Macron et les malfaiteurs imaginaires
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POLITIQUE — La France serait peuplée de malfaiteurs. À Rennes, en 2016, ils étaient 19 mis en examen pour “association de malfaiteurs” pendant le mouvement contre la loi travail. En 2020, dans l’Isère, ce sont 7 militants écologistes poursuivis sous cette appellation alors qu’ils protégeaient un jardin menacé par un projet immobilier. Les “associations de malfaiteurs” pleuvent sur les Gilets jaunes, à Toulon, à Nîmes, ou encore à Toulouse où un homme a été placé en garde à vue sur la base d’un “jeu de clefs” trouvé pendant un contrôle d’identité. À Bure, ce chef d’accusation s’abat sur 7 militants antinucléaires, dont le procès historique a débuté cette semaine.
L’inflation du recours au délit “d’association de malfaiteurs” accompagne la fuite en avant autoritaire dont le gouvernement Macron opère la forme liberticide la plus aboutie. Le candidat du système a trouvé l’outil commode pour criminaliser toute forme de contestation sociale et politique: pour lui, les malfaiteurs sont là où l’on défend une autre vision du monde que celle de la guerre de tous contre tous et de l’extension infinie du domaine marchand.
Une arme par excellence
Héritage des lois scélérates et de l’antiterrorisme, le délit “d’association de malfaiteurs” est devenu l’arme par excellence, suffisamment fourre-tout pour criminaliser des collectifs et sanctionner des intentions plutôt que des actes, au gré d’un arbitraire de l’administration et de la police. Dans le cas des mouvements sociaux, son usage est radicalement détourné de son objectif de lutte contre les “malfaiteurs” et ne fait l’objet de presque aucun contrôle de proportionnalité et de nécessité, alors même qu’il ouvre un arsenal colossal d’outils de surveillance policière et de mesures privatives de libertés.
À Bure, les moyens délirants déployés par l’État sont dignes du grand-banditisme voire de l’antiterrorisme: 20 perquisitions, une interdiction de territoire, 85 000 conversations et messages interceptés, 16 années cumulées de surveillance téléphonique, un escadron de gendarmes sur place au quotidien, une enquête dont le coût est évalué à 1 million d’euros… pour faire pression sur des militants opposés au projet Cigéo qui prévoit d’enfouir des déchets radioactifs et de polluer les sols pour des générations.
L’association de malfaiteurs a alors cette particularité de transformer un collectif de citoyens en organisation mafieuse, des militants associatifs en menaces pour l’intérêt général, et des écologistes en terroristes. Le recours systématique à ce chef d’accusation entraîne des constructions imaginaires insensées appliquées à des citoyens et citoyennes simplement engagées pour le bien commun.
Cette instrumentalisation de la police et de la justice à des fins politiques doit cesser
Nous, causementaires de la France insoumise, sommes fermement opposés à ce durcissement répressif qui ne vise qu’à démobiliser les mouvements pour l’intérêt général. Si leur objectif est de faire “réfléchir les suivants”, selon les termes du préfet Lallement au sujet des Gilets jaunes, c’est que nous faisons face à une stratégie claire de dissuasion de l’action militante. Cette instrumentalisation de la police et de la justice à des fins politiques doit cesser. Des militants écologistes, associatifs, syndicalistes, jusqu’aux militants antinucléaires de Bure, nous renouvelons notre soutien à toutes celles et ceux qui font l’objet d’un acharnement policier et judiciaire féroce pour n’avoir fait que défendre leurs idées.
Nous savons ce qu’il nous reste à faire. Construire ce monde où les véritables faiseurs de mal seront confondus et mis hors d’état de nuire: ceux qui empoisonnent nos terres, polluent l’air et l’eau, s’accaparent nos biens communs, appauvrissent la population, laissent le marché régir nos vies, et répriment à tour de bras celles et ceux qui, partout, luttent pour un monde plus habitable dans l’intérêt général humain.
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