Metoo et MetooInceste: les victimes brisent le silence, aux pouvoirs publics d'agir!

Les victimes de violences sexistes et sexuelles ont pris la parole depuis des années déjà. À présent, la société écoute mais il incombe aux pouvoirs publics d’agir, en particulier en cette période de crise sanitaire, où les restrictions ont...

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Manifestation à l'appel du mouvement #IwasCorsica contre la violence et les agressions sexuelles envers les femmes à Ajaccio, en Corse, le 5 juillet 2020. (Photo by PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP via Getty Images)

Les victimes de violences sexistes et sexuelles ont pris la parole depuis des années déjà. À présent, la société écoute mais il incombe aux pouvoirs publics d’agir, en particulier en cette période de crise sanitaire, où les restrictions ont renforcé l’emprise des agresseurs, l’isolement et la vulnérabilité des victimes. 

Contrairement à ce que tentent d’instiller les tenants de la droite et de l’extrême droite, dont les discours semblent parfois inspirés des théories conspirationnistes de type QAnon, aucun milieu, aucun parti, n’est épargné. Au contraire, lorsque aucune violence sexiste et sexuelle n’a été révélée dans un groupe social, c’est que la parole n’y est pas encore libre! 

Seule une loi-cadre, accompagnée de moyens à la hauteur, permettrait de combattre efficacement ces violences commises contre les femmes et les enfants que le gouvernement ne peut continuer à traiter de manière distincte. Car faute de vision politique d’ensemble, on en revient à nier le caractère systémique des violences patriarcales. 

 

Comme les gestes de 1er secours, il s’agit ici aussi de sauver des vies.

 

En France, chaque année, au moins 94.000 femmes de 18 à 75 ans déclarent avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol et au moins 165.000 enfants sont victimes de violences sexuelles. 10% de la population déclare avoir été victime d’inceste. 

Notre société a enfin pris conscience de l’utilité d’une prise en charge pluridisciplinaire, dès le stade crucial du primo-accueil, nécessitant une formation au recueil de la parole et à l’orientation des victimes pour tous les acteur·rices concernés. 

Comme les gestes de 1er secours, il s’agit ici aussi de sauver des vies. En plus d’y mettre les moyens, il faut adopter une démarche qualitative, de long terme, concertée, coordonnée, au contraire de la stratégie gouvernementale depuis #Metoo. 

En effet, comment faire progresser la cause des femmes et des enfants victimes, tout en ayant supprimé dans le même temps l’ONDRP, qui permettait d’obtenir des estimations fines des violences sexuelles? Comment lutter efficacement contre les violences faites aux femmes en l’absence de plan interministériel depuis 2019? Tout en annonçant les ériger en grande cause, ces gouvernements ont détruit la majeure partie des dispositifs nationaux de lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui auraient dû à l’inverse être renforcés et développés. Ce jeu de dupes doit cesser. 

Le droit doit évoluer, en entérinant la transition féministe de la société: 

Lorsqu’il s’agit d’une victime mineure, il faut considérer qu’il existe toujours un rapport déséquilibré avec un agresseur majeur, invalidant la possibilité même de consentement. Fixer un seuil d’âge à 15 ans est une nécessité pour développer qualitativement la législation, coïncidant avec le seuil de la “majorité sexuelle” et du passage au lycée, sachant que l’âge du 1er rapport sexuel reste stable en France autour de 17 ans. 

La culture et les pratiques de la chaîne judiciaire doivent évoluer: 

Le chemin reste ardu, comme en témoigne l’arrêt rendu par la Cour de Cassation dans l’affaire dite “Julie”. Le seul changement législatif serait insuffisant et doit s’accompagner d’un renouvellement de la culture et des pratiques judiciaires en matière de violences sexistes et sexuelles. Par exemple, les magistrat·es devraient davantage concentrer leurs appréciations sur les stratégies de l’agresseur, plutôt que sur le comportement de la victime. Ce développement des bonnes pratiques doit concerner, sans exception, l’ensemble de la chaîne judiciaire.

Si une transition féministe passe par une réponse judiciaire adaptée au caractère massif et systémique de ces violences, n’envisager que le volet répressif resterait insuffisant. La transition féministe doit passer par des mesures de prévention renforcées: 

Un suivi obligatoire et régulier doit être rétabli dans les 1ères années de la vie au niveau des PMI et des pédiatres, afin de ne pas laisser des enfants en danger, sans aucune surveillance médicale dès la sortie de la maternité. 

Des procédures d’alerte obligatoires, systématiques, rapides et coordonnées doivent être mises en place en urgence. Selon l’association “Face à l’inceste”, seules 5% des informations préoccupantes sont faites par les professionnel·les de santé, amenant à interroger leur formation et les clauses de conscience qui conduisent trop souvent à laisser des mineur·es seul·es et en danger. 

Vu l’étendue des traumatismes, toutes les victimes doivent accéder immédiatement et gratuitement aux soins en psychotraumatologie et bénéficier des mêmes droits en santé mentale que les victimes d’attentats. 

Une véritable éducation à la vie affective, et non seulement à la vie sexuelle, doit être dispensée par l’Éducation nationale, renforçant un virage culturel global en termes de prévention, et réduisant les risques de passage à l’acte. Nous rejetons cette vision de droite qui moque les politiques sur le genre et l’égalité, alors même qu’elles sont essentielles à ce changement profond. 

 

Un milliard par an est nécessaire pour lutter contre les violences faites aux femmes. Au minimum un autre milliard serait requis pour protéger les enfants des violences sexuelles.

 

Pour répondre à ces objectifs, il faut des moyens à la hauteur et une coordination nationale: 

Les services publics et les associations n’ont plus les moyens de faire face à l’ampleur des besoins, impactant gravement l’orientation et la prise en charge des victimes. 

Comme l’a proposé une récente étude de la Fondation des femmes, une partie des fonds de relance doit être consacrée à porter une transition féministe. Nous pensons qu’il doit en être de même pour une politique de protection de l’enfance d’ampleur conçue dans une même vision au moyen d’un plan national. 

Tous les rapports sérieux, à commencer par celui du HCE, l’ont rappelé: au minimum, un milliard par an est nécessaire pour lutter contre les violences faites aux femmes. À cet égard le Grenelle des violences conjugales a été une occasion manquée. À n’en pas douter, au minimum un autre milliard serait requis pour protéger les enfants des violences sexistes et sexuelles. Entre cadeaux aux entreprises et évasion fiscale, on peut les trouver: c’est un choix politique! 

Les responsables politiques ont l’immense responsabilité d’agir pour en finir avec l’impunité des agresseurs et la mauvaise prise en charge des victimes. Nous ne nous résignerons pas.

 

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