Mostra de Venise : Adam Driver en papa déboussolé, Shia LaBeouf halluciné et Timothée Chalamet anthropophage
C’est au cinéaste Noah Baumbach que le soin d’ouvrir la 79e édition de la Mostra de Venise a été dévolu. Avec White noise, il adapte un des 1ers romans de Don DeLillo. L’action se déroule au milieu des années 1980 et décrit une petit famille...
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C’est au cinéaste Noah Baumbach que le soin d’ouvrir la 79e édition de la Mostra de Venise a été dévolu. Avec White noise, il adapte un des 1ers romans de Don DeLillo. L’action se déroule au milieu des années 1980 et décrit une petit famille fort sympathique, dont le père quinquagénaire, Jack Gladney (Adam Driver, très à l’aise dans le rôle d’un professeur d’histoire de fac), est réputé pour ses travaux sur Hitler – mais incapable de causer l’allemand. Il a quatre enfants – plus brillants, impertinents et têtes à claques les un⸱es que les autres, mais sympas – avec Babette (Greta Gerwig), coach sportive dans un Ehpad. La petite famille est heureuse, les deux parents s’aiment comme au 1er jour même s’ils s’avouent un soir leur peur de la mort.
Et puis un petit grain de poussière (il s’avère que Babette prend un médicament inconnu sans que personne ne sache pourquoi), puis un gros (une catastrophe écologique), viennent perturber leur petit bonheur plein de la joie d’aller au supermarché ensemble ou encore de regarder des catastrophes à la télé…
Et puis, en fait, non. Finalement, rien n’est grave : la vie va continuer comme si de rien n’était… Et le film, gentille critique de la société de consommation ou du goût pour les faits divers, souvent prophétiques de catastrophes à venir, se termine par un générique sous forme de comédie musicale avec tou⸱tes les acteur⸱trices dansant dans un supermarché – comme si la scène n’avait pas trouvé sa place DANS le film. Le film laisse un petit goût amer et gentillet de spectacle destiné aux familles abonnées à Netflix (qui a produit le film). Baumbach y perd un peu de son mordant, mais, heureusement, rien de son talent pour les dialogues et la direction d’acteur⸱trices.
Un sens inné du cadre
Depuis 20 d’ans, le très new-yorkais grand cinéaste Abel Ferrara a fait un retour en Italie et en religion. Aujourd’hui, il consacre (pas entièrement, en fait) son nouveau film à la jeunesse du Padre Pio, figure controversée au sein même de l’Église catholique (il portait en permanence les stigmates du Christ sur la croix – saignements aux pieds, aux mains, au flanc), puis finalement canonisé par un pape récent. Mais, en parallèle du jeune Pio (joué par un Shia LaBeouf halluciné et hallucinant, dont on explique qu’il s’est converti au catholicisme pendant le tournage du film…) et de sa lutte acharnée et souvent virulente contre le démon, qui ne cesse de le tenter (notamment sous les traits d’une femme qui lui confesse qu’elle est sexuellement attirée par Jésus – Asia Argento), Ferrara explique longuement, et de manière bien plus convaincante, une autre histoire.
Cette histoire, c’est celle de la lutte acharnée, dans la ville du sud de l’Italie où Pio faisait ses débuts de moine, entre les socialistes et les fascistes naissants, qui se termina, le 14 octobre 1920, par le massacre de San Giovanni Rotondo, perpétré par une milice pré-fasciste, suite à la victoire des marxistes aux élections municipales, totalement rejetée par les propriétaires terriens d’extrême-droite. La description du retour des combattants du front de la Première Guerre mondiale est particulièrement réussie. Ferrara a toujours ce sens du cadre inné, qui fait de chacun de ses plans une œuvre d’art sans (presque) jamais tomber dans le maniérisme. Mais le sens est plus compliqué : ce que l’on comprend, c’est que Pio absorbe toutes les souffrances de son époque, tous ses conflits socio-politiques (des paysans affamés exploités, jusqu’à la mort, par des propriétaires terriens qui voient d’un très mauvais œil que ces culs terreux accèdent enfin au droit de vote), pour les régurgiter, les exprimer dans ses 1ers stigmates qui concluent le film. Mais tout cela est-il historiquement vrai ? Certes, le film montre qu’un prêtre bénit les armes des fachos avant leur crime, mais n’a-t-on pas dit que c’était justement le Padre Pio qui l’avait fait (ses accointances avec le régime fasciste sont avérées) ? Gros nuage de poussière…
Le nihilisme de Romain Gavras
Même sentiment de se trouver dans un nuage (de gaz lacrymogènes) dans le nouveau film de Romain Gavras, où l’histoire d’une émeute de banlieue provoquée par la mort d’un ado tué par la police (ou une milice d’extrême-droite ?) est annoncée dans le film comme le début d’une guerre civile en France. Trois frères de la victime s’opposent. L’un (figure christique) veut mettre le quartier, mais aussi le pays à feu et à sang. Le deuxième veut protéger ses trafics (de drogue, d’armes). Le troisième, enfin, est un militaire couvert de médailles. Au milieu d’un festival permanent de pyrotechnie (bruits et grosses guitares rocks compris), Gavras trace de vastes et brillants plans séquences, impressionnants, mais un peu, sinon très vains. Gros malaise à la fin du film : que signifie-t-il ? Que veut nous dire Gavras ? Le sait-il seulement, tant son film revendique au fond un certain nihilisme.
Allégorie adolescente
Luca Guadagnino, devenu célèbre avec son film le plus réussi à ce jour, Call Me by Your Name, se pose bien moins de questions. Bones and All explique l’histoire entre une jeune ado charmante (Taylor Russell) et un jeune ado charmant (Timothée Chalamet) qui n’ont qu’un seul défaut : ils sont anthropophages, pris de soudaines passions cannibales auxquelles il leur est impossible de résister.
Évidemment, dans la vie quotidienne, ça complique un peu la vie… Les spectateur·trices comprennent très vite qu’il s’agit d’une gentille allégorie sur les ados qui se croient toujours singulier·ères, porteur·euses de tares qu’iels sont les seuls au monde à connaître, etc. Que le désir, c’est “vouloir engloutir son objet”, etc. Bien (ou pas bien). Mais le sujet permet surtout à Guadagnino de se complaire dans des scènes sanguinolentes repoussantes et stupéfiants qui rappellent assez bien les stigmates du Padre Pio, en pire. Dommage. Parce que le cinéaste italien sait vraiment très bien filmer une chose : le bonheur qui peut exister entre deux êtres.