Mostra de Venise 2021 : pluie de grands noms sur la 1ère journée du festival

C’est au terme d’une journée à cinq séances et onze heures totales de projection que nous écrivons ces lignes : il ne fallait pas passer à côté de l’entrée en matière très épaisse concoctée par la Mostra pour son 1er tour d’horloge, en sachant...

Mostra de Venise 2021 : pluie de grands noms sur la 1ère journée du festival

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C’est au terme d’une journée à cinq séances et onze heures totales de projection que nous écrivons ces lignes : il ne fallait pas passer à côté de l’entrée en matière très épaisse concoctée par la Mostra pour son 1er tour d’horloge, en sachant que les têtes d’affiches seront un peu moins collées-serrées dans les prochains jours.

Un visage omniprésent truste cet embouteillage, et tant mieux car c’est celui d’Oscar Isaac, qui décline dans ses grandes largeurs sa panoplie de jeu entre son sex-appeal de dad next door grisonnant (Scènes de la vie conjugale), son versant glacial et assassin (The Card Counter) et son aura intacte d’icône galactique (Dune).

Produit par HBO, showrunné par le grand-mestre de la série israélienne Hagai Levi (BeTipul) et présenté hors compétition à Venise, Scènes de la vie conjugale reprend comme son nom l’indique le canevas de la série d’Ingmar Bergman, en offrant à Isaac le rôle de Johan, renommé Jonathan, et à Jessica Chastain celui de Marianne, renommée Mira. Encore que pas tout à fait : bien que le 1er plan fasse apparaître une Chastain totalement livullmannisée, la suite nous montrera que Levi s’est amusé à redistribuer beaucoup de cartes entre ses personnages féminin et masculin, qui ne sont que des héritiers très hybrides de leurs homologues suédois.

S’aimer, se séparer

C’est d’ailleurs le principal intérêt de ce remake, confortable et duveteux comme un cottage de location hivernale, et sans doute un peu trop pour ne pas souffrir de la comparaison avec des contemporains plus à vif tels que Marriage Story ; mais assez inspiré et pertinent dans ce qu’il choisit de déplacer chez son modèle bergmanien. Alors que Marianne et Johan s’enorgueillissaient de participer à une levée des tabous sur la sexualité ou l’avortement, cette nouvelle version fait plutôt entrer dans l’intrigue des questions de polyamour ou de fluidité de genre, pour au fond expliquer la même chose : un couple classique qui s’imagine moderne, ou l’inverse, qui se prend les pieds dans la révolution domestique de son époque, rattrapé par le refoulé, et par des raisons vieilles comme l’amour de se disputer et de se séparer.

>> À lire aussi : “Marriage Story” : de l’adoration amoureuse à l’amertume du divorce

Nettement moins instagrammable, The Card Counter est la démonstration de force de cette 1ère fournée. Confirmant la placidité formelle et la spiritualité torturée de son beau First Reformed, Paul Schrader bande quelque peu les muscles autour d’un personnage de repris de justice maniaque et taiseux – du genre autiste goslingien –, menant une existence métronomique qui ne connaît que deux lieux : le motel, la table de blackjack. Tic, tac, tic, tac, jusqu’à l’arrivée d’un étrange post-ado (Tye Sheridan), qui va lui rappeler de douloureux souvenirs militaires, et lui donner envie de changement, ou de vengeance, ou de salut, ou d’un peu tout cela à la fois. Si l’intrigue du film ondoie près des eaux du thriller, c’est plutôt son territoire qui compte : une Amérique intérieure, anonyme, vulgaire et triste, qui était déjà celle de First Reformed et met sur le métier de Schrader un art de la limbe, du purgatoire terrestre, qui épouse une diagonale du vide et ne vient plus du tout se réchauffer à la photogénie des grandes villes côtières.

Masculinité toxique

Jane Campion de son côté adapte Le Pouvoir du chien de Thomas Savage, venant donner un peu de son écho aux post-westerns antivirilistes de Kelly Reichardt (La Dernière piste, et First Cow qui sortira enfin en salle en octobre). Autour de la rivalité sourde de deux frères ranchers du Montana des années 1920 (un aîné brutal et tyrannique, et son cadet plus calme, aspirant à un mariage harmonieux et à une respectabilité), la réalisatrice de La Leçon de Piano dresse avec une frontalité assumée le procès de la masculinité toxique du temps des gunslingers, et s’amuse à débusquer tous les placards et les non-dits du genre.

Forcément, c’est un festin : cow-boys s’ébrouant nus dans l’eau des rivières, “amis” vraiment très amis, gestes fermiers forts suggestifs et autres leçons d’équitation composent une relecture homoérotique et tragique de la masculinité western, qui vient aussi se greffer au goût de Campion pour les personnages de brutes épaisses cachant plus ou moins bien leur grâce secrète. On regrettera tout de même un certain excès de littéralité dans l’approche, surtout dans le dernier acte qui vient quelque peu marteler ce qu’il n’était plus vraiment nécessaire de répéter.

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Paolo Sorrentino, enfin, passe à la case autobiographique avec La Main de Dieu, qui décrit son adolescence napolitaine protégée par une famille nombreuse et haute en couleur, frappée par un drame ignoble (le double décès de ses parents, intoxiqués au monoxyde de carbone), le tout sous le patronage magique de Diego Maradona, à qui il doit la vie (il se trouvait au stade pour le voir au moment de l’accident domestique mortel). Souvent drôle, parfois touchant, le film laisse espérer ici et là une semi-réussite plus tendre que d’ordinaire, mais l’auteur se laisse vite rattraper par ses réflexes vulgaires, provocateurs et dégradants, notamment vis-à-vis des femmes (un défilé de trophy wives court vêtues), mais aussi du bourgeonnement de son art (“pour faire du cinéma, il faut des couilles !”).