Les religieux français, otages en Haïti pendant 20 jours, témoignent

HAÏTI - Otages en Haïti durant vingt jours en avril, deux religieux français témoignent du calvaire qu’ils ont subi, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus.Soeur Agnès Bordeau, 80 ans et le père Briand, 67 ans ne tiennent pas ceux...

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HAÏTI - Otages en Haïti durant vingt jours en avril, deux religieux français témoignent du calvaire qu’ils ont subi, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus.

Soeur Agnès Bordeau, 80 ans et le père Briand, 67 ans ne tiennent pas ceux qui les ont séquestrés avec leurs confrères et consoeurs haïtiens pour responsables, mais dénoncent l’inaction des autorités du pays le plus pauvre des Caraïbes.

Le mauvais endroit au mauvais moment

“J’ai pris le risque de sortir ce jour-là avec les pères bien que l’ambassade de France nous envoie beaucoup de messages en nous disant “ne prenez pas le risque”, tout ça...”, témoigne soeur Agnès Bordeau, en Haïti depuis 2019 après des décennies en Amérique centrale.

Le 11 avril, une quinzaine d’hommes en armes bloquent une route nationale en périphérie de la capitale Port-au-Prince: la religieuse de 80 ans, le père Briand et huit autres personnes se rendant à l’ordination d’un prêtre sont rançonnés puis enlevés. “On s’est trouvés au mauvais endroit au mauvais moment”, regrette le père Briand, estimant que les membres du gang n’avaient pas prévu leur rapt. Missionnaire dans le pays des Caraïbes depuis 1986, le religieux cause couramment créole et a pu échanger avec les membres de la bande armée qui l’ont, lui et neuf autres personnes, séquestrés du 11 au 30 avril. Il se rappelle combien, lors des 1ères minutes “ils ne savaient pas où nous mettre”. Des cartons jetés au sol en pleine nature seront leur 1er lieu de captivité pendant cinq jours. 

Aucune colère contre les ravisseurs

“En entrant dans la forêt, j’ai vu un feu. J’ai pensé “Oh ça y est, ils vont nous tuer et puis ils vont nous brûler”″, explique sœur Agnès.  “Très vite aussi, j’ai entendu des coups de pioche, je me suis dit “bon, ils sont en train de faire une fosse commune et ils vont nous jeter là et nous tuer””, se remémore sœur Agnès qui, a posteriori, rit largement de ses pensées sombres. 

Les changements de lieux de séquestration lui auront toujours procuré à la fois espoir de libération et peur d’exécution, mais jamais au fil de leur captivité, les religieux français et haïtiens n’auront été agressés. “Le troisième lieu a été le plus terrible, car il était insalubre, vraiment très petit et ils nous diminuaient l’alimentation”, explique calmement la religieuse française. “On avait un pâté de viande vers 15h, une bouteille d’eau et c’était tout pour la journée.”

Sans connaître les détails permettant, en pleine nuit du 30 avril, leur libération contre laquelle le gang réclamait un million de dollars, les deux Français ne témoignent d’aucune colère contre leurs ravisseurs. “Je ne leur en veux pas et je dirais même qu’ils ne sont pas responsables”, juge sœur Agnès Bordeau.  “Je prie beaucoup pour eux, pour qu’ils puissent sortir de cet enfer où ils vivent”, soupire-t-elle en serrant ses mains sur ses genoux. “Ils nous ont dit ça clairement, qu’ils se rabattent sur des vols ou, comme le cas qui s’est conduit à notre égard, des kidnappings pour faire vivre tous ceux qui travaillent avec eux et pour acheter des armes”, abonde le père Briand.

Le père Briand dénonce une inaction de l’État

Minée par la pauvreté extrême, Haïti a connu une montée en puissance croissante des gangs dans les quartiers pauvres oubliés des maigres investissements publics. Ces derniers mois, cette mainmise sur le territoire s’est accrue et concrétisée au quotidien par la recrudescence des enlèvements contre rançon, affectant autant la minorité aisée que des habitants vivant sous le seuil de pauvreté.

Le religieux se garde de citer des noms de politiciens, mais il ne cache pas sa fatigue devant l’inaction de l’État. “Demandons à ce que les autorités publiques puissent agir et non pas causer: ça ne sert à rien de causer encore, ce qu’il faut c’est agir pour le bien du peuple”, plaide le prêtre. “Ces élus ont encouragé ce phénomène de gangs: est-ce que c’est pour se protéger? Je ne sais pas”, témoigne avec prudence l’homme de 67 ans, qui goûte progressivement à sa liberté retrouvée, reprenant pour la 1ère fois samedi le volant de son pick-up à travers les rues de Port-au-Prince.

Cheveux gris noués en queue de cheval, la voix sereine, il n’envisage absolument pas de quitter le pays. ”Ça n’est pas parce que vous avez eu des brimades par quelques personnes haïtiennes que c’est tout le peuple qui te brime”, plaide le religieux qui estime que son départ serait “une trahison”. 

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