“Menus-plaisirs Les Troisgros” : Frederick Wiseman dans l’un des plus grands restaurants du monde
Quel enfant francophone n’a pas ri en apprenant que la famille la plus célèbre de la grande cuisine française s’appelle Troisgros ? César et Léo Troisgros, fils de Michel, petit-fils de Pierre, arrière-petits-fils de Jean-Baptiste Troisgros,...
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Quel enfant francophone n’a pas ri en apprenant que la famille la plus célèbre de la grande cuisine française s’appelle Troisgros ? César et Léo Troisgros, fils de Michel, petit-fils de Pierre, arrière-petits-fils de Jean-Baptiste Troisgros, limonadier originaire de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), fondateur du 1er restaurant Troisgros à Roanne (dans la Loire) avec son épouse, en 1930, sont donc la quatrième génération de chefs de cuisine à porter haut leur nom, puisque le restaurant a trois étoiles au guide Michelin depuis près de six décennies. Un record !
Frederick Wiseman, Américain grand amateur de cuisine, pose une nouvelle fois sa caméra au milieu d’une institution comme il les aime (ici, le mot doit être pris au sens figuré). Et il filme tout : les discussions, les commandes, les cuisiniers qui s’affairent dans la vaste cuisine moderne du restaurant-vedette des Troisgros, qui ont abandonné le centre de Roanne pour Ouches, il y a six ans, pour y ouvrir Le Bois sans feuille dans la campagne, les serveurs et chefs de rangs, les femmes de ménage de la partie hôtel, la réceptionniste, les clients, les discussion avec le sommelier, avec les viticulteurs, les producteurs de vaches à viande, les affineurs de fromages, les maraîchers, les apprenti·es qui vont cueillir telle fleur (du sureau) dans le jardin, etc. Tout vous dis-je (en dehors de la plonge, en fait).
Une chorégraphie millimétrée
Et que voit-on ? Des professionnel·les de très très haut niveau, qui sont tous passionnants, passionnés. Un monde ultra-organisé où chacun sait quelle est sa tache, connaît son domaine. Où le chef-sommelier connaît tous les accords mets-vins par cœur (le prix des grands crus font peur…), où tout est cuisiné et dressé avec minutie, de la cuisine à la salle du restaurant (il faut voir avec quelle précision, au millimètre près, les serveur·ses mettent la table), où les chef·fes de salle savent mettre les client·es à l’aise, les aider dans leur choix, car ils et elles connaissent sur le bout des doigts le goût des recettes proposées et la façon dont elles sont concoctées par les chefs. Cent fois l’on voit Michel, l’actuel patriarche (il a, depuis, laissé la main à ses deux fils), sur son métier remettre son ouvrage, rediscuter telle ou telle recette, remettre en cause tel ou tel plat, telle ou telle cuisson, telle quantité de piment dans la sauce, enguirlander gentiment (on ne crie pas, chez les Troisgros, ou bien pas quand il y a un cinéaste), un jeune cuisinier qui a commis une erreur en préparant des cervelles d’agneau sans respecter les règles de l’art.
Comme à son habitude, Wiseman n’intervient jamais, ne propose aucune entrevue, ne dit jamais qui est qui (on le comprend très rapidement) et enregistre (images et sons impeccables) ce qui se déroule sous ses yeux avec une acuité sans faille. Tant de perfection laisse un peu baba (au rhum). Et l’on comprend mieux ce que signifie, vue de près, l’excellence de la gastronomie française – on se dit que le ministère du tourisme devrait ce réjouir de l’existence de ce film, magnifique publicité pour notre pays.
Mais, comme dans toute institution, on peut aussi trouver ce monde de spécialistes ultra-sélect, où la tradition impose ses lois, un peu étouffant – même si, reconnaissons-le, le film montre à quel point les agriculteur·ices cherchent toujours à améliorer leurs techniques et commencent à s’adapter au déclin climatique, à quel point aussi les cuisinier·ères s’inspirent des cuisines d’autres pays (Michel a été très influencé par le Japon).
Reste une question, que nous posons avec un petit peu de malice mais sans méchanceté : qui fait la vaisselle ?