Les enfants du chaos: que se passe-t-il dans la jeunesse de France en pleine pandémie? - BLOG

délinquance. Elle est là, interne, en chacun, basée sur de nombreux ratés sociétaux, des parcours personnels, des traumatismes individuels, et s’exprime désormais au grand jour, la frontière entre la fiction hypnotisante qui circule sur les...

Les enfants du chaos: que se passe-t-il dans la jeunesse de France en pleine pandémie? - BLOG

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La violence ne s’empare pas que de ces individus, elle est déjà largement circulante dans les veines de notre société et ne concerne en rien uniquement la violence propre à la a href=délinquance. Elle est là, interne, en chacun, basée sur de nombreux ratés sociétaux, des parcours personnels, des traumatismes individuels, et s’exprime désormais au grand jour, la frontière entre la fiction hypnotisante qui circule sur les écrans et la réalité devenant de plus en plus ténue.  " data-caption="La violence ne s’empare pas que de ces individus, elle est déjà largement circulante dans les veines de notre société et ne concerne en rien uniquement la violence propre à la délinquance. Elle est là, interne, en chacun, basée sur de nombreux ratés sociétaux, des parcours personnels, des traumatismes individuels, et s’exprime désormais au grand jour, la frontière entre la fiction hypnotisante qui circule sur les écrans et la réalité devenant de plus en plus ténue.  " data-rich-caption="La violence ne s’empare pas que de ces individus, elle est déjà largement circulante dans les veines de notre société et ne concerne en rien uniquement la violence propre à la délinquance. Elle est là, interne, en chacun, basée sur de nombreux ratés sociétaux, des parcours personnels, des traumatismes individuels, et s’exprime désormais au grand jour, la frontière entre la fiction hypnotisante qui circule sur les écrans et la réalité devenant de plus en plus ténue.  " data-credit="Ruben Antolin / EyeEm" data-credit-link-back="" />

VIOLENCES — Les derniers évènements depuis des semaines en France, qui voient s’affronter des bandes de jeunes, des adolescents tuer d’autres adolescents, est un fait relativement inédit en France pour avoir de quoi largement inquiéter sur l’état de notre société.

Des bandes rivales ne se cachent plus pour se battre, des règlements de compte amoureux se finissent en tragédie. Elles sont au nombre de 74 actuellement dans l’hexagone et le nombre d’affrontements approche les 350 en un an. La moyenne d’âge de leurs membres est de 17 ans!

Mais le courant de violence propre à la jeunesse est beaucoup plus vaste et risque bien de s’intensifier avec les dommages collatéraux de la pandémie de Covid-19. Explications.  

Dans l’Histoire

Il faut dire qu’il y eut des périodes plus fécondes et inspirantes pour se développer personnellement dans l’histoire contemporaine lorsque l’on était un jeune en quête de sens et d’espoir. Les années 1960 ouvraient de nouvelles perspectives géographiques et temporelles, spirituelles et psychiques, professionnelles et économiques. Depuis les années 1980, une certaine morosité s’est emparée de l’optimisme qui caractérise si bien nos jeunes, idéalistes, romantiques, ambitieux, déterminés, et l’intersectionnalité des souffrances plombe de plus en plus le moral et l’espoir de réalisation de milliers d’individus en formation. À l’impasse de nombre de cursus scolaires, aux inégalités économiques et sociales croissantes, au coût des études longues, à la montée des extrémismes violents et de la radicalisation religieuse comme option, à la période SIDA et consorts qui ont tué la sexualité indolente, au chômage de longue durée pour les jeunes diplômés, il ne manquait plus qu’une pandémie pour semer la zizanie dans un certain nombre de groupes sociaux, de segments identitaires, et d’individus qui se sentent plus que jamais dans une impasse de vie.  

L’État impuissant, appauvri, paie le prix lourd d’années de désengagement dans l’éducation, la culture, la pédagogie, l’initiative citoyenne, les services sociaux et psychologiques, et le soutien global à une jeunesse qui n’aspire qu’à entrer dans la vie adulte, la vie économique, et la vie sociale la tête haute, les épaules larges, et l’esprit plein de rêves. Dans une tribune parue en 2019, nous avions tenté d’éclaircir les raisons qui poussaient tant de jeunes de nos sociétés à embrasser une cause radicale et l’extrémisme violent, en particulier djihadiste, et fuir puis punir une société dans laquelle ils ne se reconnaissaient plus.

Un processus de dérive de certains jeunes en marge d’une société déjà largement violente

Certains étaient déjà délinquants, et sur le fil du rasoir, mais d’autres sont devenus aussi des terroristes sans n’avoir jamais eu de casier judiciaire. Le personnage du Joker, repris dans le dernier film de Todd Philipps pour en faire son personnage principal, symbolisait assez bien l’exemple archétypal et symptomatique d’un processus de dérive de certains jeunes en marge d’une société déjà largement violente. 

La violence ne s’empare pas que de ces individus, elle est déjà largement circulante dans les veines de notre société et ne concerne en rien uniquement la violence propre à la délinquance. Elle est là, interne, en chacun, basée sur de nombreux ratés sociétaux, des parcours personnels, des traumatismes individuels, et s’exprime désormais au grand jour, la frontière entre la fiction hypnotisante qui circule sur les écrans et la réalité devenant de plus en plus ténue.

Certains passent à l’acte, beaucoup non jusqu’à ce que. Comme le disait l’Abbé Pierre, l’enjeu pour nos sociétés en mal de compassion et de bienveillance est de taille si nous ne voulons pas voir proliférer des centaines de Joker, car “une civilisation se mesure à la qualité des objets de colère qu’elle propose à sa jeunesse”. Et cette violence risque bien d’exploser dans toutes les catégories de jeunes, pas que ceux issus des strates défavorisées ou discriminées, voire victimisées.

Dans le film évoqué plus haut, le scénario revient sur les jeunes années du grand ennemi de Batman, Arthur Fleck, et tente de décortiquer le processus qui l’a conduit à basculer dans l’extrémisme et la violence sanguinaire. Il n’est en rien un délinquant. Fils adoptif d’une mère psychotique, Arthur est baladé dans la vie, abusé, violé, maltraité, blessé. Il n’est rien, et tout le monde semble prendre un malin plaisir à le lui rappeler. Pseudoartiste malgré lui pour gagner sa vie, il ne fera jamais rire pour de bonnes raisons et, un jour, le trop-plein d’humiliation le fera passer à la violence extrême. La paranoïa d’Arthur est l’étincelle qui allume une folie collective qui ravage la cité de plus en plus polarisée. On y revient aujourd’hui. Il y a ceux qui sortiront vivants de l’épreuve que nous traversons aujourd’hui avec la Covid-19 et ceux qui n’en seront que morts-vivants. 

La pandémie comme accélérateur

Il ne manquait plus en effet qu’une pandémie dont les conséquences économiques et sociales à long terme seront dévastatrices sur une génération tout entière qui risque de sortir des écrans radars de la réussite. La folie révélée du personnage du Joker nous en dit long sur ces jeunes qui dans nos sociétés agressives et injustes ne trouvent pas les outils et les moyens de parvenir à l’épanouissement identitaire et à la reconnaissance sociale autrement que par l’extrémisme violent.

Ces bandes, qui se disputent un bout de gras de plus en plus rare sont dans l’impasse et les cités seront de plus en plus en tension ”à l’américaine”. Selon le ministère de l’Intérieur, il y en a eu près de 350 l’an dernier. Une hausse de 24% malgré la crise sanitaire. Dans ce contexte de pandémie qui a jeté des millions d’étudiants et de jeunes hors des circuits scolaires, et hors des jobs étudiants, des milliers d’entre eux se retrouvent à l’aide alimentaire et aux Restos du cœur. Tout cela au cœur de la cinquième puissance mondiale. Comment est-ce possible? La défiance à l’égard de l’État et des autorités, censées prévenir et protéger, n’en sera que plus grande dans les mois à venir. Quant aux services d’aide psychologique qui pourraient éponger la frustration d’un grand nombre et dynamiter la poudrière de haine qui grossit, ils sont depuis des années en souffrance, en sous-effectifs croissants, et totalement débordés depuis le début de la Covid-19.

Nous sommes donc bien au-delà des thématiques de djihadisme, d’ultradroite, d’ultragauche et de “self issue terrorism”, dans un courant global qui risque de voir la montée du ressentiment juvénile semer la terreur au sein de nos sociétés, accusant les choix politiques, l’inefficacité, l’impuissance, voire l’abandon. Nous sommes dans un bouleversement civilisationnel dans lequel, si les inégalités continuent de se creuser dans les années à venir sans que rien ne soit fait au plus vite pour répondre aux attentes des futures générations, les Jokers vont inexorablement se multiplier comme un virus incontrôlable. Un virus encore plus dangereux et certainement plus létal que la Covid-19!

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