Ma vie d'immigrée et la pandémie, c'est du pareil au même - BLOG
appels vidéo, et son sens de la géographie s’est développé à mesure que nous essayions de naviguer entre les différents fuseaux horaires pour organiser des réunions de famille. (photo d'illustration)" data-caption="Mon fils, qui aura bientôt...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
PANDÉMIE —Voilà maintenant plus d’un an que mon fils et moi sommes rentrés à Paris après un bref séjour dans notre famille à Karachi, au Pakistan, en mars 2020. Une visite écourtée par la menace d’annulation des vols et de fermeture des frontières. Parviendrions-nous à rentrer chez nous avant que cela ne se produise? Après de nombreuses conversations avec les membres de la famille ponctuées d’échanges téléphoniques nocturnes avec mon mari en France, après plusieurs décisions prises à la hâte et quelques vols coûteux, nous arrivions enfin sains et saufs à la maison.
Nous avons eu plus de chance que beaucoup d’autres — nous étions chez nous, en sécurité, avant que le 1er confinement en France ne commence et aujourd’hui, plus d’un an plus tard, la crainte initiale de ne pouvoir regagner Paris semble bien loin.
Voyages remis et famille en visio
La famille que nous avons laissée derrière nous est elle aussi devenue lointaine. Comme beaucoup de gens partout dans le monde, nous avons annulé nos projets de voyage et accepté le fait que très peu d’amis ou de membres de notre famille nous rendraient désormais visite. Nous avons vécu avec notre solitude, comblant nos manques en resserrant les liens au sein de notre petit noyau familial de trois personnes.
Mon fils, qui aura bientôt 4 ans, a grandi en voyant mes parents, mon frère et mes nièces principalement grâce aux appels vidéo, et son sens de la géographie s’est développé à mesure que nous essayions de naviguer entre les différents fuseaux horaires pour organiser des réunions de famille. Zoom est le média où il a” fait connaissance” avec ses tantes, ses oncles et ses cousins, souvent pour la 1ère fois. Comme nous vivions déjà sur un continent éloigné de la plupart de nos proches et amis, les confinements, les fermetures et les interdictions de voyager n’ont fait qu’accentuer notre isolement, et il en a été de même pour le monde entier.
Vous avez envie de expliquer votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
Distanciation sociale et télétravail
Je suis originaire du Pakistan et j’ai souvent bougé au cours des vingt dernières années — pour mes études, pour mon travail, pour ma famille. Ce n’est que depuis que je me suis installée en France, il y a cinq ans, que je me considère comme une immigrée; chaque déménagement précédent était temporaire, ce qui me donnait l’impression d’être une citoyenne du monde (je me plaisais à le penser). Mais en France, j’ai dû apprendre une nouvelle langue. J’ai dû me réinventer professionnellement. En France, mon mari et moi sommes devenus parents. Nous avons acheté une maison. Et même si depuis, nous n’avons cessé de songer à partir, il est possible que nous acceptions l’idée de rester.
Aussi, lorsqu’on nous a dit de nous” distancier socialement”, mon mari et moi avons ri. En quoi cela pouvait-il modifier notre situation? Par ailleurs, nous travaillions déjà tous les deux à domicile. Un an auparavant, notre fils n’avait pas encore commencé l’école. Nous avions peu d’amis proches à Paris, et notre famille se trouvait loin — même les parents de mon mari vivent à l’autre bout du pays. Nous étions déjà accoutumés à rester entre nous et à vivre nos relations “réelles” avec nos amis et notre famille de manière virtuelle. Notre fils — trop jeune pour comprendre autrement — accepte cette vie sans camarades de jeu comme quelque chose de normal. Il accepte l’idée que de rendre visite à ses cousins aux États-Unis est tout aussi irréaliste que d’aller sur Mars (le voyage dans l’espace est sa dernière obsession). Les deux sont probablement possibles, mais qui peut dire quand?
L’immigration ne consiste pas seulement à créer une distance avec tout ce qui autrefois était proche. C’est un bouleversement profond de la vie, qui rend essentielle la nécessité de s’adapter pour survivre. Ceux qui en ont fait l’expérience savent combien il est difficile de faire ses valises et de s’installer dans un nouveau pays. Ils connaissent le déchirement de laisser derrière soi ses proches, sa langue natale, sa culture culinaire et ses traditions. Il y a deux générations de cela, mes grands-parents avaient pris la décision d’immigrer de l’Inde au Pakistan. Nous étions une famille comme tant d’autres qui ont grandi en écoutant les témoignages des difficultés — difficultés à bâtir une nouvelle vie, à recommencer, à s’intégrer. La difficulté de décider ce à quoi s’accrocher et ce qu’il faut abandonner.
Immigration et pandémie ne sont rien d’autre qu’un nouveau départ
Cette dernière année, nous n’avons pas bougé. Le monde a changé autour de nous, alors que nous sommes restés immobiles. Mais comme dans toute “bonne” histoire d’immigration, c’est notre capacité à nous adapter au changement qui déterminera où la pandémie et ses conséquences nous mèneront.
Ceux d’entre nous qui ont la chance de pouvoir attendre que la situation s’améliore sont probablement en train de faire exactement cela: attendre que la situation redevienne normale (ou du moins que l’incertitude disparaisse). Ils peuvent s’en réjouir. Mais les autres devront trouver des moyens de tirer le meilleur parti de ces nouvelles circonstances, et je les encourage à le faire. Je veux faire partie de ces personnes.
En tant qu’immigrants en série, nos vies avaient déjà connu de nombreux déracinements et changements. Chaque nouveau déménagement m’a obligé à repartir de zéro, et la pandémie n’est rien d’autre qu’un nouveau départ à l’échelle mondiale.
Être contraint de communiquer dans une nouvelle langue est un casse-tête, mais c’est aussi une ouverture sur un nouveau monde. Quand on ne trouve plus de Gulab Jamun nulle part, on apprend à les faire soi-même ou on se contente d’un éclair au chocolat.
Réécrire son parcours
Lorsque je suis arrivée en France, je ne pouvais plus me considérer comme une architecte malgré mes années de travail, car mon diplôme n’était pas reconnu ici. Cela a été un choc, mais après quelques échecs, j’ai pu réécrire mon parcours. Lorsque, quelques semaines après avoir quitté mon emploi pour lancer ma propre agence, la pandémie a mis le monde à terre, j’ai puisé dans ma débrouillardise, mes forces et mes compétences, et j’ai à nouveau réécrit mon parcours.
Chaque fois que vous changez le récit de votre vie, chaque réincarnation devient plus facile, plus naturelle, vos expériences passées deviennent la plateforme la plus évidente pour la suite.
Et quelle sera la suite? Ceux d’entre nous qui ont choisi d’immigrer se déplacent parce qu’ils espèrent que l’endroit où ils vont leur offrira une vie meilleure que celle qui est la leur. Alors que certains pays commencent à entrevoir le bout du tunnel de la pandémie, il est tentant de penser que la fin est proche. Cependant, n’oublions pas qu’il nous appartient de décider de la suite des événements et de la forme que prendra cette fin. Sera-t-elle l’occasion pour nous tous de repartir sur de nouvelles bases, de rebâtir une vie meilleure qu’avant? Je l’espère.
À voir également sur Le HuffPost: En Inde, la pénurie de bouteilles d’oxygène plonge le pays dans une crise majeure