Les élections régionales du 4 mai 2021 à Madrid ont été un big-bang féminin

Le 4 mai 2021 était un mardi, jour ouvrable, et il fallait faire le pied de grue pour pouvoir entrer et glisser son bulletin dans l’urne, des files parfois interminables ceinturaient les pâtés de maisons, distance de sécurité oblige. C’était...

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Le 4 mai 2021 était un mardi, jour ouvrable, et il fallait faire le pied de grue pour pouvoir entrer et glisser son bulletin dans l’urne, des files parfois interminables ceinturaient les pâtés de maisons, distance de sécurité oblige. C’était la quatrième élection à laquelle les Espagnols se rendaient depuis le début de la pandémie. Certains octogénaires se souvenaient avec émotion de leur 1ère fois en 1978, après une interminable et sanglante dictature. 81% de participation dans le quartier du Retiro (le jardin du Luxembourg madrilène), 80,5% dans le quartier huppé de Salamanca où se trouvent les boutiques de luxe, 82% à Moncloa, 83% à Chamartin et 69,7% seulement à Puente de Vallecas, l’une des zones les plus modestes. En tout ils ont été 76% à aller voter malgré les contraintes de travail, la pandémie et la multiplication des scrutins.

Et c’est la candidate sortante qui a triomphé ce 4 mai 2021. C’était elle qui avait convoqué les élections. Un choix jugé risqué qui lui a pourtant permis de remporter 177 circonscriptions sur 179. Isabel Diaz Ayuso incarnait depuis des mois l’opposition aux socialistes en critiquant systématiquement chacune des décisions du gouvernement. Elle avait fait de Madrid le bastion de résistance à l’exécutif. L’Espagne est en effet un État qui se divise en Autonomies possédant chacune leur propre Parlement et édictant, entre autres, leurs propres politiques régionales.

 

À gauche, Monica Garcia a tenu tête à Pablo Iglesias dans un tweet: “Nous sommes fatiguées, nous les femmes, de faire le sale boulot pour qu’ensuite on nous écarte dans les grands moments historiques.”

 

Une victoire qui peut sembler surprenante lorsque l’on sait que le taux de mortalité a explosé dans cette région (+43%). Entre mars et juin 2020, ce taux a même atteint +140%, selon les chiffres du site du Ministère de la Santé. La région gouvernée par Ayuso détient un autre triste record: 8000 personnes âgées y sont mortes en 2 mois et le journaliste Manuel Rico dans son livre “Vergüenza! El escándalo de las residencias a dénoncé avec véhémence la spéculation et la privatisation dans la gestion des EHPAD de l’autonomie gouvernée par Ayuso. Le Service de la Santé serait allé jusqu’à empêcher le transfert des personnes âgées dans des hôpitaux.

Triste bilan qui n’a pas empêché Isabel Diaz Ayuso de soutenir la réouverture des cafés et des hôtels car, selon elle, “rien ne prouve que l’hôtellerie cause des contaminations”. Ayuso, dont le discours est parfois qualifié de “trumpien”, est célèbre pour ses accusations à l’emporte-pièce. Elle n’a pas hésité à affirmer: “Sans le gouvernement, j’aurais déjà vacciné 100% des habitants”. Ce qui n’est pas tout à fait conforme à la vérité étant donné que selon les chiffres officiels elle n’avait utilisé que 87,5 % des doses reçues.

Et pourtant elle a remporté 65 sièges, frôlant ainsi la majorité absolue. Ce qui a fait le succès de Diaz Ayuso c’est un discours décomplexé sur la “liberté” (son slogan de campagne) qu’elle a décliné sur tous les registres. L’une de ses promesses de campagne était une baisse fiscale de l’ordre de 30 millions d’euros sur les donations et les successions. Une certaine conception de la “liberté” dont certaines phrases ont été glosées. Selon elle Madrid est une ville où “tu peux changer de conjoint et ne plus jamais le rencontrer”, une ville où “tu peux changer de travail et ne plus jamais rencontrer ton ex patron”. 

Mais le big-bang madrilène et la surprise générale ne s’arrêtent pas là. En effet, le principal adversaire d’Ayuso n’est pas celui que l’on aurait pu attendre. Elle s’appelle Monica Garcia, est médecin anesthésiste à l’hôpital 12 de Octubre de Madrid, et c’est elle qui s’est dressée au Parlement madrilène contre chacune des mesures ou omissions de la cheffe de la région. En 2012 elle était entrée en politique pour défendre les hôpitaux publics madrilènes que le Parti Populaire (la droite) voulait privatiser. C’était sans compter sur la Marée blanche, vaste mouvement social de défense de la santé publique. Monica Garcia a été le porte-parole de l’Association des Médecins spécialistes de Madrid. Cette figure inconnue du grand public, tête de liste de Más Madrid, a obtenu autant de sièges que les socialistes (24), et a fait ainsi de son parti la 1ère force de gauche en nombre de votants. Ce résultat est le fruit de la ténacité de Monica Garcia et des militants d’une formation qui ne disposait que de 500.000 euros pour faire campagne.

Pablo Iglesias voulait une liste commune dont il serait le candidat, mais l’anesthésiste n’a pas voulu être mise de côté: “Ne rajoutons pas à l’irresponsabilité d’Ayuso davantage de frivolité, de spectacle et de testostérone”. Elle a donc tenu tête au leader de Podemos dans un tweet qui avait fait couler beaucoup d’encre: “Que las mujeres estamos cansadas de hacer el trabajo sucio para que en los momentos históricos nos pidan que nos apartemos”. (“Nous sommes fatiguées, nous les femmes, de faire le sale boulot pour qu’ensuite on nous écarte dans les grands moments historiques”).

 

Les femmes ont-elles été meilleures? Pas sûr. Ce qui l’est en revanche, c’est qu’elles ont su s’imposer.

 

Mais la déflagration politique réside peut-être surtout dans le fait que les hommes politiques espagnols semblent avoir soudain disparu du paysage madrilène. Pablo Casado, chef de file du PP (parti conservateur), s’est trouvé relégué à l’arrière-plan, faisant pâle figure à côté d’Isabel Diaz Ayuso. Angel Gabilondo, le candidat du PSOE madrilène, a quitté la scène. Et Pablo Iglesias a annoncé son retrait de la politique, laissant sa place au gouvernement à Yolanda Diaz, du parti communiste.

Les femmes ont-elles été meilleures? Pas sûr. Ce qui l’est en revanche, c’est qu’elles ont su s’imposer.

Le 4 mai 2021, un tsunami féminin a balayé les relents du machisme. Une nouvelle ère semble s’ouvrir, une ère où les femmes espagnoles se lancent dans l’arène politique sans espérer le soutien des hommes et en se laissant guider par leur instinct et leur intelligence tactique. Ces élections semblent sonner le glas d’une tradition qui les reléguait aux rôles ingrats.

Nous, les femmes, sommes fatiguées de faire toujours le sale boulot.

Qu’on se le dise.

 

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