M. Macron, en tant que psychanalyste, voilà pourquoi un troisième confinement est dangereux
Monsieur Le Président,À l’heure où toutes les hypothèses convergent vers un troisième confinement national en vue d’éviter une nouvelle saturation des hôpitaux, j’attire votre attention sur une réalité dont la violence est beaucoup plus sourde...
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Monsieur Le Président,
À l’heure où toutes les hypothèses convergent vers un troisième confinement national en vue d’éviter une nouvelle saturation des hôpitaux, j’attire votre attention sur une réalité dont la violence est beaucoup plus sourde et latente qu’une pandémie mondiale.
L’état psychologique est souvent une donnée minorée, traitée comme secondaire, selon l’adage du fameux “il faut faire avec”, pourvu que l’on ait les moyens de subvenir à nos besoins primaires. Cet adage est justifié dans bien des situations, et bien sot celui qui aurait déjà psychologisé le confinement en mars de l’année dernière, quand tous les regards étaient tournés sur le nombre de malades et la souffrance de l’hôpital public devant sa pénurie de moyens.
Un an plus tard, en revanche, à l’heure où les variants de la Covid-19 déferlent et où les lieux de rassemblement demeurent fermés, à l’exception des centres commerciaux, la dimension psychologique ne peut plus être vue comme une donnée superflue.
Elle doit s’imposer au même titre que les plus impérieuses nécessités.
Psychologue clinicien en cabinet libéral et porte-parole d’une association nationale accueillant inconditionnellement les minorités sans distinction de sexe ni de genre, j’en viens à un constat que vous et vos conseillers s’échinent à ne pas voir, ou à évacuer en arguant l’urgence sanitaire.
Ce constat est la souffrance aiguë de patients d’un nombre toujours plus élevé, ouvertement tentés par le suicide. Un troisième confinement les entraînerait dans des spirales dépressives insurmontables. Tout se passe comme si, à force de vouloir protéger par des mesures de restriction, vous avez fermé toutes les issues créatives, désirantes et sublimatoires.
Nombre de personnes que je rencontre par mon métier n’ont plus que leur téléphone et leur tablette, le soir venu. La conjugalité devient toxique, l’espace familial délétère. Des parents qui autrefois investissaient convenablement le lien à leur enfant s’enfoncent dans une angoisse massive teintée d’incertitude du lendemain, quand l’horizon d’un troisième confinement se profile. Ils n’ont tout simplement pas les capacités psychiques de soutenir scolairement leur enfant et, plus largement, de le voir toute la journée à la maison, sans la possibilité de déléguer les tâches du quotidien. Ils “craquent” au sens véritable du terme, dans un effondrement de ce qui auparavant faisait filet de sécurité.
Nous nous focalisons à l’heure où je vous parle sur des donnés chiffrées, pragmatiques, rationnelles, en évacuant l’invisibilité de ce mal que je décris, et qui mènera, sur un très court terme, à un véritable désaveu de la classe politique. Or, plutôt que de tenter de proposer des alternatives à la fermeture des lieux publics, vous brandissez le spectre d’une répétition, d’une redite empêchant la pensée. En mars, cela fera un an que nous aurons vécu le premier confinement. Il est peut être temps de sortir de la phase de sidération, avec son cortège de maux post traumatiques, d’entraves à la pensée, d’agrippement au pragmatisme.
“Vivre avec le virus”, disiez-vous il y a quelques mois. Mais vivre, ne serait-ce pas inventer “un café en terrasse”, “une salle de cinéma en plein air avec plaid fourni par l’État”? Ne serait-ce pas autoriser les restaurants à dresser quelques tables? C’est cela, il me semble, concevoir que l’homme est un animal social, politique, dont le germe le plus profond se trouve dans une aptitude à vivre dans le lien à l’autre, cette communauté de destin sans laquelle nous ne sommes rien. Le “café”, la “table”, le “film” ailleurs que dans son salon ne sont pas des objets, des scènes dérisoires. Il s’agit d’éléments constitutifs de notre capacité de supporter la vie, dans ce qu’elle a de pesant, d’insoutenable, comme le disait Milan Kundera.
Pourquoi la France, terreau des Lumières, de ce progrès défiant toutes les inerties, ne se distingue-t-elle enfin pas?
En ne nous proposant que des liens virtuels, par écran interposé, vous oubliez le malaise dans la civilisation. Vous semblez méconnaître l’importance de ces choses-là. En tous les cas, vous ne prenez pas avec le même sérieux cette sonnette d’alarme que nous, spécialistes de la santé mentale, tirons depuis des semaines. Et cet oubli, cette négligence laisse prédire un terrible retour du refoulé, cette pulsion de mort théorisée par Freud, qui est aux portes de toutes les sociétés.
Joseph Agostini recevait dans son podcast “Fais voir la bête” l’auteur de théâtre italien Gaspare Dori pour évoquer avec lui le danger d’une civilisation sans mémoire qui oublierait le vivre ensemble. À voir ici
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