Locarno 2022 : les cinéastes français mettent le feu
“Est-ce qu’un jour il y aura un monde que je ne veux pas voir brûler ?”, demande en voix-off le personnage principal d’Il faut regarder le feu ou brûler dedans, le beau et puissant court métrage signé Jonathan Vinel et Caroline Poggi (Jessica...
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“Est-ce qu’un jour il y aura un monde que je ne veux pas voir brûler ?”, demande en voix-off le personnage principal d’Il faut regarder le feu ou brûler dedans, le beau et puissant court métrage signé Jonathan Vinel et Caroline Poggi (Jessica Forever, Tant qu’il nous reste des fusils à pompe) présenté dans la section Corti d’autore au Festival de Locarno.
Alors qu’une partie de l’Europe suffoque sous la canicule et que les incendies se multiplient depuis le début de l’été, le film se fait le troublant miroir de cet état du monde. La caméra suit une jeune femme errant dans les territoires sauvages de Corse. Armée d’un bidon d’essence, elle embrase le paysage. Construit à partir de l’entrelacement d’ images d’archives et de fictions, de véritables incendies et d’effets spéciaux bricolés comme le couple de cinéaste en a l’habitude, Il faut regarder le feu ou brûler dedans dévoile autant la fascinante beauté qui se dégage de ces immenses brasiers sur fond de ballets aériens de Canadairs, qu’il nous invite à la révolte. Comme le rappelle son personnage (interprétée par Caroline Poggi elle-même), ce qui est nécessaire aujourd’hui, ce n’est plus de construire ni d’inventer – le monde capitaliste s’en charge tous les jours – mais d’abattre les excès, de faire table rase pour tout recommencer. Ne reste alors qu’une solution : foutre le feu.
Adrénaline
C’est plus ou moins de cette manière qu’avait été donné le coup d’envoi de cette 75e édition du festival suisse italien la veille avec la projection à la Piazza Grande du blockbuster américain Bullet train de David Leitch. Dans son nouveau film, en salles depuis mercredi dernier, l’ex-cascadeur devenu spécialiste du cinéma d’action à chorégraphie XXL (John Wick, Atomic Blonde) conduit non sans un certain panache, un huis clos boosté par son rail de stars (Brad Pitt savoureux, Aaron Taylor-Johnson, Sandra Bullock) et de caméos en tout genre (Ryan Reynolds, Channing Tatum).
Un résultat totalement indigeste mais généreux, aussi con que grisant qui aura eu le mérite de lancer le festival par un shoot d’adrénaline.
Révélation polar
Suite à un début de compétition et son lot de propositions oubliables (Declaration de Mahesh Narayanan, My Neighbor, Adolf de Leon Prudovsky) ou totalement bancales (Stone Turtle de Ming Jin Woo) dont on retiendra toutefois en catégorie Cineasti del presente, Petrol d’Alena Lodkina, étrange et nébuleuse collision entre le film de fantôme et le teen-movie, il aura fallu attendre ce vendredi 5 août pour voir la 1ère grande réussite de la compétition officielle : Bowling Saturne de Patricia Mazuy.
Quatre ans après avoir mis un 1er pas dans le polar avec le déjà très réussi Paul Sanchez est revenu !, la cinéaste persiste et confirme quelques semaines après la sortie de La Nuit du 12 de Dominik Moll, la très grande forme du polar français. Un attachement au genre que le film dissimule pendant toute sa 1ère partie. Mazuy construit d’abord le portait patient et subtil d’un déclassé (Achille Reggiani) qui, suite à la mort de son père cherche à se réinsérer grâce à l’aide de son frère (Arieh Worthalter). Et puis à mi-course, le film se retourne totalement sur lui-même, frappé par un événement ahurissant auquel le film ne nous avait absolument pas préparé, et dont, rassurez-vous, nous ne dirons rien.
Comme chez Moll, le film de Mazuy associe un hyperréalisme sur le déroulement d’une enquête judiciaire (aux fastidieux rédactions de rapports dans La Nuit du 12, Bowling Saturne lui substitue notamment une glaçante découverte d’une scène de crime qui atteint un seuil de véracité rarement vu au cinéma) à une stylisation sèche mais faussement sobre, ciselé par un splendide travail sur la lumière le sculptant en un film d’ambiance vénéneux. Mais c’est également sur le portait d’une société gangrénée par une masculinité toxique que les deux fictions se complètent parfaitement. Un monde cerné par des mâles prédateurs, jamais repu par la chasse. Ce même monde que la voix du film de Poggi et Vinel nous invitait à brûler.