Les pro-Alexeï Navalny manifestent ce mercredi et la date n’est pas anodine

RUSSIE - Ce mercredi 21 avril devait être le VP-Day, le jour de Vladimir Poutine. Devant le Parlement, le président russe tiendra son discours annuel à la Nation - l’équivalent du “discours sur l’État de l’union” à l’américaine. Mais le chef...

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Un homme brandi une pancarte

RUSSIE - Ce mercredi 21 avril devait être le VP-Day, le jour de Vladimir Poutine. Devant le Parlement, le président russe tiendra son discours annuel à la Nation - l’équivalent du “discours sur l’État de l’union” à l’américaine. Mais le chef d’État risque bien de se faire voler la vedette par son ennemi numéro 1 Alexeï Navalny, dont les soutiens appellent à manifester dans tout le pays le même jour.

Ces derniers temps, le nom d’Alexeï Navalny est sur toutes les lèvres en Occident. À l’unisson, les pays de l’UE et les États-Unis ont fait part de leurs vives inquiétudes sur l’état de santé du principal opposant au Kremlin, incarcéré depuis fin février en Russie.

C’est pour “défendre Alexeï et le droit à la liberté et au bonheur”, mais aussi “contre la corruption, la répression et les assassinats politiques” que le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) créé par Navalny a appelé à se réunir de nouveau, quelques mois après les manifestations d’envergure de janvier qui se sont soldées par des arrestations massives.

À l’origine, aucune date n’avait été annoncée. Mais plusieurs éléments ont poussé les organisateurs à choisir le 21 avril. Et si officiellement rien ne permet d’affirmer que la date a été choisie pour faire un pied de nez au président russe, le symbole n’en est pas moins très fort.

Le jour de Vladimir Poutine

Installé depuis deux fois huit ans (1999-2008 et depuis 2012) à la tête de la Russie, Vladimir Poutine est bien parti pour y rester. Au moins jusqu’à 2036 s’il y parvient, puisque la Constitution russe tout juste réformée l’y autorise désormais.

Il est donc rompu à l’exercice qu’il s’apprête à réitérer ce 21 avril: son discours sur l’État de la nation prononcé chaque début d’année devant les deux chambres du Parlement, suivant une tradition inscrite dans la Constitution russe et initiée par le 1er président de la Fédération de Russie Boris Eltsine en 1994.

Cette allocution permet au président en poste de dresser un bilan de ses années au pouvoir, mais aussi de présenter ses objectifs pour le pays. Les sujets abordés relèvent le plus souvent de politique intérieure et en 2020, c’est à cette occasion que Vladimir Poutine avait introduit officiellement l’idée d’une réforme de la Constitution. Selon l’agence gouvernementale TASS, le discours de cette année - qui se fera en présentiel - portera essentiellement sur la relance post-crise du coronavirus. Les futures élections législatives prévues à l’automne pourraient également être abordées.

L’évènement en lui-même est, par sa nature, hautement symbolique. Mais il l’est d’autant plus cette année, alors que Vladimir Poutine a désormais un boulevard d’au moins 12 ans - deux futurs mandats présidentiels possibles -  devant lui pour asseoir ses ambitions. 

Sauf que ce mercredi 21 avril, un autre rendez-vous risque d’accaparer l’attention des Russes: les manifestations prévues dans une centaine de villes et auxquelles plus de 460.000 personnes prévoient de participer. 

La  “dernière chance” des pro-Navalny

Le retour d’Alexeï Navalny en Russie mi-janvier a donné lieu à d’immenses manifestations suivies par des milliers de personnes.... et autant d’arrestations. De quoi doucher la motivation des soutiens de l’avocat de 44 ans, d’autant plus que la dureté des conditions de détention est bien connue. 

Malgré tout, les proches de l’opposant politique n’ont pas renoncé à mobiliser la population. Fin mars, le FBK a annoncé une manifestation à venir, indiquant que l’évènement ne serait vraiment organisé que lorsque 500.000 inscriptions virtuelles auraient été enregistrées. Une façon d’évaluer la mobilisation des troupes, mais aussi de rassurer les hésitants. 

Mais deux évènements sont venus bouleverser ce programme. D’une part, la dégradation de la santé de Navalny, en grève de la faim, “très faible” et privé de soins, comme l’ont réaffirmé ses avocats le 20 avril, malgré son transfert dans une prison en théorie plus adaptée médicalement. “Il n’y a plus le temps - il est temps d’agir. Il ne s’agit plus seulement de la liberté de Navalny, mais de sa vie.(...) On ne peut plus attendre”, a écrit sur Facebook le bras droit de l’opposant, Léonid Volkov, en annonçant le 18 avril la manifestation pour le 21.

D’autre part, les pro-Navalny pourraient bientôt être soumis à une législation encore plus stricte, qui revient à les faire purement et simplement disparaître. Mi-avril, le bureau du procureur de Moscou a demandé à la justice fédérale que le FBK et ses relais régionaux soient ajoutés sur la liste des organisations “terroristes et extrémistes”, en raison de leur volonté de “déstabiliser la situation sociale et sociopolitique” et les principes constitutionnels russes.

Le FBK serait ainsi considéré au même titre que l’organisation jihadiste État islamique (EI) ou encore les Témoins de Jéhovah. Concrètement, l’inclusion dans cette liste pourrait se traduire par de lourdes peines de prison pour les partisans d’Alexeï Navalny - aussi bien les manifestants que les simples contributeurs financiers - bien plus dissuasives que les sanctions actuellement appliquées. 

De la lutte contre la neutralité à la lutte contre le mal absolu

La décision de la justice fédérale est attendue pour le 26 avril, cinq jours après la manifestation prévue. Un délai qui joue en faveur des défenseurs de Navalny, mais qui va aussi permettre aux autorités russes de “juger du soutien” dont bénéficie l’avocat, selon le FBK.

À la veille de l’évènement, le palier des 500.000 n’avait pas encore été tout à fait atteint. Mais plus de 110.000 personnes s’étaient d’ores et déjà inscrites uniquement à Moscou et les organisateurs prévoyaient des rassemblements dans 110 villes.

“Si nous gardons le silence maintenant (...) la Russie plongera dans l’obscurité totale. Une activité politique pacifique deviendra impossible. Quiconque désapprouve le régime actuel sera reconnu comme extrémiste”, mettent en garde les opposants à Vladimir Poutine. “La vie d’Alexeï Navalny et le sort de la Russie dépendent du nombre de citoyens descendus dans la rue ce mercredi. Ne manquez pas cette opportunité, il n’y en aura peut-être pas d’autres”, ajoutent-ils en présentant ces actions de masse comme “la seule chose” susceptible d’effrayer Vladimir Poutine. 

Et preuve que l’heure est grave, ils n’ont pas hésité à modifier l’accroche utilisée dès les 1ères heures par Alexeï Navalny sur son blog: “la bataille finale entre le Bien et la neutralité”, destiné à faire réagir des Russes jugés trop passifs face au pouvoir en place, est devenue “une bataille finale sans pitié entre la population normale et le mal absolu.”

Quarante-huit heures avant les manifestations, le gouvernement russe s’est lui fendu d’une mise en garde laconique, mais qui, au vu des précédents, ne laisse aucun doute sur la méthode qui sera employée: “Les unités du ministère de l’Intérieur et des autres forces de l’ordre ne permettront pas une déstabilisation de la situation et prendront toutes les mesures qui s’imposent pour le maintien de l’ordre”, a indiqué le ministère de l’Intérieur dans un communiqué. 

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