Les ballerines font leur retour en 2021 après avoir été conspuées
MODE - Chloë Sevigny, Adwoa Aboah, Loulou De Saison. Ces trois femmes, pour ne citer qu’elles, ont un point commun. Outre le fait qu’elles soient invitées à s’asseoir au premier rang de tous les défilés, elles ont été aperçues, cette année,...
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MODE - Chloë Sevigny, Adwoa Aboah, Loulou De Saison. Ces trois femmes, pour ne citer qu’elles, ont un point commun. Outre le fait qu’elles soient invitées à s’asseoir au premier rang de tous les défilés, elles ont été aperçues, cette année, avec à leurs pieds un modèle de chaussures longtemps conspuées: des ballerines.
Elles n’ont pas été les seules. Du côté des grandes maisons de mode, plusieurs d’entre elles ont fait défiler leurs mannequins assorties des mêmes souliers. Chez Dior, la ballerine est tressée et accompagnée d’un noeud à la cheville. Chez Celine, elle se porte à toutes les saisons avec un jogging, un jean ou un pantalon large et fluide en soie.
Pointue comme une babouche, rectangulaire sur le devant, avec ou sans chaussettes. La chaussure s’offre une expression singulière chez certaines influenceuses, parfois même minimaliste, comme aux pieds de Mary-Kate Olsen dans les rues de New York au mois de novembre dernier.
Une chaussure has been?
Mary-Kate et sa soeur jumelle Ashley, aujourd’hui connues pour diriger la prestigieuse marque de prêt-à-porter The Row, ont élaboré au mois d’avril une pantoufle plate en maille qui, selon le magazine spécialisé Footwear News, aurait préparé le terrain. Deux confinements plus tard, les signes ne trompent pas. Les ballerines seront de retour cette année, comme nous le confirme la styliste Dinah Sultan.
C’est étonnant. “Les créateurs ont bien attendu qu’elles soient complètement has been, estime la spécialiste en tendances du bureau de style parisien Peclers. Nos indicateurs montrent que c’est un produit en retrait total, largement supplanté par la basket qui est désormais plus acceptée dans les milieux formels.”
Depuis sa création dans les années 1930, le petit chausson d’abord destiné aux danseuses et danseurs de ballet a connu une histoire en dents de scie. Succès dans la rue grâce au modèle élaboré par Rose Repetto en 1950, la ballerine a d’abord gagné le coeur des vedettes de cinéma, comme Brigitte Bardot dans “Et Dieu... créa la femme” ou Audrey Hepburn et ses talonnettes dans “Drôle de frimousse”. Elle devient un classique, comme chez Chanel et son modèle bicolore, revisité lors du dernier défilé Métiers d’art.
De l’overdose à l’intemporel
Délaissées pendant une vingtaine d’années, les ballerines sont revenues en force au tournant des années 2000, date à laquelle la maison Repetto a tenté une réhabilitation. Elles ont fait le bonheur d’Amy Winehouse. Kate Moss, aussi. La grande distribution s’en est saisie. On en a vues chez Primark à l’étranger, chez Auchan en France, dans toutes les couleurs, toutes les formes et tous les tissus. Et ce, à des prix concurrentiels.
Le résultat est sans appel. “Parce qu’elle permet d’être à la fois habillée et décontractée, la ballerine est arrivée aux pieds de tout le monde, se souvient Dinah Sultan. C’est devenu un chausson de ville.” Mais voilà, comme la plupart des produits surexploités, ”ça a été l’overdose, continue-t-elle. Au point d’être érigé en fashion no-go.” Leur réputation, celle de faire puer des pieds, les enterre.
Leur come-back actuel n’est pas anodin. Il est étroitement lié ”à une tendance de fond qui a émergé sur l’année 2020 à cause de la pandémie, nous explique la styliste. Le consommateur recherche du basique, la panoplie jean-chemise blanche. On revient vers des produits qualitatifs qui vont durer dans le temps. On investit dans des pièces qui ne vont pas se démoder.”
La ballerine est une chaussure chic, “dotée d’un fort ADN artisanal”, précise l’experte. Elle fait partie intégrante d’un vestiaire néo-bourgeois et intemporel, bien installé sur le devant de la scène grâce à certaines marques comme Gucci et ses mocassins.
La danse, source inépuisable d’inspiration
L’influence de la danse en 2020 n’est pas à éluder. C’est ce que pointe du doigt le Smithsonian Magazine avec l’exposition “Ballerina: Fashion’s Modern Muse”, organisée au Fashion Institute of Technology, au mois d’avril dernier à New York. Comme l’athleisure, tendance au croisement entre le streetwear et le gymwear, les habitudes vestimentaires d’aujourd’hui puisent beaucoup dans l’univers du ballet, suggère l’événement au gré de plusieurs dizaines de costumes d’époque.
Les danseurs, eux, s’invitent dans la communication des marques. L’exemple de Misty Copeland, première danseuse afro-américaine du ballet new-yorkais, est parlant. Icône montante, elle apparait de temps en temps dans les campagnes de Stuart Weitzman et Estée Lauder. Sur la chaîne YouTube de Dior, Germain Louvet de l’Opéra national de Paris a, lui, dispensé des cours aux abonnés de la maison pendant le premier confinement.
En 2018, déjà, certains d’entre eux ont été aperçus tournicotant entre les mannequins du défilé de la collection printemps-été 2019. “La danse, de façon institutionnelle et académique, exerce un pouvoir fascinant sur la mode depuis toujours, souligne Dinah Sultan. C’est un phénomène qui revient régulièrement.”
Malgré l’absence de représentations l’an passé, la danse n’a jamais été aussi visible et démocratisée. Il y a eu les contenus mis en ligne par l’Opéra de Paris, mais aussi une quantité florissante de séries, comme “Tiny Pretty Things” sur Netflix ou “On pointe” sur Disney+. Le film “Black Swan” a fêté ses dix ans, note L’Officiel. “La culture du spectacle émeut beaucoup le milieu de la mode aujourd’hui parce qu’elle est interdite”, tranche Dinah Sultan. Le rebond de la ballerine en dit long.
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