Le vaccin universel anti-Covid est-il vraiment une priorité?

SCIENCE - Alors que la campagne de vaccination s’accélère dans de nombreux pays, avec plus de 208 millions de doses de vaccin injectées, l’espoir d’en finir avec la pandémie de Covid-19 est dans toutes les têtes. Et si le risque immédiat est...

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Pour créer un vaccin universel contre le Covid-19, il faut cibler les parties stables du coronavirus

SCIENCE - Alors que la campagne de vaccination s’accélère dans de nombreux pays, avec plus de 208 millions de doses de vaccin injectées, l’espoir d’en finir avec la pandémie de Covid-19 est dans toutes les têtes. Et si le risque immédiat est celui d’une énième vague, c’est plutôt l’absence d’efficacité des vaccins qui inquiète sur le long terme.

Face à cette épée de Damoclès symbolisée par les variants, plusieurs start-ups médicales ont récemment brandi une solution miraculeuse: un vaccin universel contre les coronavirus. Ceux-ci seraient efficaces contre n’importe quelles mutations et même contre d’autres types de coronavirus que le Sars-Cov2.

Ce Graal de la recherche serait évidemment une solution parfaite, mais n’est-ce pas utopique d’imaginer trouver un vaccin universel en si peu de temps face à un virus qui a tant déjoué nos pronostics? 

Cibler des parties constantes du virus 

Comment pourrait fonctionner un tel vaccin universel? “Il y a notamment deux stratégies”, résume au HuffPost Morgane Bomsel, spécialiste en virologie à l’Institut Cochin. Le coronavirus est composé d’une membrane avec des petites protubérances, ce sont les protéines “spikes”, celles qui permettent justement au virus de pénétrer les cellules humaines. Ce sont des zones bien particulières de ces protéines que ciblent les vaccins actuels.

Pour faire un vaccin universel, en théorie, on peut tenter, comme la société française Osivax, de ne pas cibler la fameuse protéine Spike, mais une partie interne, stable chez les coronavirus. Cette partie interne n’est pas reconnue par les anticorps, qui se fixent sur la membrane externe du coronavirus (les protéines Spike).

Pour qu’un vaccin universel fonctionne ainsi, il faut qu’il induise un autre type de réponse immunitaire “cytotoxique”. Mais “il n’existe pas de vaccin fonctionnant ainsi commercialisé, et ce pour aucun virus, on en est au stade de la recherche”, tempère Morgane Bomsel.

L’autre solution, notamment testée par la start-up américaine Phylex BioSciences, consiste à cibler, dans la protéine S, une partie stable, non sujette aux mutations. “C’est une bonne idée, similaire à ce que l’on a tenté pour le VIH sur des primates”, estime Morgane Bomsel, qui rappelle pour autant qu’aucune publication ni donnée n’a été rendue publique par les sociétés affirmant travailler sur ces vaccins universels.

Mais à quel point ce genre de recherche fondamentale peut-elle nous aider face à la pandémie? “Je trouve tout cela intéressant, il y a de la recherche à faire”, s’enthousiasme Morgane Bomsel. Le vaccinologue Florian Krammer, responsable du centre d’innovation sur les vaccins grippaux de l’Icahn School of Medicine at Mount Sinai, est un peu plus circonspect.

Le précédent contre la grippe

“Je pense que c’est possible de créer un vaccin universel contre les coronavirus, mais je ne pense pas que ce soit simple”, précise-t-il au HuffPost. “On est probablement dans des recherches qui prendront 10 ou 20 ans, avec le risque que cela ne marche pas du tout”.

Avec son équipe, le chercheur vient justement de publier le 7 décembre une étude importante dans la recherche d’un vaccin universel contre les virus de la grippe (influenza). C’est le premier essai clinique sur des humains à montrer qu’il est possible de générer avec un vaccin une réponse immunitaire efficace sur différentes souches du virus.

Et cela ne s’est pas fait en un jour. “En 2008 ont été découverts des anticorps chez l’homme qui peuvent neutraliser différents virus de la grippe, mais ceux-ci sont produits en faible quantité”, rappelle-t-il. Ces anticorps ciblent une partie constante de protéines présentes sur l’enveloppe du virus (la “tige”), sauf que les anticorps ciblant la partie changeante (la “tête”) sont toujours privilégiés par le corps. C’est pour cela que les vaccins classiques contre la grippe changent régulièrement. Dès que la “tête” du virus de la grippe qui circule a muté, il faut tout recommencer.

Les chercheurs ont donc créé un combiné tige/tête qui trompe le corps et force notre système immunitaire à produire des anticorps contre la “tige” uniquement. Ces résultats ouvrent la voie à un vaccin universel contre différentes, voire même toutes les souches de grippe. Mais on en est encore loin. Et faire la même chose pour les coronavirus n’est pas aisé.

“On sait qu’il y a des anticorps qui fonctionnent contre le Sars-Cov2, mais également contre le Sras, le Mers et même certains coronavirus saisonniers qui circulent chez l’homme ”, rappelle Florian Krammer. “Mais ces anticorps ne sont pas très neutralisants face au virus, il faut continuer de chercher dans ce domaine pour comprendre”.

Chaque chose en son temps

Pour Florian Krammer, si la recherche d’un vaccin universel contre les coronavirus est utile, il faut plutôt compter sur les vaccins actuels pour lutter contre la pandémie de Covid-19. “La priorité reste de se concentrer sur la campagne de vaccination et s’il faut adapter les vaccins, il faut pouvoir le faire vite, en l’espace de quelques semaines ou mois”, estime le vaccinologue qui se dit plutôt “optimiste” pour l’avenir.

“Pour l’instant, ce que l’on voit avec les variants n’est pas similaire à ce qu’il se passe avec la grippe. Ces divers variants sont peut-être simplement le résultat d’une évolution convergente pour mieux s’adapter à l’homme plutôt qu’une tentative d’échappement immunitaire”, explique-t-il (plus de détail sur ces théories dans nos deux articles dédiés à l’émergence des variants).

Et si les choses se passent mal, de nombreuses possibilités s’offrent à nous pour faire face à une possible baisse d’efficacité des vaccins, comme la combinaison de divers vaccins ou la création de vaccins muqueux. “Nous avons de nombreuses pistes pour déjouer ce virus sans avoir besoin d’un vaccin universel”, relativise Florian Krammer. “Je suis globalement optimiste, mais il y a un problème important aujourd’hui, c’est l’accès mondial aux vaccins”. 

Morgane Bomsel estime de son côté que les choses pourraient aller plus vite que prévu et que le vaccin universel pourrait bien être utile contre cette pandémie. “Pour d’autres maladies, on a mis des années à comprendre quelle partie du virus était changeante ou non. Pour le Sars-Cov2, on sait ce que l’on doit cibler”, affirme la virologue. “Surtout qu’on a des cohortes importantes de personnes vaccinées, de personnes infectées, de personnes immunisées. On pourrait aller très vite s’il y avait une vraie volonté politique. Malheureusement, le financement public ne suit pas”.

À voir également sur Le HuffPost: Les mutations des virus expliquées en 2 minutes