L’incroyable histoire du 1er album de De La Soul, “3 Feet High and Rising”

Ce vendredi 4 octobre, des larmes couleront au Zénith de Paris. Des larmes de joie, mais pas seulement. Le public français va avoir l’occasion de fêter avec De La Soul les 35 ans de 3 Feet High and Rising, 1er album à la fois ultra-célébré,...

L’incroyable histoire du 1er album de De La Soul, “3 Feet High and Rising”

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Ce vendredi 4 octobre, des larmes couleront au Zénith de Paris. Des larmes de joie, mais pas seulement. Le public français va avoir l’occasion de fêter avec De La Soul les 35 ans de 3 Feet High and Rising, 1er album à la fois ultra-célébré, fondateur et un peu maudit.

Il suffit de rappeler que cette pierre angulaire du rap américain, source éternelle de créativité, a été indisponible pendant très longtemps sur les plateformes de téléchargement, streaming et dans les bacs. La raison de cette absence tient en l’utilisation de samples mal bouclée juridiquement et de contrats discutables. Quand 3 Feet High and Rising et les cinq albums suivants de De La Soul sont enfin sortis des limbes en mars 2023 pour être écoutables par la nouvelle génération, le temps n’était pas à l’euphorie. Un des trois membres, Dave Jolicoeur, alias Trugoy (yogurt à l’envers), était mort le mois précédent.

Vendredi, lors du concert, les deux autres, Posdnuos (Kelvin Mercer) et Maseo (Vincent Mason), auront forcément plusieurs pensées pour lui, même si deux invités seront aussi présents – Prince Paul, le mentor des 1ères années, et Pharoahe Monch (le classique Simon Says). Les instants de gravité, fugitifs, qui traverseront l’esprit des De La Soul toujours debout, deux quinquagénaires, contrasteront avec la joie de vivre qui nimbe 3 Feet High and Rising, chef-d’œuvre dû à des étudiants à la petite vingtaine qui ne prenaient rien au sérieux – à part le hip-hop.

De La Soul à ses débuts

Flashback. C’est à la high school d’Amityville, petite ville côtière située sur Long Island, que Posdnuos, Trugoy et Maseo se croisent. Le dernier, le benjamin, joue au DJ dans les fêtes domestiques, tandis que les deux autres rêvent de briller par leurs rimes. Attiré par les fringues qui sortent du lot, le trio se forme et cherche à imiter Run-DMC ou les autres figures du hip-hop des années 1980, une période où tout semble possible… même avec rien.

Avec le peu de matériel dont elle dispose – un double lecteur à cassettes et des vinyles ! –, la bande bricole un 1er morceau, Plug Tunin’, en utilisant la technique de la “pause tape”. Il suffit d’un bon disque peu connu – en l’occurrence, la chanson Written on the Wall du groupe doo-wop The Invitations – trouvé dans la collection d’un des parents. Ensuite, avec beaucoup de patience, le trio crée une boucle très artisanale sur laquelle rapper en recopiant sur la bande magnétique plusieurs fois le même passage. Entre alors un magicien, celui qui va métamorphoser cette tranche de hip-hop déjà singulière – la home demo de Plug Tunin’ est désormais écoutable en streaming – en une perle d’originalité.

À peine plus vieux que les De La Soul, Paul Huston, plus connu sous le nom de Prince Paul, est l’une des célébrités parmi la jeunesse de Long Island. Depuis 1984, il fait partie du groupe Stetsasonic, dont le 1er single, le sautillant Just Say Stet, a bien marché, comme l’album On Fire. Maseo lui fait une copie de cette 1ère version de Plug Tunin’, et Paul ajoute plein d’idées sonores irrésistibles, tel un riff de piano tiré d’un tube de la popstar Billy Joel.

Nom de code The Daisy Age

Après ce séduisant coup de vernis et un passage dans le studio professionnel Calliope, où Stetsasonic a ses habitudes, cette 1ère tentative réussit à convaincre la maison de disques Tommy Boy de signer De La Soul. Après la sortie en single de Plug Tunin’, le trio en enregistre un deuxième encore plus audacieux, Potholes in My Lawn. Derrière l’image décalée (“Des trous dans ma pelouse”), le trio vise la concurrence qui essaye de le copier. La musique se dévoile aussi originale avec, en plus d’emprunts au groupe War d’Eric Burdon ou à Roy Ayers, une démonstration de yodel… tirée d’un disque de Parliament.

Pour accompagner Potholes in my Lawn, Trugoy et Posdnuos rappent sur une jeune fille qu’ils essayent de draguer pour un résultat funky et pop, Jenifa Taught Me. La sortie du single met en avant une couleur, le rose flashy, qui détonne dans le paysage rap, et un nom de code intrigant, The Daisy Age – littéralement “l’époque de la marguerite”.

20 000 dollars. C’est avec ce budget en tête que De La Soul arrive au studio Calliope pour enregistrer son 1er album. Le retour sur les deux 1ers singles a été positif, ce qui conforte le trio dans son plan initial : creuser son propre sillon, s’en remettre à sa fantaisie naturelle. Pendant deux mois, un air de fête constant règne. Leurs potes et parents viennent participer, comme les collègues avec qui ils ont noué des débuts d’amitié, Q-Tip de A Tribe Called Quest ou les Jungle Brothers.

Encadré par Prince Paul, le groupe conçoit des collages extraordinaires en piochant dans tous les bacs. “Il n’y avait aucune règle, on pouvait tout échantillonner, racontait Posdnuos aux Inrocks en 2003. On a réuni les disques de nos parents et ceux de notre enfance. Je considérais que tout ce qui pouvait m’émouvoir, du funk à la country, pouvait nous servir.” C’est ainsi qu’un petit bout de Five Feet High and Rising, une chanson de Johnny Cash de 1959, trouve sa place sur The Magic Number et inspire le titre de l’album.

Prince Paul joue parfaitement son rôle de catalyseur en matière de délire. Il les pousse à explorer n’importe quelle piste, quitte à vite l’abandonner. C’est ainsi que De La Soul a l’idée de multiplier les skits, ces sketchs comiques qui vont bientôt devenir une norme dans les albums hip-hop, des passages obligés. Avec les gamins d’Amityville, rien n’est planifié ou forcé. Eux improvisent et laissent libre cours à des inspirations subites, comme sur Description où toutes les personnes en studio, dont Q-Tip, mais aussi China et Jette – les deux employées de l’accueil de Tommy Boy –, se présentent par le biais d’un court poème.

Perfectionniste, Prince Paul cherche aussi un fil rouge pour relier cette vingtaine de morceaux qui part dans tous les sens. Il propose alors de parodier un quiz télévisé aux questions absurdes – “Combien de fois la Batmobile a-t-elle crevé ?” Finalement, les seules concessions tiennent à l’inclusion de Me Myself and I, la chanson la plus facile du lot avec son sample dansant de Funkadelic – Tommy Boy réclame un tube –, et au graphisme de la pochette du disque, avec son signe peace deviné et plusieurs fleurs.

La récréation est terminée

À la soirée de lancement, la présence de KRS-One, l’une des voix les plus fortes du rap des années 1980, ou des DMC montre combien De La Soul est accepté par ses pairs. Mais très vite, l’étiquette injustifiée de “rappeurs hippies” leur est collée. Trop populaires, pas assez hardcore…

En plus, l’absence d’autorisation concernant un sample de quelques notes de clavier de You Showed Me, des Turtles, pour l’interlude Transmitting Live from Mars, et le succès mondial du groupe convainquent les Californiens d’aller en justice. Résultat : 1,7 million de dollars à payer suite à une transaction. Ça y est, la récréation est terminée, De La Soul devient adulte en quelques mois et proclamera même sur son album suivant, De La Soul Is Dead (1991). Fini les farces, le hip-hop sera désormais un métier.

De La Soul & guests, en concert le 4 octobre au Zénith de Paris-La Villette.