Marc Levy : "La souffrance endurée ne vous donne pas des droits mais des devoirs"

Télé Star : Pourquoi votre père ne parlait-il jamais de ses actions de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale ?MARC LEVY : Papa était un homme très humble et dans son silence s'exprimait aussi son humilité. Quand j'ai écrit Les Enfants...

Marc Levy : "La souffrance endurée ne vous donne pas des droits mais des devoirs"

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Télé Star : Pourquoi votre père ne parlait-il jamais de ses actions de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale ?

MARC LEVY : Papa était un homme très humble et dans son silence s'exprimait aussi son humilité. Quand j'ai écrit Les Enfants de la liberté (2007), qui raconte son histoire, je lui ai demandé pourquoi il ne voulait pas en parler car j'aurais aimé savoir qu'il avait été un résistant, un héros. Avec un sourire, il a répliqué : "La seule chose dont je veux que tu te souviennes, c'est que j'ai été ton père."

Comment avez-vous réagi à ses propos ?

Je n'ai pas compris tout de suite. Mais plus tard, il m'a dit : "La vraie victoire est venue longtemps après la guerre. Ils nous ont pourchassés et destitués de nos droits. Ils nous ont torturés, enfermés, assassinés. Mais ceux qui ont survécu... nous n'avons pas survécu, nous avons vécu. Nous avons aimé, nous nous sommes mariés, nous avons fait des enfants. C'est ça, la vraie victoire. Jamais la haine n'a triomphé." Leur combat était contre l'envahisseur mais aussi contre la haine. Il y avait une vraie conscience humaine et politique dans leurs actions.

Comment vous sentiez-vous en découvrant tout ce qu'il avait fait ?

Impressionné, admiratif, ému. Quand je menais les recherches pour mon livre, émotionnellement, c'était difficile de mettre en scène un personnage qui était mon père, qui avait l'âge qu'avait alors mon fils aîné. Décrire la souffrance, la faim, la torture, l'emprisonnement, la peur, le désespoir. Plus d'une fois, j'ai été dévasté parce que je n'imaginais pas qu'il avait autant souffert. Parce que tout à coup, je comprenais l'origine d'une de ses cicatrices.

Parmi les valeurs qu'il nous a transmises, il y a celle que la souffrance endurée ne vous donne pas des droits mais des devoirs. Notamment le devoir de protéger tout autre à venir de la souffrance que vous avez vous-même subie. Je me suis senti très responsable de la souffrance qu'il avait endurée pour que je sois un homme libre. De ce que cela impliquait au niveau des risques à prendre, de l'engagement sociétal.

Que pensez-vous de la jeunesse d'aujourd'hui ?

Je la regarde avec beaucoup d'amour, d'admiration. Je suis fasciné par sa résilience, son intelligence, son universalité. J'ai simplement envie de lui dire de faire attention. Le plus grand mensonge de ces vingt ou trente dernières années est de nous faire croire que la démocratie est acquise. Que les gens trouvent qu'ils ont mieux à faire que d'aller voter est un signe d'une grande maladie de la démocratie. Il faut que cette jeunesse se soucie de cette démocratie qui est si fragile. Quand je vois mon fils cadet de 10 ans, je n'ai aucune certitude qu'il vivra sa vie entière dans une démocratie. Et compte tenu du passé de son grand-père, c'est quelque chose qui me fâche d'autant plus.

*Le nouveau livre de Marc Levy,Le Crépuscule des fauves, paraît le 2 mars aux éditions Robert Laffont.

Été 44 : un train pour l'enfer © CAPTURE D'ÉCRAN DOCUMENT RMC Été 44 : un train pour l'enfer © Agence / Bestimage Été 44 : un train pour l'enfer © Guillaume Gaffiot/Bestimage Été 44 : un train pour l'enfer © Pierre Perusseau / Bestimage Été 44 : un train pour l'enfer © RINDOFF-JACOVIDES / BESTIMAGE Été 44 : un train pour l'enfer © CEDRIC PERRIN / BESTIMAGE