MorMor : “Dans la musique, il y a quelque chose de la transcendance”
Après deux EP qui nous avaient laissés complètement pantois (Heaven’s Only Whishful en 2018 et Some Place Else en 2019), le musicien originaire de Toronto s’est acheté tout le temps nécessaire pour maturer son 1er véritable album : Semblance,...
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Après deux EP qui nous avaient laissés complètement pantois (Heaven’s Only Whishful en 2018 et Some Place Else en 2019), le musicien originaire de Toronto s’est acheté tout le temps nécessaire pour maturer son 1er véritable album : Semblance, un titre qui contient toute l’ambivalence de ce disque élaboré en partie en soliste pendant le confinement. Entretien avec MorMor, le musicothérapeute rêvé pour la saison.
Comment te sens-tu à l’aube de la parution d’un 1er album que tu as mis autant de temps à sortir ?
Je n’ai jamais été aussi excité. Je pense qu’avec les deux 1ers projets, j’étais toujours en train d’expérimenter des choses, avec des sons et des textures différents. Préventivement, je voulais faire un nouvel EP avant de passer à l’étape du 1er album, je voulais me découvrir un peu plus avant mais ça a fini par devenir un album à part entière.
Quel est ton processus créatif ?
J’avais loué une maison et amassé beaucoup d’équipement sur une longue période. On a fini par installer le studio dans le salon avec mon ingénieur qui venait de New York. Et ensuite, la pandémie est arrivée, tout a fermé, et je me suis retrouvé seul pour gérer la majorité de l’enregistrement.
Cela s’est déroulé comment ?
Au début, j’ai écrit beaucoup de musique parce que j’avais un ingénieur du son avec moi. J’étais à un point de ma carrière où je ne voulais plus être obnubilé par l’ordinateur et juste m’occuper du processus créatif. Quand je me suis retrouvé seul, c’était moins consistant, moins inspiré. Je me suis recentré pour faire de la musique de manière à me soigner. Je créais des paysages musicaux au piano, pas forcément dirigés par l’idée de faire un album mais juste pour créer de la musique et du son.
Comment tu as géré l’isolation, toi qui en as souvent vanté les mérites en entrevue ?
À certains égards, c’est comme si j’avais été préparé pour ça. (Rires) Mais quand tu es forcé à l’isolation, quand on t’interdit même de mettre un pied dehors, c’est différent et compliqué. Je pense donc que j’ai eu besoin de voir le positif dans ce confinement, ça a altéré mon style d’écriture : moins de métaphores, plus direct.
Est-ce que ton indépendance te tient à cœur ?
Je ne pense pas que ce soit quelque chose que je considère. J’ai réalisé que cette indépendance se dévoile d’elle-même. Pour des choses très spécifiques comme le mixage, faire huit à dix versions, je chéris l’autorité que j’ai sur ma musique mais j’aime aussi la collaboration. Quand j’ai commencé, tant de choses étaient nouvelles pour moi à ce moment que j’étais très prudent. Maintenant que je suis intriqué avec elle, je pense que j’ai plus confiance en l’industrie musicale qu’auparavant.
Sur Semblance, j’ai l’impression que tu es complètement autarcique. Que la seule musique qui t’as inspiré c’est celle de tes précédents EP ?
Peut-être que c’est le cas avec tous mes projets. Mais sur Semblance, la chose dont j’étais le plus sûr c’est que je voulais être plus direct et vulnérable dans mes paroles. Ma seule envie c’est de pouvoir écouter ma propre musique. L’idée c’est d’emmagasiner des choses constamment. Quand je commence à enregistrer, chaque chanson ressemble à ce que je ressens à ce moment précis. Je ne fais pas ça à dessein : “Oh, je vais faire une chanson dans le style des Beatles !”
Si tu n’as pas d’influences directes, est-ce qu’il y a un·e artiste qui t’inspire dans sa manière de travailler ?
Ma plus grande inspiration, et je cause sur tout le spectre des artistes, musicalement, visuellement, en terme de mode même, c’est Björk. Sa manière de faire de la musique, son développement. Récemment, je pense que s’il fallait suivre les pas d’une seule artiste pour sa constance, pour sa vision propre, c’est elle.
Ton rapport au temps tient une place particulièrement importante aussi sur le disque.
Je n’étais pas conscient de ce thème au moment de faire le disque. Ça doit partiellement venir de la pandémie, d’avoir autant de temps. Ce n’était pas seulement l’idée d’imaginer ce qui adviendra mais aussi un renouvellement de ce qu’étaient mes buts dans la vie, dans la musique, ce qui était important pour moi. Toutes les fois où je faisais référence au temps, ça arrivait dans des freestyles avant que je n’écrive vraiment. Le mot “time” y revenait souvent. C’était là, quelque chose qui me travaillait, qui était présent dans ma vie.
D’où vient le titre Semblance ?
Je ne me rappelle plus quand je suis tombé dessus mais c’est immédiatement devenu le titre. Ça va vraiment avec la définition du dictionnaire, “la forme apparente de quelque chose qui est en fait différente”. Pour moi, ça englobait véritablement le Zeitgeist du monde dans lequel on vit. On se présente toujours comme quelque chose notamment sur les réseaux sociaux. Et je pense que cette idée de nous-même, la façon dont on s’interprète à travers ce medium est souvent différente de ce que nous sommes vraiment. Dans le cadre du songwriting, lorsque tu génères un peu d’attention, les gens vont forcément avoir leur propre interprétation quand bien même ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Et je trouve ça très intéressant car à travers ce processus, j’ai réalisé à quel point – même si la musique est thérapeutique – je voulais être compris à travers ma musique. (Rires)
Tu penses que la musique est la seule manière de faire ta thérapie ?
C’est l’un des endroits les plus faciles pour m’exprimer. Je ne saurais pas mettre le doigt dessus, mais la musique me donne accès à une sorte de subconscient que les autres choses ne m’offrent pas. La musique est vraiment thérapeutique de cette manière, elle te dévoile des choses dont tu aurais pu ne jamais te rendre compte. Je suis passé par plusieurs périodes où je faisais de la musique, mais j’ai remarqué seulement récemment que je pouvais passer deux mois en faisant de la musique tous les jours et un mois en ne faisant rien du tout. Quand je commence je deviens obsédé à l’idée de continuer. Mais je ne sais pas pourquoi je commence ni comment j’arrête. C’est quelque chose que j’aime, mais ce n’est pas un endroit auquel j’ai toujours accès.
À quoi tu lies ce sentiment ?
D’aussi loin que je me souvienne la musique m’a toujours transporté dans un ailleurs. Ça me fait ressentir une sorte de paix. La musique peut te toucher de manières tellement différentes. Selon moi, il y a quelque chose de la dissociation peut-être, de la transcendance. Quelque chose de sacré d’une certaine manière. Ça me permet de gérer avec mes sentiments, interpréter des choses d’une manière tellement différente. Comme regarder par la fenêtre d’une voiture. En fonction de la chanson, cela changera ta manière de voir. J’ai toujours été obsédé par la manière dont la musique peut altérer ton interprétation de certaines expériences de ta vie.
Propos recueillis par Théo Dubreuil
Semblance (Don’t Guess/AWAL). Sorti le 4 novembre.