Mani Kaul, le représentant de la Nouvelle Vague indienne, en 4 films
Vous aimez le cinéma indien. Vous connaissez Satyajit Ray et une poignée de films de Bollywood. Mais avez vous entendu causer de Mani Kaul ? Si ce n’est pas le cas, ne vous flagellez pas car ce grand cinéaste indien, également pédagogue, connu...
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Vous aimez le cinéma indien. Vous connaissez Satyajit Ray et une poignée de films de Bollywood. Mais avez vous entendu causer de Mani Kaul ? Si ce n’est pas le cas, ne vous flagellez pas car ce grand cinéaste indien, également pédagogue, connu des spécialistes, est encore, en France, un secret bien gardé.
Heureusement, pour changer la donne, quatre long métrages – Uski Roti (1969), Un Jour avant la saison des pluies (1971), Duvidha (1973), Nazar (1989) – signés par cet éminent représentant de la Nouvelle Vague indienne, sortent enfin sur nos écrans.
Uski Roti
Élève de Ritwik Ghatak, le plus fou et le plus expérimental des grands cinéastes indiens, disciple de Robert Bresson, Mani Kaul débute sa carrière à la fin des années 1960, avec un coup de maître, Uski Roti (Notre pain quotidien). Un film contemplatif, presque muet, avec un propos explicitement féministe, qui est une belle porte d’entrée à l’intérieur d’un cinéma à la fois social, poétique et radical. Dans cette histoire de couple, entre un homme toujours absent et une femme qui attend, le tout dans un village reculé, c’est moins le récit presque documentaire qui impressionne que la manière dont Kaul cadre les visages féminins comme autant d’énigmes et la syntaxe qu’il invente pour capturer l’invisible, multipliant les raccords étranges ou, en tout cas, inattendus, sans oublier une bande-son pleine de silences abstraits.
Un Jour avant la saison des pluies
Deux ans plus tard, Mani Kaul réalise un film étonnant, Un Jour avant la saison des pluies, adaptation d’une pièce de théâtre majeure, écrite par un certain Mohan Rakesh, pionnier de la littérature hindi moderne. Contrairement à Uski Roti, ici, c’est donc la parole qui est reine. Une parole noble et assez littéraire qui sied à des personnages qui semblent ancrés dans une écriture immémoriale. Le récit, dont on ne sait pas exactement à quelle époque il est situé, tourne autour de la relation entre un poète et une jeune femme, tous deux habitant·es du même village. Construit en trois actes, à l’image de la pièce dont il est adapté, le film, en forme de huis-clos, donne surtout l’occasion à Mani Kaul de peindre l’extraordinaire portrait d’une jeune fille partagée entre le sens du sacrifice et la liberté spirituelle.
La mise en scène, d’une grande élégance et d’une grande virtuosité, joue l’enfermement tout en échappant en permanence au théâtre filmé. Par sa hauteur de vue mêlée à une certaine trivialité et sa manière de prendre la poésie au pied de la lettre, Un Jour avant la saison des pluies anticipe, de quelques décennies, le Bright Star de Jane Campion. C’est le plus beau des quatre films de Mani Kaul qui nous sont offerts pour ce début d’année.
Duvidha
Les deux derniers, Duvidha et Nazar, sont sans doute un peu moins forts mais ils demeurent, malgré tout, passionnants. Presque entièrement en voix off, Duvidha est une fable dont l’argument est assez fascinant : un esprit prend possession du corps d’un homme pour le remplacer auprès de sa femme. Le problème, c’est que l’homme n’est pas mort mais seulement absent pour des raisons liées à son travail. Quand il rentre chez lui, après plusieurs années d’éloignement, il tente de chasser son double… Tout sauf illustratif, Duvidha offre une nouvelle preuve de l’inspiration poétique de Mani Kaul, mais sur un versant plus enfantin, celui du conte.
Nazar
Quant à Nazar, plus tardif, puisqu’il est millésimé 1989, c’est une nouvelle version de La Douce, nouvelle de Dostoïevski, déjà adaptée par Bresson, vingt ans plus tôt, dans Une Femme douce. En se mesurant à son maître français, le cinéaste indien prend le risque de lui être comparé. Même si ses mouvements de caméra sont d’une grande beauté et qu’il rejoint le propos féministe des trois autres films proposés, Nazar n’a pas le tranchant de l’inoubliable film de Bresson. C’est même une petite déception, surtout si on le compare avec les trois autres films de Mani Kaul évoqués auparavant.
Si la filmographie de Mani Kaul ne se réduit pas à ces quatre longs métrages – il a réalisé plusieurs documentaires et courts métrages expérimentaux -, la découverte de son cinéma austère et puissant est assurément l’événement cinéphile de ce début d’année 2023. Une découverte qui donne le sentiment de pénétrer de plain-pied dans un monde esthétique et spirituel d’une grande intensité. Comme un vrai cadeau qui nous est offert sur un plateau, un peu plus de dix ans après la disparition d’un cinéaste qu’il était vraiment temps d’identifier sur la carte du cinéma mondial.
Uski Roti (1969), Un Jour avant la saison des pluies (1971), Duvidha (1973), Nazar (1989) de Mani Kaul – en salle le 4 janvier 2023