Les déboires d'AstraZeneca vus par des soignants: "pourquoi choisir le moins efficace?"

VACCIN - Trop de doutes, plus assez de confiance. Le vaccin AstraZeneca arrivera-t-il un jour à redorer son image? Ce mardi 23 mars, alors que le recours à ce vaccin s’annonce crucial au moment où s’accélère la troisième vague de la pandémie...

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Les déboires d'AstraZeneca vus par les soignants:

VACCIN - Trop de doutes, plus assez de confiance. Le vaccin AstraZeneca arrivera-t-il un jour à redorer son image? Ce mardi 23 mars, alors que le recours à ce vaccin s’annonce crucial au moment où s’accélère la troisième vague de la pandémie en Europe, l’Institut américain des maladies infectieuses a lancé un nouveau pavé dans la mare: le laboratoire suédo-britannique a pu utiliser des données “obsolètes” lors de ses essais cliniques aux États-Unis et cela peut “avoir abouti à une estimation incomplète de l’efficacité” du vaccin. AstraZeneca a indiqué qu’il fournirait sous 48 heures des données récentes au régulateur américain.

Un énième rebondissement depuis le début des essais cliniques en septembre 2020 qui a entaché l’image du vaccin dans l’opinion publique. Et pas seulement. Aujourd’hui, alors qu’il est demandé aux soignants d’utiliser AstraZeneca pour se faire vacciner, la réticence est également de mise dans leurs rangs. “Cela ne me tente pas du tout, je préférerais vraiment que l’on m’injecte celui de Pfizer-BioNtech ou Moderna”, nous confie Rémy, soignant dans un Ehpad des Hauts-de-France. 

Ce dernier avait déjà témoigné auprès du HuffPost en décembre dernier sur ses réticences à se faire vacciner. Lui qui attendait plus de recul sur les vaccins et plus de données se sent aujourd’hui prêt à sauter le pas. Mais pas avec AstraZeneca. Un sentiment que partagent Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI, syndicats des infirmiers et Julien, infirmier en libéral à Marseille. Comme Rémy, ils avaient tous deux accepté de témoigner sur leurs hésitations à se faire vacciner.

Enchaînement de couacs et perte de confiance

“Au début, je n’étais vraiment pas partant pour me faire vacciner. Des sérums faits trop rapidement, pas assez de données, de recul... Puis avec le temps, voyant que le nombre de cas explosait, notamment avec l’arrivée des variants et que les soignants tombaient comme des mouches, j’ai changé d’avis”, nous explique Julien, 29 ans. Et ce dernier s’estime chanceux, car il a pu se faire vacciner avec une dose de Pfizer-BioNtech il y a quelques semaines.

Il confie ainsi que, s’il n’avait pas pu se faire vacciner avec ce produit-là, il n’aurait peut-être pas tenté l’expérience avec AstraZeneca. “Vu que je suis en libéral et pas à l’hôpital, j’aurais probablement attendu encore un peu. Histoire d’être sûr qu’il n’y a vraiment pas de problème avec ce vaccin”, précise-t-il.

Il faut dire que le sérum mis au point par le laboratoire anglo-suédois et l’université d’Oxford enchaîne les couacs depuis sa création. En septembre 2020 les essais cliniques avaient déjà été suspendus après qu’un patient était tombé malade. Puis en janvier, il a été interdit par la Haute autorité de santé (HAS) pour les personnes âgées de plus de 65 ans en raison de données manquantes pour cette tranche d’âge. Il a finalement été autorisé le 1er mars pour toutes les classes d’âge.

En mars, la vaccination par AstraZeneca a été  suspendue dans plusieurs pays dont la France après plusieurs cas de thromboses. L’agence européenne des médicaments a finalement annoncé que le risque n’était pas plus élevé avec ce vaccin, mais recommande tout de même de le réserver aux plus de 55 ans (voir notre vidéo ci-dessous). 

Les hauts et les bas d’AstraZeneca, le vaccin “mal aimé”

Même si AstraZeneca a affirmé que son vaccin est efficace à 80% contre le Covid chez les personnes âgées et n’augmente pas le risque de caillots, même si le Pr Alain Fischer, chargé de la stratégie de vaccination par le gouvernement, a assuré qu’il s’agissait d’un “très bon vaccin” efficace à 90%, le mal semble être fait. 

“Comment peut-on sereinement vouloir se faire vacciner avec ce produit alors qu’il y a eu autant de mauvaise communication dessus? On a dit tout et son contraire sur ce sérum. Moi j’ai 36 ans, je ne sais pas concrètement si je peux le prendre en toute sécurité puisqu’il est recommandé de ne pas le prendre avant 55 ans”, s’exaspère Léonore, sage-femme dans un hôpital marseillais. 

“Pourquoi se vacciner avec le vaccin le moins performant?”

Mais pour notre soignant en Ehpad, Rémy, et Thierry Amouroux, du syndicat national des professionnels infirmiers, le principal problème ne se pose pas là. Selon eux, le vaccin AstraZeneca convient tout à fait à la population “lambda”, mais ne doit pas être attribué aux soignants. 

Si Thierry Amouroux rappelle au sujet des cas de thromboses qu’“il y en a eu quelques dizaines sur des millions”, il relève que l’efficacité du vaccin est moins élevée que celles de Pfizer et Moderna. A fortiori sur les variants.

“AstraZeneca n’est efficace qu’à 22% sur le variant sud-africain. Ce dernier représente 50% des cas en Moselle. Est-ce normal de dire aux soignants: ‘vous vous vaccinerez avec le vaccin le moins performant’? Il serait plus logique d’utiliser un vaccin dont on est sûrs de l’efficacité contre les variants”, regrette le porte-parole du SNPI.

Sarah Gilbert, la chercheuse de l’université d’Oxford qui dirige le développement du vaccin, a en effet annoncé qu’AstraZeneca n’était pas efficace contre les formes modérées du Covid-19 liées au variant sud-africain. Elle a toutefois précisé qu’il ’“protège quand même contre les décès, les hospitalisations et les formes graves de la maladie”.

En vain. “Je pense que ce vaccin est très bien pour la vaccination de masse, il est peu cher, moins contraignant pour le transport et le stockage, mais il y a visiblement encore des failles. Le donner aux soignants qui sont en contact direct avec le virus, c’est étrange comme choix”, note pour sa part Rémy. 

Un vaccin qui met (temporairement) “hors service”

Enfin, autre aspect qui ne joue pas en la faveur du vaccin AstraZeneca parmi le personnel soignant: ses effets secondaires “réels et brefs” après injection. Les effets indésirables, fièvre et frisson, dans la majorité des cas, entraînent notamment des déséquilibres dans les services de soins. S’ils montrent que le vaccin fonctionne en stimulant la production d’anticorps sans être dangereux, ces effets secondaires génèrent parfois trop d’absentéisme. Des hôpitaux à Brest (Bretagne) ou à Saint-Lô (Normandie) sont allés jusqu’à suspendre temporairement la vaccination avec AstraZeneca en raison d’arrêts de travail trop fréquents.

“Certains hôpitaux dans l’ouest de la France ont été paralysés pendant 48 heures, rappelle Thierry Amouroux. Après vaccination des soignants, 20% des effectifs ont été mis hors services à cause d’états grippaux. Pourquoi ne pas privilégier un vaccin qui n’a pas ces effets-là alors qu’on a besoin de tout le monde sur le pont dans les hôpitaux?”

Et de conclure: “C’est pour cela qu’on se bat pour avoir le droit de choisir notre vaccin.”

À voir également sur Le HuffPost: Covid: Jean Castex vacciné avec AstraZeneca pour l’exemple