M. le Premier ministre, votre politique des transports ne respecte pas vos engagements écologiques

Monsieur le Premier Ministre,En octobre, le Forum Vies Mobiles a attiré l’attention de Madame la Ministre de la Transition Écologique sur les dysfonctionnements majeurs de la politique de mobilité française au regard des engagements pris par...

M. le Premier ministre, votre politique des transports ne respecte pas vos engagements écologiques

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Le Premier ministre Jean Castex arrivant à la station de métro Pont Cardinet à Paris pour inaugurer l'extension de la ligne 14 du métro, le 14 décembre 2020 (Photo ALAIN JOCARD / AFP)

Monsieur le Premier Ministre,

En octobre, le Forum Vies Mobiles a attiré l’attention de Madame la Ministre de la Transition Écologique sur les dysfonctionnements majeurs de la politique de mobilité française au regard des engagements pris par l’État. Malheureusement, les actions de votre gouvernement telles qu’elles sont reprises dans la réponse qui nous a été apportée par le Ministère des Transports ne permettent pas plus de respecter la trajectoire annoncée, faute de prendre en compte la place de la mobilité dans les modes de vie des Français.

Tout simplement choquant: le gouvernement prétend reprendre la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat de taxer les voitures neuves mais en remontant le seuil de leur imposition à plus de 1800 kg, au lieu de 1400 kg comme elle le préconisait. Vous ne pouvez pas ignorer que cela ne concernera plus qu’une part infime du marché (1,74% en 2019 [1]). Cela permet d’exclure en fait l’essentiel des modèles de SUV alors que l’explosion toute récente de leur marché (désormais plus de 40% des ventes de véhicules neufs [2]) constitue la deuxième raison de la croissance des émissions de GES sur ces dix dernières années [3]! Quand on sait que la voiture individuelle, responsable en France de la moitié des émissions de CO2 des transports, se diffuse toujours davantage [4], comment s’étonner que les émissions globales du secteur continuent de croître?

Conservatrice: cette mesure vise sans doute –et légitimement– à préserver la filière automobile française, deuxième employeur du pays, notamment face à la concurrence étrangère. Mais devant l’urgence climatique, il est nécessaire, non pas de préserver un vieux modèle industriel en déclin, mais d’en imaginer un nouveau, dynamique et écologique, en le réorientant par exemple vers le développement de véhicules légers, voire low-tech (vélomobiles, bi- et triporteurs, micro-voitures, deux-roues protégés, etc.), qui pourraient répondre à l’essentiel des besoins de déplacement du quotidien. Bien sûr, il faudrait également pousser l’Europe à interdire la vente des véhicules les plus lourds.

Chimérique: le gouvernement continue en fait de privilégier une logique de croissance verte, avec l’espoir qu’il sera en même temps possible de se déplacer toujours plus tout en polluant moins. Malheureusement, miser sur l’amélioration technologique qu’offrirait la conversion du parc automobile à l’électrique ou sur les investissements en faveur des mobilités partagées (autopartage, covoiturage, etc.) pour réduire la dépendance des territoires à la voiture solo ne peut suffire. L’étude de l’évolution du volume des déplacements carbonés et de celle des émissions sur plus de 50 ans (de 1960 à 2015) montre sans équivoque que l’une et l’autre sont étroitement liées [5]. C’est ce volume qui doit être la cible numéro 1. Nous n’avons aucune chance d’atteindre les objectifs pris par l’État français sans élaborer et mettre en œuvre une politique d’évitement des déplacements carbonés. On ne peut se contenter d’espérer “continuer à mieux se déplacer”, il va falloir envisager de se déplacer moins et moins vite.

Comment faire? Changer de représentations, arrêter de croire que bouger c’est toujours bien et questionner la valeur accordée à la vitesse des déplacements. À ce titre, les annonces récentes du gouvernement en faveur du redéploiement des trains de nuit, des trains d’équilibre des territoires ou l’arrêt du projet d’agrandissement de Roissy sont à saluer. Mais il faut également repenser les territoires de la vie quotidienne pour qu’ils permettent de vivre et travailler en plus grande proximité… Autrement dit, sortir d’une vision “transports” des déplacements (toujours plus d’offre, toujours plus rapide) et donner tout son sens au terme de mobilité. Le transfert de notre interpellation du Ministère de la Transition Écologique à celui des Transports est symptomatique de cette approche en silos que le Forum Vies Mobiles a mis en lumière et qui empêche de concevoir des politiques adaptées à l’enjeu de la transition écologique. 

La mobilité n’est pas qu’une affaire d’infrastructures routières, de pistes cyclables ou de modes de locomotion (voiture, train, vélo), c’est avant tout la manière dont les Français déploient leurs activités dans l’espace et dans le temps, selon leurs désirs et leurs possibilités (travailler, bien sûr, mais pas seulement: faire ses achats, aller à l’école, partir en vacances, accompagner ses parents, et quand ce sera possible aller au spectacle…). C’est en agissant sur les facteurs structurels qui conditionnent la pratique de ces activités qu’on pourra réussir à mettre en place une véritable politique d’évitement des déplacements carbonés. Cela requiert un projet politique cohérent et transversal, qui lie transports, vie économique, choix énergétiques, santé publique et aménagement du territoire. Espérons que la condamnation récente de l’État français pour inaction climatique puisse être un aiguillon qui motivera son élaboration. Il n’est pas (encore) trop tard pour agir.

 

À voir également sur Le HuffPost: Y aura-t-il des voitures volantes aux Jeux Olympiques de Paris 2024?