très bons résultats du vaccin russe, les experts ont souligné que sa communication prématurée avait nui à sa crédibilité. “Le développement du vaccin Spoutnik V a été critiqué pour sa précipitation, le fait qu’il ait brûlé des étapes et une absence de transparence”, notaient les scientifiques, pas dupes de son instrumentalisation par le Kremlin. Et à en croire l’Élysée, les avancées russes n’ont pas du tout été accueillies froidement en Europe, au contraire.
“Quand les autorités russes, à l’automne 2020, nous ont sollicités pour d’éventuelles coopérations sur le vaccin Spoutnik, le président de la République a tout de suite donné son accord pour envoyer une mission de très haut niveau à Moscou”, souligne-t-on dans l’entourage du chef de l’État, précisant que les chercheurs russes ont tardé à “redémarrer” après cette prise de contact. “On leur a même proposé de poursuivre les échanges pour les aider à obtenir une
certification”, poursuit-on de même source. Entre temps, ce sont les laboratoires Pfizer, Moderna ou encore AstraZeneca qui ont devancé Spoutnik dans l’obtention de l’autorisation européenne.
Aucun “dogmatisme”
Raison pour laquelle l’Élysée dément tout “dogmatisme” à l’égard de ce vaccin, et que le commissaire européen Thierry Breton a déclaré que “les Russes ont un mal fou à le fabriquer”. De fait, l’examen de Spoutnik par l’agence européenne du médicament a commencé le 4 mars; elle doit rendre ses conclusions d’ici plusieurs semaines.
Des délais qui ne conviennent pas à Moscou, qui assure en réplique avoir trouvé des partenaires industriels pour produire des doses au sein même de l’Union européenne, notamment en France et en Espagne. Ce qui a été démenti par les ministères de l’Économie français et espagnol.
En réalité, et même avec l’obtention du feu vert de l’UE, il paraît peu probable que des vaccins russes soient rapidement mis sur le marché européen (hors Hongrie qui l’a déjà autorisé). “Si l’on part sur du Spoutnik, la réalité c’est que nos capacités de production aujourd’hui sont saturées par la production des vaccins déjà autorisés. Et que par ailleurs, dans l’hypothèse où on lancerait une production de vaccins Spoutnik en Europe, ils ne seraient pas disponibles avant 2022”, observe un conseiller élyséen. Dit autrement, tout est une question de protocole de validation et de mise sur le marché et de non de boycott politique.
Ce qui, côté russe, est visiblement admis. Ce vendredi, sur Twitter, Spoutnik a ainsi remercié Emmanuel Macron d’avoir envoyé une équipe de chercheurs pour faire avancer le dossier. Un geste d’apaisement qui vient rappeler que dans cette affaire, l’important est de ne surtout pas avoir le mauvais rôle.
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