LREM: Ces "créatures" macronistes qui ont échappé à leur inventeur
POLITIQUE - Nous y sommes. Ce dimanche 5 septembre, les députés élus en 2017 sous la bannière LREM se retrouvent à Angers pour leurs dernières journées causementaires du quinquennat. Tous? Non. Seulement les “marcheurs” qui ont résisté aux...
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POLITIQUE - Nous y sommes. Ce dimanche 5 septembre, les députés élus en 2017 sous la bannière LREM se retrouvent à Angers pour leurs dernières journées causementaires du quinquennat. Tous? Non. Seulement les “marcheurs” qui ont résisté aux turpitudes de la vie de groupe.
Le cru 2017 avait été marqué par un profond renouvellement politique, provoqué par la très large victoire des marcheurs aux élections législatives, actant au passage une nette progression de la place des femmes dans l’hémicycle.
C’était l’époque du “nouveau monde” et des 52% de candidats issus de la “société civile” investis par le tout jeune parti macroniste. Un vent de fraîcheur soufflait alors sur le Palais Bourbon, et ces primo-élus étrangers aux codes du “vieux monde” et fidèles à la promesse de “dépassement” faite par leur champion, assuraient vouloir faire de la politique autrement, loin des querelles “politiciennes” et partisanes.
Las. Ce rêve fut de courte durée. Quatre ans plus tard, la majorité, qui affichait initialement 314 députés au compteur, en a perdu 46. Soit le record de défection sous la Ve République. Au-delà de ces désertions politiques, ce sont les erreurs de casting qui ont aussi attiré l’attention. La République En Marche a ceci de spécifique: elle a fait élire des députés qui se sont retournés depuis contre l’homme qui apparaissait à leur côté sur leurs affiches: Emmanuel Macron. Avec parfois, des trajectoires pour le moins surprenantes, voire inquiétantes. Tour d’horizon de ces fabrications macronistes qui ont échappé à leur créateur.
Joachim Son-Forget, du bon élève au virage trash
C’est l’histoire d’un jeune élu qui cochait toutes les cases du parfait macroniste, et qui en quelques mois a basculé dans la politique spectacle la plus trash, du trolling lourdingue sur Twitter au featuring dispensable avec Doc Gynéco, en passant par la simulation d’une prise de drogue sur les réseaux sociaux. Prouesse qui n’est pas donnée à tout le monde, le député des Français de l’étranger établis en Suisse et au Liechtenstein -qui a quitté le groupe LREM en 2018- a vu son compte Twitter désactivé, après s’être fait passer pour Donald Trump, fraîchement banni du réseau social.
Le point d’orgue de ses dérapages se situe en février 2020, au moment où il a cru bon de partager à ses 58.000 abonnés le lien menant vers la vidéo montrant Benjamin Griveaux apparaissant dans des positions plus que suggestives (un acte qui lui a valu des poursuites). Durant la crise sanitaire, “JSF”, qui prend plaisir à poser aux côtés de Marion Maréchal, a très tôt compté parmi les pourfendeurs de la politique gouvernementale, militant ardemment pour l’hydroxychloroquine (dont l’efficacité contre le Covid n’a toujours pas été démontrée, malgré les nombreux essais cliniques).
Sans surprise, Joachim Son-Forget s’oppose aujourd’hui au pass sanitaire et a récemment participé à un rassemblement hostile à cette mesure décidée pour faire face au variant Delta. Pour en savoir plus sur cet élu à la trajectoire singulière, notre portrait réalisé au moment de l’affaire Griveaux.
Martine Wonner, du poil à gratter au naufrage complotiste
Être élue grâce à une étiquette et prôner la dissolution des partis politiques quatre ans plus tard, c’est possible. C’est en tout cas le parcours de Martine Wonner, l’ex-députée LREM, devenue en quelque mois l’égérie des anti-vaccins, en affichant de fortes tendances complotistes. Issue de la société civile, la psychiatre de profession correspondait parfaitement aux souhaits de renouvellement exprimés par le mouvement présidentiel en 2017.
Classée à gauche dans la majorité (et ayant déjà pris ses distances avec le mouvement macroniste), Martine Wonner a clairement changé de trajectoire à l’aune de la crise sanitaire. Masques, hydroxychloroquine, vaccination… L’élue du Bas-Rhin a multiplié les contre-vérités au Palais Bourbon, et semble prise dans une spirale qui ne cesse de s’aggraver. Dernier coup d’éclat en date, cette affirmation selon laquelle la Garde républicaine aurait décidé de ne plus protéger le président de la République.
Ce qui est doublement faux, puisque ce corps d’honneur ne compte nullement cette mission parmi ses prérogatives et qu’aucun communiqué émanant de cette branche de la gendarmerie nationale ne fait état d’une telle décision. Un égarement de plus pour cette élue adepte des polémiques et défilant dorénavant aux côtés de Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan. Pour en savoir plus sur son parcours, notre portrait réalisé après qu’elle a appelé les anti-pass sanitaire à “envahir les permanences” de leurs députés.
Agnès Thill, la révélation conservatrice
“Députée de l’Oise exclue de La République En Marche”. Voilà la biographie qu’Agnès Thill, élue en 2017 sous bannière macroniste, affiche sur son compte Twitter. Au total, cette ex-directrice d’école aura tenu deux ans au sein du groupe LREM. Assez de temps pour faire des déclarations qui ne correspondent pas (mais alors pas du tout) à la ligne de son parti. En cause, ses positions anti-PMA, alors que son ouverture à toutes les femmes faisait partie du programme d’Emmanuel Macron. En novembre 2018, l’élue de l’Oise fait hurler au sein de son groupe, en évoquant l’existence d’un “puissant lobby LGBT à l’Assemblée nationale”. Malgré les avertissements internes, Agnès Thill continue sur sa lancée, en expliquant plus tard que “l’absence de genre dans le mot ‘parent’ favorise l’éclosion d’écoles coraniques”.
Une autre fois, elle partage un article du journal Têtu, qui évoque le “coming out” médiatique de Gabriel Attal, alors secrétaire d’État. Avec ce commentaire pour le moins équivoque: “Au moins la couleur est annoncée. Bioéthique en juin”. Autre exemple, son entretien le 5 juin 2019 au très droitier magazine L’Incorrect, lancé par des proches de Marion Maréchal. Une entrevue au cours de laquelle l’élue affirme que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes “restera dans l’histoire comme celle qui aura évincé les pères de la naissance et de l’éducation des enfants”. C’en est trop. Vingt jours plus tard, elle est exclue du groupe LREM.
Et depuis? Agnès Thill poursuit son parcours d’opposante au gouvernement, avec une forte tendance à barrer à droite. Voire à la droite de la droite en accordant, par exemple, des entrevues à Boulevard Voltaire, le site lancé en 2012 par Robert et Emmanuelle Ménard, puis condamné deux ans plus tard pour provocation à la haine envers les musulmans. Le “en même temps”, cher au macronisme, est derrière elle.
Matthieu Orphelin, caution écolo devenu allié des Insoumis
En 2017, le projet macroniste se targue (encore) de porter haut des convictions écologistes. C’était l’époque du “Make our planet great again” et de Nicolas Hulot au gouvernement. Ce dernier, qui avait hérité d’un ministère aux prérogatives renforcées, comptait un très proche au Palais Bourbon: Matthieu Orphelin. Le ralliement de cet ancien militant EELV à En Marche, au même titre que ceux de François de Rugy ou de Barbara Pompili, symbolise alors les ambitions écolos du quinquennat.
Constatant finalement que “le compte n’y est pas” sur le climat, l’élu écologiste finit par quitter le navire en février 2019, pour rejoindre les dissidents de l’aile gauche. Au fil des mois, l’envergure politique de cet ingénieur de formation change de dimension. Au point de se retrouver à la tête d’une liste d’union de la gauche aux élections régionales dans les Pays de la Loire en juin 2021. Derrière sa candidature? EELV, La France insoumise, Génération.s ou encore Génération écologie.
Un attelage (très) éloigné de l’étiquette qui lui a permis d’accéder au Palais Bourbon. Ironie du sort, Matthieu Orphelin faisait face à un ex-écologiste ayant rejoint LREM en 2017, mais qui, lui, est resté loyal: François de Rugy. À la différence de ce dernier, il se qualifie pour le second tour, mais s’incline face à la présidente LR sortante, Christelle Morançais.
Aurélien Taché, de la “bande de Poitiers” à Éric Piolle
En ce jeudi 29 juillet 2021, le soleil frappe le parvis du Conseil constitutionnel. Aurélien Taché, élu en 2017 sous étiquette LREM, partage les micros avec Ugo Bernalicis, l’élu insoumis du Nord. À leurs côtés, Stéphane Peu, député communiste de Seine-Saint-Denis. L’objet de leur présence, leur opposition au pass sanitaire, contre lequel ils ont fait un recours. C’est dire si de l’eau a coulé sous les ponts depuis qu’il a été élu député et qu’il était, aux côtés de Stéphane Séjourné, Sacha Houlié, Guillaume Chiche ou encore Pierre Person, perçu comme un membre de la jeune garde de la Macronie. Cette “bande de Poitiers” issue du PS et censée incarner l’aile social-démocrate et progressiste du projet présidentiel.
S’écharpant régulièrement avec Marlène Schiappa au sujet de la laïcité, Aurélien Taché a depuis revêtu le costume d’opposant de gauche à Emmanuel Macron, dénonçant régulièrement sa politique sociale, sécuritaire et environnementale. Preuve de ce retour au bercail pour cet ancien socialiste, l’élu du Val-d’Oise (co-président des Nouveaux démocrates) figure parmi les élus de gauche conviés par Yannick Jadot au printemps 2021 pour penser l’union en vue de 2022. Si l’initiative paraît mal embarquée, une chose est sûre: Aurélien Taché s’engagera dans les mois à venir au service d’une candidature qui ambitionnera de battre Emmanuel Macron. Cet été, le député à même passé une tête à l’université des Insoumis. Mais finalement, il a jeté son dévolu sur l’écolo Éric Piolle.
Cédric Villani, le mauvais calcul
Cédric Villani allait au-delà de la promesse de dépassement: il représentait quasiment à lui seul le “nouveau monde”. Avec le recrutement de ce mathématicien populaire et récompensé de la médaille Fields, Emmanuel Macron avait frappé fort. Avec lui, le génie de la société civile allait enfin briser les obstacles de la politique politicienne. Preuve de la confiance accordée, le député de l’Essonne hérite, dès septembre 2017, de la rédaction d’un rapport sur l’intelligence artificielle, censé poser les jalons de la stratégie de la France dans ce secteur d’avenir. Une question sur laquelle Emmanuel Macron s’était particulièrement engagé.
Sauf qu’en politique, toutes les équations ne fonctionnent pas et la théorie se heurte très souvent à la pratique. La trajectoire macroniste de l’homme à l’araignée a ainsi dévissé à l’occasion des élections municipales, quand Cédric Villani se porte candidat à l’investiture LREM pour la mairie de Paris en 2020. Sorti perdant du processus de désignation interne, le député de l’Essonne maintient sa candidature. Même après la demande expresse du président de la République de se ranger derrière Benjamin Griveaux.
Ce qui vaudra une exclusion au mathématicien qui finira par suivre les dissidents du macronisme au sein de l’éphémère groupe Écologie démocratie solidarité (EDS). Depuis, le candidat malheureux à la mairie de Paris (il n’a pas récolté assez de voix pour obtenir un siège de conseiller) a pris ses distances avec la Macronie. Au point, maintenant, de se retrouver porte-parole de Delphine Batho, candidate à la primaire EELV.
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