Liam Gallagher : “Je te garantis que le show sera à la hauteur”
Que vous le vouliez ou non, les concerts de Liam Gallagher à Knebworth Park des 3 et 4 juin prochain se joueront à guichets fermés. Ce qui fait de lui une institution au même titre que la reine d’Angleterre ou Éric Cantona. On cause ici de...
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Que vous le vouliez ou non, les concerts de Liam Gallagher à Knebworth Park des 3 et 4 juin prochain se joueront à guichets fermés. Ce qui fait de lui une institution au même titre que la reine d’Angleterre ou Éric Cantona. On cause ici de 160 000 places vendues en une poignée de minutes, 26 ans après les shows donnés par Oasis dans cette petite localité du comté du Hertfordshire, au nord de Londres, qui avaient alors rameuté 250 000 spectateurs les 10 et 11 août 1996, et laissés sur le carreau plus de 2,5 millions de Britanniques ayant vainement tenté d’obtenir un ticket. Soit quelque chose comme 2 à 3% de la population du Royaume-Uni, ce qui représente une part non-négligeable de bons et loyaux citoyens prêts à jouer des coudes pour espérer apercevoir les héros mal fringués de l’époque. C’est en tout cas ce que la légende explique un peu partout.
Les mauvaise langues, elles, expliquent autre chose, et elles auront sans doute raison : Knebworth 96 aurait marqué l’apogée et le déclin quasi-instantané de l’auto-proclamé “plus grand groupe de rock du monde”. Si cela avait été humainement possible, Oasis aurait ainsi pu remplir dix stades de cet acabit dix soirs de suite, avant de mourir d’obésité morbide, étouffé sous son propre poids au milieu des cadavres de bouteilles laissés dans le sillage de son passage malpoli dans l’histoire de la pop anglaise. À ce titre, le fiasco Be Here Now (1997), album-ogre aux effluves narcotiques, baroque et boursouflé (et, malgré cela, régulièrement réévalué), viendra corroborer cette théorie mi-fumeuse mi-lucide. Le groupe des frères Gallagher ne sera désormais plus qu’une formation de bonne facture et plus rien ne sera jamais comme avant. Pourtant, douze ans après le sabordage en règle du band mancunien un soir du mois d’août 2009, à Paris, Liam est bel et bien de retour à Knebworth et cela nous dit certainement quelque chose.
Comme une bande de putain de bouffons“Non, non, non, jamais, JAMAIS, je n’aurais imaginé me retrouver là après le split d’Oasis ! Bien sûr, je savais que je remonterais sur scène, mais refaire des arenas ? C’est merveilleux, mec”, me rencarde le plus jeune des Gallagher au téléphone. S’il reconnaît que les deux concerts de Knebworth ont marqué les esprits et possiblement l’histoire – “this is History”, clamait alors Noel sur scène -, lui se réfère davantage aux shows donnés à Maine Road quelques mois plus tôt, en avril 96. Une évidence pour le kid de Burnage, qui a passé sa jeunesse à venir voir le club de Manchester City perdre dans cette enceinte couleur bleu clair. D’ailleurs, de Knebworth, il ne se rappelle presque rien, à part s’être bourré la gueule dès le 1er soir : “Si tu regardes bien, le groupe n’a pas si bien joué que ça. L’atmosphère et la foule étaient incroyables, mais on s’est comporté sur scène comme une bande de putain de bouffons. C’est pour ça que je dois rester concentré, mec. Je ne peux plus sortir tous les soirs et boire toute la nuit. La seule chose que tu peux faire, c’est te préparer pour ce moment et livrer le meilleur concert possible, tu vois ce que je veux dire ? Je te garantis que les choses seront différentes et que le show sera à la hauteur.”
Liam est un type affable, le genre à vous taper sur l’épaule en glissant un “mate”, avant de déblatérer pendant dix minutes sur ce que lui inspire la mort de l’archétype du groupe de rock tel que l’industrie nous le vend depuis la naissance des Rolling Stones : pas la faute des maisons de disques tout ça, mais celle de “mecs comme Johnny Marr ou Noel Gallagher, qui ne pensent qu’à faire des putains de carrières en solo pour satisfaire leur putain d’égo”, nous avait-il confié en 2019, dix ans jour pour jour après la séparation d’Oasis. Partout alors, dans la presse et à la télévision, les médias lui servaient les mêmes questions sur Rock en Seine, sur ce qu’il pensait du virage “disco” de son frère Noel ou encore de l’héritage d’Oasis et de l’avenir du rock’n’roll – on aura rarement vu un chanteur se prêter avec autant de répartie et d’à-propos au jeu de l’exercice promo dans ce qu’il a de plus répétitif et de circulaire.
Quand, trois ans plus tard, à l’aune de la sortie de C’mon You Know, le nouvel album qu’il sort sous son propre nom, je lui demande – encore une question redondante – s’il est enfin réconcilié avec l’idée de n’être plus qu’un artiste solo, Liam répond une fois encore qu’il préférera toujours faire partie d’un “putain de groupe”, mais que quelqu’un “doit faire le job” : “J’aime être sur scène et j’aime être en studio, mais devoir discuter du disque en profondeur, c’était le boulot de Noel. Ce n’est pas que je ne m’intéresse pas au disque, c’est simplement que je n’ai jamais été cette personne. Mon rôle à moi à toujours été de causer, de m’amuser, et de faire le con, tu vois ce que je veux dire ? Maintenant, je dois faire les deux, c’est comme ça. Je préférerais faire partie d’un groupe et laisser Noel causer tout seul.”
Le dernier boy scoutCeux qui ont eu l’occasion de voir Liam Gallagher en concert auront noté que le mec semble avoir le plus grand des respects pour son public. Et ce respect est sans doute la raison pour laquelle Liam continue de répondre sans détour aux sempiternelles questions des journalistes. C’est ce qui explique en partie la place qu’il occupe aujourd’hui dans la psyché UK. Pour beaucoup de jeunes gens nés au mitan des années 80, les chansons d’Oasis constituent un choc ; la 1ère manifestation contemporaine du rock, qui n’était pas celui de nos parents et auquel, du son à l’attitude, on pouvait s’identifier sans avoir l’impression de piller un héritage totémique que l’on nous promettait indépassable. On ne connaissait pas T.Rex à l’époque, Cigarettes and Alcohol nous paraissait donc tout-à-fait originale. Les mieux renseignés savaient qui était Noel Gallagher, le songwriter, mais pour la majorité d’entre-nous, Liam était le modèle à suivre. Je me souviens encore de la déception d’apprendre que ce sale gosse n’écrivait et ne composait rien. Il m’a fallu quelques années avant de comprendre que toute la force d’Oasis résidait dans cette dialectique qui a fini par tourner à l’avantage de Liam.
On ne va pas se expliquer de crack : je n’écoute plus Oasis comme à l’époque de mes quinze ans. Les frangins auront eu le mérite de me donner envie d’ouvrir d’autres portes qui, bien souvent, ont mené à des corridors flippants et tortueux, aux antipodes la musique de stade de ces sagouins. Mais, à chaque concert de Liam Gallagher depuis la fin d’Oasis, l’émotion demeure intacte, comme encapsulée dans le temps suspendu d’une duperie consentie. “Je remarque que les gosses qui écoutent mes chansons et viennent me voir en concert ne connaissent pas si bien Oasis. C’est la preuve que certaines d’entres-elles tiennent la comparaison”, m’assure Liam. Entouré d’une solide équipe de producteur/songwriter (la paire Andrew Wyatt et Greg Kurstin, croisée notamment chez Bruno Mars, Lady Gaga, Adele, Paul McCartney ou encore Lana Del Rey), il continue de tirer sur la corde sensible, réussissant le prodige inattendu de sortir de nouveaux classiques qui sont autant de bébés éprouvettes fomentés sur la base de l’ADN d’écriture qui a fait les beaux jours d’Oasis. “Le nouvel album est à 80% un peu étrange et à 20% classique rock’n’roll, fanfaronne-t-il. La 1ère fois que j’ai entendu Oh Sweet Children, par exemple, j’ai trouvé le morceau un peu particulier, mais dès que j’ai posé ma voix dessus, il était évident ça marcherait.” Comme diraient les frères Coen dans The Big Lebowski, “parfois il y a un homme au bon endroit et au bon moment, il est à sa place”. Et cet homme, c’est Liam Gallagher, dans le Royaume-Uni fracturé et pris de panique existentielle de l’après-Brexit.
C’mon You Know et Down By The River Thames’ (Warner), sortie le 27 mai