Locarno : un palmarès curieux pour une édition dominée par des films français
Cocorico ? Les films que nous avons préféré à Locarno (Suisse) étaient français, mais sont repartis (presque) bredouille de la cité lacustre. Ni After Blue (Paradis sale), l’odyssée extra-planétaire hallucinée et hallucinante de Bertrand Mandico,...
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Cocorico ? Les films que nous avons préféré à Locarno (Suisse) étaient français, mais sont repartis (presque) bredouille de la cité lacustre. Ni After Blue (Paradis sale), l’odyssée extra-planétaire hallucinée et hallucinante de Bertrand Mandico, ni Petite Solange, le drame intime et poignant d’Axelle Ropert n’ont trouvé grâce aux yeux du jury de la compétition internationale.
Consolation de taille, le 1er a toutefois reçu le Fipresci, le prix de la critique, qui récompense à juste titre ce qui restera pour nous comme la bombe du festival.
Un Léopard d’or indonésienC’est donc Vengeance Is Mine, All Others Pay Cash – La vengeance m’appartient, tous les autres paient comptant – de l’Indonésien Edwin qui s’est vu décerner le Léopard d’or de la 74e édition du festival suisse, la 1ère pilotée par le nouveau directeur artistique Giona A. Nazzaro après une édition 2020 anémiée par la pandémie. Un choix curieux, qu’on hésite à qualifier d’audacieux ou bien de délirant tant le film est un ovni, lancé tel un funambule inconscient sur un fil ténu entre hardiesse et bouffonnerie.
Film de kung-fu parodique, où l’on se castagne allégrement la tronche au gré de scènes de baston lointainement virtuoses, Vengeance Is Mine…suit l’itinéraire scabreux d’Ajo Kawir, bagarreur des rues surpuissant qui tombe amoureux d’une de ses adversaires, elle aussi rompue à l’art dévastateur du bourre-pif cosmique. Problème : le tourtereau souffre de problèmes érectiles qui l’empêchent de consommer sa relation avec sa nouvelle petite-amie, qui finit toutefois par l’épouser. Entre deux séances de castagne et une course-poursuite effrénée en mobylette, il faudra bien trouver une solution à cette impuissance qu’il cache pudiquement…
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DébandadeEn situant son action dans les années 1980, Edwin s’emploie à parodier le cinéma d’action viriliste et narnardesque indonésien pour mieux tenter d’en atomiser les codes. Hélas, rivé à un humour potache quand il ne bifurque pas vers la romcom sirupeuse, le film ne fait pas grand chose d’autre que recycler le genre qu’il cherche à détourner en l’agrémentant d’une caution vaguement féministe et d’un propos opportunément travaillé par les retombées de #MeToo. C’est qu’au mitan du film intervient un flash-back en forme de révélation qui lève le voile sur les problèmes de notre héros mou du slip. Il y est question d’un viol, amené de manière fort maladroite dans un film qui cultive les ruptures de ton sans véritablement questionner l’effet qu’elles provoquent.
En récompensant La Vengeance m’appartient..., le jury a sans doute voulu saluer cette prise de risque et ce mélange des genres périlleux qu’on peut (éventuellement) trouver un brin inventif, mais aussi célébrer un cinéaste habitué des festivals européens (il avait présenté des films précédents à Berlin et Rotterdam), à la filmographie aussi dense qu’inconnue. Pour notre part, on bande mou.
Palmarès étrangeC’est Abel Ferrara qui rafle le prix de la mise en scène avec Zeros and Ones, film de guerre abscons hanté par la crise pandémique. On devine qu’avec ce choix étonnant le jury a davantage voulu célébrer le cinéaste majeur qu’est Ferrara que ce film franchement balourd, plombé par des considérations politico-mystiques pour le moins opaques.
L’actrice russe Anastasiya Krasovskaya obtient le prix d’interprétation féminine pour Gerda de Natalya Kudryashova, drame étrange dans lequel une jeune femme se rappelle de la perfection métaphysique de son âme avant que son corps ne l’incarne, tandis que le prix d’interprétation masculine – doublé – est décerné à Mohamed Mellali et Valero Escolar pour Si Dies Corrents (The Odd-job Men), comédie catalane fantasque et sympathique qui dépeint le quotidien loufoque de trois plombiers barcelonais.
ConsolationSi les films français en compétition, pourtant très beaux, n’ont visiblement pas tapé dans l’oeil du jury, on se réjouira du prix de la critique, obtenu par Bertrand Mandico donc, mais aussi du Léopard d’argent décerné aux Démons de Dorothy, court métrage barré et génial signé Alexis Langlois. On y suit Dorothy, jeune cinéaste un brin loseuse, versée dans le cinéma queer et réalisatrice de films de genre lesbiens dans lesquels des déesses aux poitrines démesurées pulvérisent le patriarcat sur des bolides futuristes. Mais voilà, ses films ne rapportent rien et sa productrice lui enjoint d’écrire des scénarios plus mainstream, qui pourraient éventuellement se faire remarquer en festival. Affalée en pyjama dans son 11m2, Dorothy plonge dans des abîmes d’angoisse et de paranoïa alors que ses démons, qui semblent s’être échappés d’un épisode de Buffy contre les Vampires, décident de lui rendre visite.
Dans ce court nerveux et hilarant, Alexis Langlois exorcise ses propres démons et fait des tribulations de Dorothy un manifeste rageur pour la promotion d’un cinéma marginal et branché sur courant alternatif. La belle surprise d’un palmarès globalement décevant.
L’essentiel du palmarès :– Léopard d’or : Vengeance Is Mine, All Others Pay Cash d’Edwin
– Léopard de la meilleure interprétation féminine : Anastasiya Krasovskaya pour Gerda de Natalya Kudryashova (Russie)
– Léopard de la meilleure interprétation masculine : Mohamed Mellali et Valero Escolar pour The odd-job men de Neus Ballús (Espagne)
– Mentions Spéciales pour Soul of a Beast de Lorenz Merz (Suisse) et pour Espíritu Sagrado de Chema García Ibarra (Espagne/France/Turquie)
– Pour la compétition “Cinéastes du présent” : un Léopard d’or pour Brotherhood de Francesco Montagner (République Tchèque/Italie)
– Prix pour le meilleur 1er long-métrage : She will de Charlotte Colbert (Royaume-Uni)
– Léopard d’or du meilleur court métrage d’auteur : Creature de María Silvia Esteve (Argentine/Suisse)
– Léopard d’or de la SRG SSR pour le meilleur court métrage international : Neon Phantom de Leonardo Martinelli (Brésil)
– Léopard d’argent : Les démons de Dorothy d’Alexis Langlois (France)
– Prix de la mise en scène : Eliane Esther Bots pour In flow of words (Pays-Bas)
– Léopard d’or du meilleur court métrage suisse : Chute (Strangers) de Nora Longatti, Suisse
– Léopard l’argent de la compétition nationale : After a room de Naomi Pacifique (Royame-Uni/Pays-Bas/Suisse)
– Prix du meilleur espoir suisse : Flavio Luca Marano et Jumana Issa pour Es muss (Suisse)