#MeTooGay : pourquoi la parole a eu tant de mal à se libérer
VIOLENCES SEXUELLES - Abus sexuels, agressions sexuelles, viols... Depuis la soirée de jeudi 21 janvier, des centaines de témoignages d’hommes gays lèvent le voile sur les violences sexuelles qu’ils ont subies.Un récit en particulier a mis...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
VIOLENCES SEXUELLES - Abus sexuels, agressions sexuelles, viols... Depuis la soirée de jeudi 21 janvier, des centaines de témoignages d’hommes gays lèvent le voile sur les violences sexuelles qu’ils ont subies.
Un récit en particulier a mis le feu aux poudres, celui d’un jeune homme accusant le conseiller de Paris Maxime Cochard et son conjoint, tous deux adhérents du PCF, de viol et agression sexuelle. Propos que ces derniers ont démenti, dénonçant une “accusation totalement fausse”.
Mais, à la suite de ce témoignage, qui ne s’est pas accompagné pour le moment d’un dépôt de plainte, de très nombreux hommes gays et bisexuels se sont saisis du hashtag #MeTooGay pour témoigner de violences sexuelles. Des récits plus douloureux les uns que les autres, qui rassemblent à l’heure actuelle plus de 10.000 tweets.
#MeTooGay, i guess…
— Anthony Vincent (@AnthonyVnct) January 21, 2021
À 16 ans, c'était l'un de mes meilleurs amis.
À 21, c'était mon petit-ami qui refusait mes "non".
À 26, c'était un plan cul qui m'a fait le combo violence, contrainte et menace.
Et #MeToo tout court, en fait.
Parce que ce sont des violences patriarcales. https://t.co/hV1NYDJkwD
J'ai connu 4 viols : le premier à 8 ans, le second à 16, le troisième à 18 ans et demi pour me punir d'être gay, le dernier à 21. On le vit avec résilience comme si c'était un accident parmi d'autres. Or, ça n'en est jamais un, même si vos proches disent l'inverse. #MeTooGay
— Jacques de Bascher (@tobiaslmr) January 22, 2021
J'avais 10 ou 11 ans. On ne m'a pas cru quand je l'ai dit. Ca a en partie flingué mon adolescence et ma famille, retardé mon coming out de je-sais-pas-combien d'années. Il m'a fallu des années pour pouvoir en reparler. #MeTooGay#MeToo
— Matthieu Foucher ????????♂️ (@MatthieuFoucher) January 21, 2021
Une parole qui attendait d’être libérée
Si ce mouvement prend autant d’ampleur aujourd’hui, il semblait aussi attendu. En septembre dernier, dans une enquête sur le sujet réalisée par le journaliste Matthieu Foucher, on pouvait y lire cet appel de Jean-Baptiste, 26 ans: “J’ai envie que le #MeToo gay existe, qu’on se pose et qu’on parle de nos violences sexuelles, en dialogue avec les féministes tout en réfléchissant depuis nos propres vécus”.
Quelques semaines plus tôt, un témoignage, celui d’Aniss Hmaïd, venait rappeler que la parole des hommes à ce sujet était rare. Celui-ci, âgé alors de 46 ans, accusait dans le New York Times l’ex-adjoint à la maire de Paris Christophe Girard de viol. Classée sans suite depuis du fait de la prescription, cette affaire a aussi participé à une prise de conscience.
Si l’on y ajoute certaines affaires comme celle ayant éclaboussé l’acteur Kevin Spacey, un terreau fertile à un #MeTooGay commençait à voir le jour.
“Ce n’est pas le début de la prise de parole, qui a commencé ces deux dernières années, mais elle était prête à prendre cette ampleur”, note Sébastien Chauvin, auteur de “Sociologie de l’homosexualité”, contacté par Le HuffPost.
Pour ce sociologue et professeur associé à l’université de Lausanne, plusieurs raisons peuvent expliquer cette prise de parole massive. “Elle émerge dans des milieux plus préparés à donner une résonance à de telles accusations [celles contre Maxime Cochard et son conjoint, NDLR]. Tout d’abord, le PCF lui-même a tout de suite réagi. Ensuite, il s’agit ici d’un milieu militant, habitué à avoir un regard critique sur lui-même. Si l’on y ajoute l’infrastructure, avec des personnes concernées très connectées, tout ceci peut expliquer pourquoi #MeTooGay a pris de l’ampleur et est devenu collectif”, explique-t-il.
Surexposition aux violences sexuelles
Le parallèle avec le mécanisme de libération de la parole sur l’inceste est difficile à ne pas établir. À peine une semaine plus tôt, et quelques jours après qu’a éclaté l’affaire Olivier Duhamel, une vague de témoignages de victimes d’inceste déferlait sur les réseaux sociaux, partant d’une accusation particulière pour y agréger des dizaines, centaines, milliers d’autres.
Mais le #Metoogay constitue, selon Sébastien Chauvin, un ”événement incontestable”. ”À travers ces témoignages, la question des violences sexuelles dans le milieu gay s’autonomise en partie des agressions homophobes, mais aussi des violences pédophiles et incestueuses”, souligne-t-il.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’un grand nombre de témoignages de victimes homosexuelles auraient pu être, en quelques sortes, noyées dans d’autres mouvements, notamment le #MeTooInceste. “D’après la recherche anglo-saxonne, la part des hommes gays et bisexuels déclarant avoir été abusés sexuellement pendant leur enfance varie entre 15,5% selon une étude de 1997, 39,7% selon une autre de 2009 et jusqu’à 46% d’après une de 2015″, notait Matthieu Foucher sur Vice. Les personnes LGBT sont “surexposées aux violences sexuelles et physiques” intrafamiliales, note pour Vice Christelle Hamel de l’Institut national d’études démographiques, responsable de l’étude Virage sur les violences de genre et intrafamiliales, publiée en avril 2020.
Elles sont aussi à distinguer des agressions directement liées à l’homophobie. Ici, il s’agit bien de violences “internes”, parfois même au sein d’un couple d’hommes.
Dénonciation des violences patriarcales, mais pas que
Pour autant, les violences décrites dans les différents messages publiés sur Twitter sont d’une certaine manière la suite logique des précédentes vagues de témoignages, dans le sens où elles peuvent aussi être décrites comme des violences patriarcales, même si elles ne s’y réduisent pas.
“Il est important de préciser qu’il s’agit de violences patriarcales, et que les gays ont appris à les reconnaître comme telles, auprès des femmes ayant témoigné pour #MeToo. Mais attention à ne pas en faire une manière de se dédouaner, de ne pas se remettre en cause. Ce droit à la sexualité masculine, qui primerait même contre d’autres hommes, peut être lié aux violences patriarcales, mais il ne s’y réduit pas”, explique Sébastien Chauvin, faisant référence notamment aux violences au sein même du couple.
Reste que les chiffres de l’étude Virage de l’Ined sont éloquents: par rapport aux hétérosexuels, les hommes gay sont surexposés aux violences sexuelles. Au cours de leur vie, respectivement 6% et 5,4% des jeunes hommes gay et bisexuels ont subi des violences sexuelles, contre 0,5% des jeunes hommes hétérosexuels.
Honte et stigmatisation
La vague aurait donc pu déferler bien plus tôt. “Si les victimes sont si nombreuses, pourquoi un tel silence?”, s’interrogeait ainsi Matthieu Foucher. Ce à quoi il apportait de nombreux éléments d’explication: la honte, la crainte de stigmatiser une communauté qui l’est -trop souvent- déjà, la difficulté de construire son identité en tant que gay après avoir subi de telles violences.
Sébastien Chauvin ajoute à cela que “MeToo a problématisé la question du consentement comme celle d’une injonction à un homme envers une femme, ce qui a pu expliquer à ce moment que la question des violences sexuelles entre hommes ne se soit pas posée. L’idée d’un désir masculin irrépressible, contribuant à légitimer la culture du viol chez les hétéros, a contribué à compliquer la pensée du non-consentement chez les gays”, analyse-t-il.
À cela s’ajoute le fait que ces témoignages dénoncent des comportements au sein d’un même groupe. “Alors que les femmes se sont exprimées en tant que victimes collectives, ici, au sein d’un même groupe, on retrouve des victimes et des agresseurs, ce qui complexifie la prise de parole”, poursuit-il.
Ce #MeTooGay est entendu, et écouté. Les messages de soutien se multiplient depuis jeudi soir, au sein comme en dehors de la communauté.
Je lis ce soir, le cœur serré, les tweets #MeTooGay. On se sait. On est ensemble. Nous, féministes, devons faire collectivement mieux pour accueillir vos paroles. On vous voit aussi les homophobes & fermez vos grandes bouches. Ces violences sont des violences hétéro-patriarcales.
— clémence allezard (@CAllezard) January 21, 2021
Il faut du courage pour témoigner. Certains le trouve ce soir, pour d’autres ce sera plus tard. La question du consentement est centrale. Non, c’est non. Il faut que ça change... #metoogay#MeToo
— Nils Wilcke (@paul_denton) January 21, 2021
Aux milliers de témoignages #MeTooGay depuis hier soir : plein soutien.
— ???????? MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) January 22, 2021
Si vous le souhaitez, des policiers, gendarmes et psychologues sont disponibles pour vous via https://t.co/7LUx3IDHAD 24h/24.
Nous sommes de votre côté.
Aucune violence sexuelle n’est excusable !
Nous vous croyons.
— #NousToutes (@NousToutesOrg) January 22, 2021
Vous n'y êtes pour rien.
C'est lui le coupable.
Soutien total, votre courage est immense !#MeTooGay
“Après ce #MeTooGay, on ne pourra plus remettre en cause un viol commis sur un homme comme avant. Décrire de telles agressions, les entendre, les accepter, a cette conséquence”, note Sébastien Chauvin. Et ce d’autant plus que l’homosexualité devient moins stigmatisée. “Lorsque l’on est dans le placard en tant que gay, se dire victime, c’est en même temps faire son coming out. Plus il sera facile de faire son coming out, plus on pourra se dire victime.”
À voir également sur Le HuffPost: Geneviève Garrigos milite sur un seuil d’âge pour le non-consentement