“Licorice Pizza”, un teen movie charmeur et envoûtant signé Paul Thomas Anderson
Plus le temps passe, plus le cinéma de Paul Thomas Anderson s’allège. Non qu’il soit devenu moins consistant, mais le surplomb avec lequel le cinéaste considérait autrefois ses créatures de fiction (dans Boogie Nights, Magnolia ou There Will...
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Plus le temps passe, plus le cinéma de Paul Thomas Anderson s’allège. Non qu’il soit devenu moins consistant, mais le surplomb avec lequel le cinéaste considérait autrefois ses créatures de fiction (dans Boogie Nights, Magnolia ou There Will Be Blood) s’est peu à peu transformé en une forme d’empathie pour ses personnages, eux-mêmes devenus plus quotidiens, plus mineurs, moins majuscules.
C’est particulièrement vrai dans Licorice Pizza, le dernier opus de PTA, dont l’action se situe en 1973 dans la San Fernando Valley, à la marge de Los Angeles. Les héros de ce roman d’apprentissage sont deux jeunes gens, Gary Valentine (Cooper Hoffman) et Alana Kane (Alana Haim), et la trame du film pourrait se résumer, en apparence, au fameux principe narratif hollywoodien “boy meets girl”. C’est bien de ça qu’il s’agit en 1er lieu, de la naissance et la poursuite de l’amour entre deux teenagers, comme au bon vieux temps du teen movie triomphant.
Un monde de nostalgie
De cet apparent presque rien, Paul Thomas Anderson tire un film au charme singulier dont la richesse se dévoile au fur et à mesure de sa projection. Le petit monde que décrit PTA, en grande partie circonscrit à quelques rues, se dévoile, en fait, un vaste univers que sa mise en scène d’une précision extrême parvient à dépeindre comme une tapisserie dont elle aurait photographié les moindres détails. Ce monde est donc vu au microscope mais également au télescope, comme une planète qu’on aurait quittée depuis longtemps mais dont les trainées de lumière continueraient à nous éblouir.
Ici, la comparaison avec le Once Upon a Time… in Hollywood de Tarantino s’impose forcément. Mais là où Tarantino, en bon cinéphile formaliste, proposait une relecture fantasmatique et parfois désincarnée du cinéma qu’il aime, Paul Thomas Anderson parvient à nous redonner le goût exquis, mais parfois amer, d’une vie qu’on n’a pas vécue mais dont a l’impression de goûter les moindres saveurs. Ce qui donne, de mon point de vue, une indéniable supériorité au film de PTA.
Deux nouveaux acteurs à suivre
À ce stade, il faut s’attarder un instant sur les deux interprètes principaux de Licorice Pizza, tant ils sont la chair, la sève même du film. Deux formidables comédiens naissant sous nos yeux, dont Paul Thomas Anderson filme surtout les visages avec une gourmandise communicative. Cooper Hoffman campe, avec un naturel confondant, un adolescent entreprenant et fanfaron, jeune acteur en devenir qui, de combines en coups d’éclat, est en quête d’une sorte de graal. Alana Haim, quant à elle, incarne à la lettre une jeune femme sur le chemin de son indépendance, tout en étant encore très dépendante de sa famille juive traditionnelle.
Ensemble, ils forment la matière d’un récit qui devient plus digressif et sinueux à mesure que leur chassé-croisé coloré déroule son ruban de mémoire. Un récit qui balance entre un picaresque drolatique et une mélancolie sous-jacente, où l’on croise des personnages haut en couleurs incarnés par des stars (Bradley Cooper en producteur un peu dingue ou Sean Penn en avatar de William Holden, décrit ici avec un humour ravageur) ou des acteurs occasionnels (Benny Safdie en politicien séducteur).
Entre mythe et dérision
Autant d’adultes en carton-pâte relégués volontairement à une place secondaire qui leur sied parfaitement. Ces créatures de fiction sont vues par les yeux des deux adolescents et, par ce regard oblique, ils acquièrent, en même temps, une dimension mythique et dérisoire qui s’incarne dans quelques longues séquences un peu folles et souvent inquiétantes. Le mythe et le dérisoire étant précisément les deux registres majeurs, en apparence opposés, sur lesquels joue le récit de Licorice Pizza.
Moins intense que Phantom Thread, moins déstructuré qu’Inherent Vice, moins fou que The Master, Licorice Pizza est sans doute à fois le plus aérien, le plus charmeur et le plus trivial de tous les films de PTA. Quand on sort de la salle, on ne sait pas exactement ce qu’on a vu et on a immédiatement envie de retourner à l’intérieur de la fabuleuse bulle de temps qu’a créée de toute pièces Paul Thomas Anderson, ici plus magicien que démiurge. Le signe d’un film qui risque fort de nous accompagner tout au long de cette périlleuse année 2022, et plus si affinités…
Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson en salle le 5 janvier