L'extension du pass sanitaire peut-elle être invalidée par la justice?

CORONAVIRUS - L’extension du pass sanitaire aux activités du quotidien et la vaccination obligatoire des soignants subiront-elles la censure du Conseil constitutionnel? Des spécialistes du droit interrogés ce mardi 13 juillet par l’AFP, au...

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L'extension du pass sanitaire peut-elle être invalidée par la justice? (photo d'illustration d'octobre 2018)

CORONAVIRUS - L’extension du pass sanitaire aux activités du quotidien et la vaccination obligatoire des soignants subiront-elles la censure du Conseil constitutionnel? Des spécialistes du droit interrogés ce mardi 13 juillet par l’AFP, au lendemain des annonces d’Emmanuel Macron, sont divisés.

Le chef de l’État a annoncé lundi soir plusieurs mesures pour inciter les Français récalcitrants à se faire vacciner: une extension du pass sanitaire en deux étapes, le 21 juillet et début août, et dès l’âge de 12 ans, et une obligation de vaccination pour les soignants à compter du 15 septembre.

Ces annonces ont semble-t-il agi comme “un électrochoc”, puisque 926.000 Français avaient pris un rendez-vous de vaccination lundi soir selon Doctolib, et “c’est peut-être l’effet qui était recherché”, constate Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes.

Mais le calendrier présenté par le chef de l’État est “totalement irréaliste”, estime Slama. “C’est une stratégie de l’immédiat: dans trois semaines tout le monde doit être vacciné, ce n’est pas faisable!”, appuie-t-il.

“Rupture d’égalité”

En tenant compte des difficultés attendues pour réserver un créneau de vaccination et des délais entre les deux injections, “comment fait-on concrètement pour les enfants qui partent en colo ou chez leurs grands-parents (...) ou pour tous les employés des bars et restaurants, des compagnies de transport, des centres commerciaux, des hôpitaux? On demande à une caissière de faire un test PCR toutes les 72 heures?”, souligne Serge Slama.

Il pointe le risque d’une “rupture d’égalité” entre les personnes déjà vaccinées et les “30 millions de Français qui vont être écartés de facto” d’activités du quotidien, et ainsi “un problème de constitutionnalité” en raison de mesures “disproportionnées”, attentatoires à plusieurs libertés fondamentales.

“Imaginez-vous présenter votre QR code systématiquement, 6 ou 7 fois par jour? C’est invraisemblable!”, renchérit Paul Cassia, professeur de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne. “Il y a une disproportion entre les contraintes qui vont nous être imposées à toutes et tous et notre droit d’aller et venir et notre droit d’entreprendre” alors que “le taux de positivité des tests” positifs au Covid-19 reste bas, estime-t-il.

“Pas d’obstacle”

Pour le constitutionnaliste Dominique Rousseau, la question de l’applicabilité des mesures est une chose, celle du droit en est une autre. Et “si on regarde la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’y a pas d’obstacle constitutionnel à rendre obligatoire la vaccination” ou l’extension du pass sanitaire pour se rendre dans certains lieux, soutient-il.

La protection de la santé publique, et non individuelle, est un objectif inscrit dans la Constitution, et pour ce faire “un gouvernement peut imposer la vaccination obligatoire et le pass sanitaire” sans porter une atteinte disproportionnée aux libertés, explicite Dominique Rousseau.

“Le principe même d’une obligation vaccinale a été validé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, et la Cour européenne des droits de l’Homme a statué dernièrement sur la vaccination des enfants. (...) Cette jurisprudence offre un parapluie protecteur”, note également Me Patrice Spinosi, avocat spécialiste des libertés publiques.

“Je ne vois pas une seule juridiction française ouvrir une brèche contre le gouvernement”, poursuit Me Spinosi. Serge Slama prédit quant à lui un “scénario à la loi Sécurité globale”, dont des dispositions phares ont été censurées en mai par les “Sages” après une vive contestation. Avec l’extension du pass sanitaire, “une obligation indirecte” à la vaccination, l’exécutif va “droit dans le mur du Conseil constitutionnel”, assure-t-il.

Vaccination, pass sanitaire... vous avez des questions après les annonces d’Emmanuel Macron? Posez-les nous à l’adresse suivante vosquestions.coronavirus@huffpost.fr

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