L'éviction de Trump par Twitter gêne le gouvernement qui prône une régulation des réseaux sociaux

POLITIQUE - Effet boomerang. Après la décision de Twitter de supprimer de façon permanente le compte Twitter d’un président en exercice, Donald Trump, plusieurs élus, dont des membres de la majorité, sont montés au créneau dans le week-end...

L'éviction de Trump par Twitter gêne le gouvernement qui prône une régulation des réseaux sociaux

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La députée LREM de Paris, Laetitia Avia, photographiée à l'Assemblée nationale en 2017 (illustration)

POLITIQUE - Effet boomerang. Après la décision de Twitter de supprimer de façon permanente le compte Twitter d’un président en exercice, Donald Trump, plusieurs élus, dont des membres de la majorité, sont montés au créneau dans le week-end pour dénoncer une “censure” décidée sans le moindre contrôle démocratique. Même chose ce lundi 11 janvier du côté de l’exécutif. 

Gabriel Attal, prote-parole du gouvernement, a indiqué sur Europe 1 qu’il se sentait “mal à l’aise” face à l’initiative du réseau social. “Bannir une personne, c’est-à-dire la réduire au silence sur les réseaux sociaux qui sont devenus une forme d’espace public, ça me semble compliqué en l’absence de critères spécifiquement établis”, a estimé le ministre, pointant la différence qu’il y a entre “modérer un contenu et empêcher une personne de s’exprimer sur les réseaux sociaux”.

Sur France inter, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, est allé plus loin. “Ce qui me choque, c’est que ce soit Twitter qui ferme parce que la régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l’oligarchie numérique elle-même”, s’est indigné le locataire de Bercy, estimant que la modération des réseaux sociaux devait être assurée “par le peuple souverain, par les États et par la justice”. Une vision des choses conforme à ce qu’avait déclaré la veille le secrétaire d’État au numérique Cédric O, lequel plaide pour “une supervision démocratique” des géants du web.

Or, sur Twitter justement, plusieurs membres de l’opposition pointent une forme de paradoxe, en renvoyant le gouvernement à la loi Avia contre la haine en ligne, censurée en très grande partie par le Conseil constitutionnel au mois de juin. “Les macronistes qui font semblant de s’inquiéter du pouvoir de censure arbitraire des Gafa... alors que c’est exactement ce qu’ils voulaient imposer en France avec la loi Avia”, tacle le député insoumis Bastien Lachaud. Dimanche sur LCI, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a également affirmé que le texte porté par Laetitia Avia avait créé les conditions de l’instauration d’une “censure privée” en France, annonciatrice de ce qu’a décidé Twitter à l’égard du président américain.     

Délégation de la modération

Vraiment? Retour sur la loi Avia contre la “haine en ligne”. L’objectif de ce texte était de “mettre fin à l’impunité” qui s’observe sur les réseaux sociaux, en obligeant les principaux acteurs du numérique à faire le ménage eux-mêmes sur leurs plateformes. Comment? En supprimant sous 24 heures tout contenu “comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire à raison de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap”. En cas de manquement à ces obligations, Twitter, Facebook et consorts s’exposaient à de très fortes amendes, pouvant aller jusqu’à 1,25 million d’euros. 

Pour les détracteurs du texte, ce délai très court n’allait produire qu’un seul effet: l’atteinte à la liberté d’expression. Car, sous la masse des signalements venant d’internautes, les plateformes n’auraient pas eu le temps de traiter convenablement chaque requête, préférant donc à terme la censure expéditive pour éviter les amendes. Le Conseil constitutionnel leur a donné raison, considérant que “le législateur a porté à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi”. 

Et d’insister: “L’atteinte à la liberté d’expression et de communication ne résultait donc pas de ce que des propos illicites devaient être retirés par les opérateurs de plateforme en ligne, mais de ce que le dispositif retenu par le législateur ne pouvait que conduire à entraîner également le retrait de propos licites au seul motif qu’ils ont fait l’objet d’un signalement”. 

Responsabilisation des plateformes

Nonobstant la censure des Sages, la suppression du compte Twitter du président américain relève-t-elle de la même logique? Difficile de l’affirmer. Après de très nombreuses précautions prises à l’endroit de Donald Trump, le réseau social a justifié sa décision par le “risque de nouvelles incitations à la violence” qui pouvait émaner des tweets du président sortant. Parmi les tweets ayant incité la plateforme à sévir, celui où Donald Trump affirmait ne pas vouloir assister à la cérémonie d’investiture de Joe Biden. Motif invoqué: son absence pourrait être comprise comme l’indication que l’événement pourrait constituer une “cible sûre”. Des explications tirées par les cheveux et assez éloignées des contenus “manifestement illicites” qui étaient visés dans la loi Avia. Jointe par Le HuffPost, Laetitia Avia n’était pas disponible dans l’immédiat pour commenter cette situation. 

Pour autant, on retrouve le même esprit, à savoir la responsabilisation des plateformes face à des comportements qui, en plus de contrevenir à leurs conditions générales d’utilisation, peuvent avoir de lourdes conséquences hors des réseaux sociaux. Conséquences qui sont systématiquement reprochées à ces plateformes quand un acte grave se produit, comme lors de l’attentat commis contre Samuel Paty. “Je veux que les réseaux sociaux prennent leur responsabilité”, avait déclaré Marlène Schiappa après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine. La ministre déléguée à la Citoyenneté avait d’ailleurs  convoqué les plateformes place Beauvau afin de faire le point sur “la complaisance vis-à-vis des prêcheurs de haine et le cyberislamisme”. 

Or, d’une forme de passivité à l’égard de l’ensemble de la haine en ligne à la suppression d’un compte d’un président en exercice affichant des millions d’abonnés au compteur, un énorme cap a été franchi. D’autant que, comme le souligne Éric Dupond-Moretti en marge de l’examen de la loi renforçant les principes républicains (et comportant un volet sur la haine ligne), s’observe une sorte de deux poids de mesures. À titre d’exemple, le compte de l’ancien premier ministre de la Malaisie, qui avait affirmé sur Twitter que les musulmans “ont le droit de tuer des millions de Français”, est toujours actif, contrairement à celui de Donald Trump. 

Ce qui fait dire au commissaire européen Thierry Breton dans une tribune au Figaro que la décision unilatérale de Twitter doit servir de précédent à l’Union européenne pour se doter d’un “contrôle démocratique” afin d’éviter à l’avenir “qu’un PDG puisse débrancher le haut-parleur du président des États-Unis sans autre forme de contrôle et de contre-pouvoir”.     

“Nous devons fixer les règles du jeu et organiser l’espace informationnel avec des droits, obligations et garanties clairement définis”, insiste-t-il. C’est d’ailleurs ce pour quoi la France plaide à Bruxelles. Après l’assassinat de Samuel Paty, Cédric O plaidait pour que la future législation européenne sur les services numériques (Digital services act) jette “les bases d’une véritable supervision des réseaux sociaux en matière de modération”. Un énorme chantier juridique dont l’échec de la loi Avia avait pointé toute la difficulté. 

À voir également sur Le HuffPost: Quand Laetitia Avia pensait avoir écrit une loi “solide et juridiquement viable”