Les conseils de Angèle Consoli, la psychiatre du conseil scientifique, pour survivre à la période actuelle

SANTÉ MENTALE - Depuis son bureau à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, Angèle Consoli est au chevet d’une France qui se ronge les ongles. Entre deux consultations dans le plus grand service psychiatrique de France, cette nouvelle recrue du...

Les conseils de Angèle Consoli, la psychiatre du conseil scientifique, pour survivre à la période actuelle

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SANTÉ MENTALE - Depuis son bureau à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, Angèle Consoli est au chevet d’une France qui se ronge les ongles. Entre deux consultations dans le plus grand service psychiatrique de France, cette nouvelle recrue du Conseil scientifique apporte son expertise à Emmanuel Macron pour ménager la santé mentale des Français, malmenés par la crise du coronavirus. 

Alors que le coronavirus sature déjà les hôpitaux, l’Élysée s’inquiète de l’émergence d’une nouvelle épidémie. À la mi-février, 22,7 % des Français interrogés par Santé publique France se disaient victimes de troubles dépressifs ou anxieux. La détresse psychologique n’a jamais été aussi répandue, même pendant les deux confinements nationaux.

>> Retrouvez notre dossier “Au creux de la vague”. Après la crise sanitaire, la crise morale: regards et conseils pour surmonter la grande déprime Covid.

Isolement, désocialisation, incertitude, incohérence, contradiction, absence de loisirs, perte de proches… Le Covid-19 et ses restrictions chagrinent, froissent, déstabilisent notre psyché, jusqu’à nous rendre malades. La 1ère psy de France a accepté de répondre au HuffPost. Allongez-vous. 

Le HuffPost: Les Français vont mal. Dépression, anxiété, hospitalisations après une tentative de suicide... Tous les indicateurs sont au rouge. La crise exacerbe-t-elle des troubles psychologiques préexistants ou sommes-nous tous à risque de développer des maladies mentales ? 

Pr Angèle Consoli: La crise sanitaire peut aggraver certaines maladies mentales ou en révéler de nouvelles. Les populations particulièrement vulnérables sont les jeunes et les personnes âgées. Dans le service de pédopsychiatrie à la Pitié Salpêtrière où je travaille, je vois des adolescents et des enfants qui vont plus mal alors qu’ils étaient déjà suivis pour des pathologies psychiatriques (troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles du développement). Il y a aussi des personnes qui consultent pour la 1ère fois. 

Il existe un continuum entre des signes d’une détresse émotionnelle, plus légère, plus temporaire, et des décompensations (ndlr : dégradations brutales) psychiatriques relevant de soins spécifiques. Les deux situations ne s’opposent pas, elles font partie d’un ensemble qui est préoccupant.

L’hôpital a-t-il les moyens pour affronter cette vague psychiatrique ? 

La crise du Covid-19 aggrave les tensions dans les services psychiatriques, notamment ceux destinés aux patients les plus jeunes. Avant la pandémie, nous refusions déjà des malades relevant de soins en hospitalisation à temps plein. Depuis le second confinement, le nombre d’hospitalisations après une tentative de suicide ou pour idées suicidaires, troubles anxieux ou troubles dépressifs augmente fortement dans toute la France. La demande de consultations est également très forte.

Les malades repartent chez eux sans soinsAngèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique

A la Pitié Salpêtrière, nous avons actuellement environ 40 patients sur une liste d’attente pour les admissions en hospitalisation temps plein, du fait de crises suicidaires principalement. Les malades repartent chez eux sans soins, dans une cellule familiale inquiète d’un nouveau passage à l’acte. Nous devons faire rentrer chez eux des adolescents relevant de soins en hospitalisation, et annoncer à leurs familles inquiètes et parfois très démunies qu’il faut attendre qu’une place se libère… En attendant, on continue à les suivre en consultation. 

Quelles sont les recommandations du Conseil scientifique pour que le pays puisse répondre à cette épidémie de maladie mentale ?

Les mesures préconisées par le Conseil scientifique varient selon le degré de difficultés rencontrées. Le système de soins en psychiatrie est très saturé, notamment en pédopsychiatrie. Cela mérite une réflexion profonde au-delà de cette crise sanitaire, sur l’offre de soins et l’organisation des soins en santé mentale (augmenter le nombre de lits temps plein, renforcer les alternatives aux hospitalisations). Des assises de psychiatrie doivent se tenir avant l’été.

Pour les personnes les plus à risques, nous préconisons notamment d’augmenter le quota de médecins et psychologues scolaires, de psychologues au sein des universités.

Enfin, pour la population générale, nous recommandons au gouvernement de continuer à soutenir des campagnes d’information sur l’impact sur la santé mentale de la crise sanitaire, qui accentue le risque suicidaire, les conduites addictives, les manifestations anxieuses et dépressives. 

Une consultation avec un spécialiste est nécessaire si les symptômes persistent et deviennent invalidantsAngèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique

Comment repérer les signes d’un mal-être qui s’installe à la maison  ? 

Il est important de repérer chez un enfant ou un adolescent un changement de comportement, une rupture avec son fonctionnement antérieur. Par exemple, il va montrer une irritabilité inhabituelle, voire des crises de colère, ou bien un retrait, un isolement, une humeur triste, voire des pleurs inhabituels et fréquents.

La 1ère chose à faire est de causer avec son enfant ou son adolescent et avec les personnes qui s’en occupent, les enseignants par exemple. C’est important de pouvoir les amener à causer de ce qu’ils ressentent, de leurs  inquiétudes, de leurs sentiments. Une consultation avec un spécialiste sera nécessaire si les symptômes s’installent, persistent, deviennent invalidants et intenses.

Pour aller mieux, faut-il s’accrocher aux espoirs que provoquent la vaccination et les protocoles sanitaires dans les restaurants et les lieux de culture ?

La vaccination est un espoir indéniable. Les courbes rapportant le nombre d’infections par la COVID 19 en Île-de-France dans la population générale  et chez les soignants de l’AP-HP étaient jusqu’à maintenant tout à fait superposables. Depuis que 37% des soignants sont vaccinés versus 7% de la population de l’Île-de-France, la courbe des infections COVID des soignants a nettement diminué, ce qui témoigne de l’efficacité de la vaccination. Se faire vacciner permet d’être acteur d’une amélioration possible.

Essayons de nous projeter. On va pouvoir reprendre des activités qui nous font du bien.Angèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique

Cet espoir peut se transmettre aux plus jeunes qui ont besoin de se projeter vers un avenir meilleur. Penser et imaginer retrouver des activités qui faisaient du bien, comme les activités sportives ou culturelles, est essentiel. Une adolescente en consultation me disait: “mon petit café en sortant du lycée avec les copains était tellement important”. La vie culturelle et le bien être psychique sont étroitement liés.

Est-ce qu’on va aller mieux une fois la crise terminée ou rester chez nous, anxieux? 

Les deux mouvements sont possibles et il faudra y être attentif. On peut s’attendre à des moments d’exaltation avec la tentation d’oublier et de passer vite à autre chose. L’enjeu c’est de faire comprendre que reprendre cette vie la plus “normale” possible s’accompagnera aussi de la poursuite des gestes et mesures barrière…

Que va-t-il se passer si certains troubles psychologiques graves s’installent dans la population ? 

Les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale peuvent tout à fait se prolonger pour les personnes les  plus vulnérables (personnes âgées, sujets jeunes, personnes précaires…), d’autant plus que les difficultés économiques sont un facteur de risque bien connu de troubles mentaux. Les symptômes rapportés dans la population (anxiété, dépression, idées noires), la précarité, l’isolement social sont aussi des facteurs de risque de passage à l’acte suicidaire. Le nombre de tentatives de suicide, indice majeur en termes de santé mentale, est observé de très près.

Peut-être que la mobilisation aujourd’hui concernant la santé mentale permettra une déstigmatisation des pathologies mentales. Et enfin, il est important de rappeler tous les élans de solidarité, d’altruisme et de créativité qui se sont développés et qui peuvent aussi permettre de faire face à l’adversité et d’aller mieux.

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