L'État visé par une action de groupe pour les contrôles au faciès, une première
JUSTICE - Pour la première fois en France, une action de groupe a été lancée ce mercredi 27 janvier contre l’État par un collectif d’ONG qui met en demeure le gouvernement de mettre fin aux “contrôles d’identité discriminatoires” par la police,...
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JUSTICE - Pour la première fois en France, une action de groupe a été lancée ce mercredi 27 janvier contre l’État par un collectif d’ONG qui met en demeure le gouvernement de mettre fin aux “contrôles d’identité discriminatoires” par la police, sous peine de saisir la justice.
Cette procédure, prévue par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle votée en 2016, intervient après une succession d’affaires mêlant violences policières et accusations de racisme dans la police, dont le tabassage fin novembre de Michel Zecler, un producteur de musique noir.
Elle coïncide également avec le lancement du “Beauvau de la sécurité”, grande concertation nationale sur la police annoncée par Emmanuel Macron quelques jours après cette agression à l’écho retentissant en France, dont le lancement officiel est prévu lundi prochain.
“Ce n’est pas une mauvaise coïncidence”, reconnaît l’avocat Antoine Lyon-Caen, qui a préparé la mise en demeure, rappelant les propos début décembre du chef de l’État sur les contrôles au faciès au média en ligne Brut.
“Aujourd’hui quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé (..) On est identifié comme un facteur de problème et c’est insoutenable”, avait reconnu le président de la République.
La mise en demeure vise précisément le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Elle leur laisse un délai de quatre mois pour répondre aux demandes des six ONG, dont Amnesty International France et Human Rights Watch.
Celles-ci réclament notamment une modification du code de procédure pénale pour “interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d’identité”, la “création d’un mécanisme de plainte efficace et indépendant” ou encore “la mise à disposition de toute personne contrôlée d’une preuve de contrôle”, sur le modèle du récépissé.
Si, à l’issue de la mise en demeure, les associations estiment ne pas avoir obtenu satisfaction, elles “peuvent saisir la justice et les juges peuvent ordonner au gouvernement des mesures pratiques pour que cesse cette discrimination”, développe Antoine Lyon-Caen.
L’État déjà condamné pour les contrôles “au faciès”
La mise en demeure, épaisse de 350 pages, compile des témoignages de victimes recueillis dans neuf villes (Paris, Rennes, Beauvais, Lorient, Châtellerault, Eybens, Lyon, Toulouse, Lille) mais aussi de policiers “qui racontent l’inutilité des contrôles” et expliquent les contrôles au faciès “par la commodité, quand il faut faire du chiffre”, rapporte Me Lyon-Caen.
Le document rappelle également les différentes enquêtes et procédures judiciaires qui ont permis de documenter et d’accréditer la réalité de ces discriminations.
Une étude menée en 2009 à Paris par Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrait qu’en France, les personnes perçues comme “noires” et “arabes” sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme “blanches”.
Plus récemment, en janvier 2017, un rapport du Défenseur des droits avait conclu qu’un “jeune homme perçu comme noir ou arabe (…) a une probabilité 20 fois plus élevée” d’être contrôlé que l’ensemble du reste de la population.
Quelques mois auparavant, en novembre 2016, la Cour de cassation avait définitivement condamné l’État pour des contrôles d’identité “au faciès”, une première. En octobre dernier, la même Cour a condamné l’État pour “fautes lourdes”, notamment pour des contrôles d’identité de mineurs injustifiés, sans toutefois retenir la discrimination.
“Cette pratique est de plus en plus attaquée mais l’État ne prend pas de mesures”, déplore Slim Ben Achour, avocat spécialiste des questions de discriminations qui a plaidé dans ces deux affaires. “Il n’y a pas de chiffres sur les contrôles d’identité. Un État de droit ne sait pas ce que font les forces de l’ordre dans l’une des principales activités de la police, une activité dont il est de plus en plus établi qu’elle est attentatoire aux libertés fondamentales”, ajoute-t-il.
Après les déclarations d’Emmanuel Macron à Brut, les syndicats de policiers en colère avaient appelé à cesser les contrôles, rejetant les accusations de racisme et expliquant “ne pas choisir leur délinquance”
“Le gouvernement n’arrive pas, face aux syndicats de police, à mettre ce sujet sur la table”, se désole Me Lyon-Caen. “Mais, s’il y est obligé, les choses peuvent changer”.
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