Les comédies romantiques sont-elles (vraiment) devenues plus inclusives ?

Deux ans après avoir foulé le sol du Royal Albert Hall, c’est une Rebel Wilson transformée qui revient animer l’édition 2022 des BAFTAs. Amaigrie de plus de cinquante kilos, l’actrice australienne crève l’abcès sur cette métamorphose physique...

Les comédies romantiques sont-elles (vraiment) devenues plus inclusives ?

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Deux ans après avoir foulé le sol du Royal Albert Hall, c’est une Rebel Wilson transformée qui revient animer l’édition 2022 des BAFTAs. Amaigrie de plus de cinquante kilos, l’actrice australienne crève l’abcès sur cette métamorphose physique pendant la cérémonie : “Je n’ai pas perdu du poids pour un homme, je l’ai fait pour avoir plus de rôles au cinéma. Maintenant, je peux jouer la love interest pas drôle d’un film d’Adam Sandler.” Son parcours est en effet très représentatif de la grossophobie d’Hollywood, où les actrices grosses sont cantonnées tantôt aux rôles de bonnes copines, tantôt à ceux qui les représentent comme des femmes excessivement confiantes qui ont su pallier leur supposé désavantage.

C’est d’autant plus vrai dans la comédie romantique, un genre cinématographique où l’injonction à la norme est plus présente que jamais. Dévaluée, elle est souvent réduite à sa fonction de divertissement et ignorée par les critiques, qui n’y voient pas un objet culturel pertinent ou digne d’attention. Pourtant, la comédie romantique nous renvoie à des émotions profondes et universelles – l’amour, le désir, la peur de la solitude, et, surtout, son évolution est symptomatique de notre regard changeant sur l’amour et les relations au XXIe siècle. Pour cette raison, son existence et sa réactualisation moderne offrent matière à penser.  

Des héroïnes de plus en plus variées 

La romcom est un genre si codifié que ses plus mauvais représentants sont interchangeables. Hétérosexuels, blancs et issus des classes moyennes supérieures, ses protagonistes se font les garants de l’ordre du genre, où la masculinité est synonyme de toxicité, et la féminité, d’impuissance. Leurs corps débordent rarement des codes de beauté du moment, et leurs émotions et désirs culminent toujours dans la mise en couple (monogame, cela va sans dire). Alors que la comédie romantique est un type de films qui cible un public majoritairement féminin, il semble se détourner de ce que la journaliste Iris Brey (collaboratrice des Inrockuptibles, ndlr) appelle l’expérience du féminin, en plus de laisser peu de place aux réalisatrices qui investissent encore timidement l’industrie. Ainsi, une enquête de Popsugar datant de 2021 met en lumière une tendance des studios à éjecter des franchises les réalisatrices, dès lors que celles-ci deviennent prolifiques. C’est notamment le cas de la saga Twilight initiée par Catherine Hardwicke ou d’À tous les garçons que j’ai aimés, une comédie romantique et teen récente qui a le mérite de donner le beau rôle à une adolescente asiatique, dont la suite n’a pas été réalisée par Susan Johnson, autrice du 1er volet.

Pourtant, ces dernières années ont été marquées par des productions culturelles qui laissent le droit d’espérer. Ces mutations s’amorcent dès les années 2010, quand certaines comédies romantiques se parent d’une conscience féministe naissante. Bridesmaids (2011), qui arbore un casting majoritairement féminin, dénonce la pression qui touche les femmes tout en prônant la sororité. En 2016, Célibataire, mode d’emploi prenait un tournant relativement inattendu en dépeignant les pérégrinations d’une célibataire incarnée par Dakota Johnson. Depuis, le cinéma occidental paraît aborder plus frontalement certaines formes de sexisme qui pèsent sur le quotidien des femmes, à l’instar de la stigmatisation et de l’effacement qui vient avec l’âge.

Ainsi, deux films d’amour sortis au début de l’année 2022 ont pour héroïnes principales des femmes ayant dépassé la barre des 40 ans. Les jeunes amants, de la française Carine Tardieu, explique l’idylle naissante d’une femme de 70 ans incarnée par Fanny Ardant avec un homme qui en a 45, Melvil Poupaud. Dans le film britannique Ali & Ava, Ava, qui tombera sous le charme d’Ali, est déjà grand-mère, et issue des classes populaires de surcroît. À Hollywood, le film Un cœur à prendre (Home Again) aborde plus timidement cette problématique en mettant Reese Witherspoon dans la peau d’une quadragénaire qui courtise un homme de 27 ans.  

Du côté des séries, on constate la même tendance. Des œuvres qui empruntent beaucoup à la comédie romantique y insufflent une dose de progressisme et donnent à voir dans toute leur complexité les rapports amoureux et sexuels. C’est le cas de Normal People, unanimement célébrée pour sa mise en scène des échauffourées amoureuses sur fond de nouvelles masculinités, et de Sex Education, véritable phénomène queer et acidulé. Mais peut-on causer de révolution culturelle et inclusive pour autant ?  

Un changement de fond contre un renouvellement de façade

Sous-genre à part entière, la romcom de Noël regorge de poncifs qui fleurent bon l’hétéropatriarcat. C’est pourquoi Ma belle-famille, Noël & moi,  film de Noël lesbien réalisé par l’icône gay Clea Duvall, a suscité autant d’engouement à sa sortie en 2020. Avec un casting de renom – Kristen Stewart, Aubrey Plaza et Alison Brie, pour ne citer qu’elles – il se présente pourtant davantage comme un film tous publics, plutôt qu’un film queer à proprement causer. Très convenu dans son propos, il érige comme modèle une vision du couple normé et préserve l’idéal de la famille nucléaire et ses valeurs. Ici, il n’est pas question que le dévoilement des identités n’ébranle le système, même quand toute l’étendue de l’homophobie intériorisée du personnage de Harper est révélée. Du visionnage de Ma belle-famille, Noël & moi naît une interrogation : à qui ce film est-il destiné ? À un public concerné par ces thématiques ou à un public qui y est sensibilisé, un public gay-friendly ?

La chercheuse Sylvie Tissot définit la gayfriendliness comme une acceptation de l’homosexualité pouvant s’avérer conditionnelle voire contrôlante à l’égard des populations LGBTQI+. Dans une recherche consacrée aux quartiers gays de Paris et de New-York, elle démontre que les populations hétérosexuelles de classe moyenne qui les investissent et se définissent elles-mêmes comme gay-friendly sont bien plus tolérantes envers les couples homosexuels qui adhèrent à un mode de vie proche du leur – monogame et reproduisant une structure familiale classique – qu’envers les queers, qu’elles assimilent à la divergence et au monde de la nuit. Cette cartographie de la ville, où des communautés variées se frôlent et se côtoient, épouse celle des représentations mentales et culturelles de la différence. On peut rapprocher ce constat de celui de l’évolution des romcoms : finalement, la comédie romantique s’ouvre-t-elle à d’autres horizons plus égalitaires et critiques, ou est-ce qu’elle les engloutit en les rendant consensuels et aseptisés ?