No Suicide Act : quand un ex-Bérurier Noir rencontre un jazzman
La rencontre – via Zoom – avec les deux remuants acolytes de No Suicide Act, tous deux basés à Lyon, s’effectue à l’occasion de la sortie, fin juin, d’un 45t qui contient deux morceaux (Je suis une erreur, Quel temps fait-il ?) en rage contre...
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La rencontre – via Zoom – avec les deux remuants acolytes de No Suicide Act, tous deux basés à Lyon, s’effectue à l’occasion de la sortie, fin juin, d’un 45t qui contient deux morceaux (Je suis une erreur, Quel temps fait-il ?) en rage contre notre époque semblant chaque jour davantage plier sous l’emprise capitaliste et sombrer dans la folie belliciste. Particulièrement virulent, ce 45t préfigure un album – Interbellum – annoncé pour le mois de septembre, un 1er concert d’accompagnement étant programmé à Montréal le 7 septembre.
Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans une aventure musicale ensemble ?
FanXoa – La rencontre s’est faite via PIND (Punk Is Not Dead), vaste projet de recherche et d’archivage sur le mouvement punk en France, auquel j’ai été amené à participer. À l’occasion d’un colloque monté dans le cadre de ce projet, Lionel a été invité à donner un concert. Je l’ai vu jouer là pour la 1ère fois et j’ai été soufflé.
Madsaxx – Je viens plutôt de la sphère du jazz et des musiques improvisées. En 2014, j’ai eu la chance de faire une tournée – au sein du trio BunkTilt – avec Steve McKay, le saxophoniste des Stooges, ce qui m’a aussi ouvert l’accès au monde du punk et du rock. Ce concert, organisé par PIND, constituait un hommage à Steve, mort en 2015. François est venu me voir après, nous avons discuté, il m’a fallu un petit temps pour me rendre compte que je venais de causer à un de mes héros (sourire). Aux côtés d’Albert Ayler et de Sydney Bechet, Bérurier Noir est l’un de mes grands inspirateurs musicaux. Le son du groupe me fascine totalement, en particulier celui de leur saxo (Masto). Un peu plus tard, Luc Robène et Solveig Serre – qui codirigent le projet PIND – m’ont proposé de faire un concert dédié aux Bérus, dans le cadre d’un colloque consacré au groupe à la BNF, en mars 2022.
FanXoa – J’ai été à nouveau enthousiasmé par sa performance. L’idée d’une expérience musicale commune est partie de là.
Madsaxx – Nous nous sommes revus par la suite, notre relation s’est approfondie et notre projet a pris forme petit à petit, naturellement. Nous vivons tous les deux à Lyon, ce qui facilite les choses, nous pouvons nous voir régulièrement.
Quand avez-vous véritablement lancé le projet ?
FanXoa – Nous avons effectué une 1ère session d’enregistrement, en août 2022, à Antre-Peaux à Bourges, durant laquelle nous avons travaillé essentiellement sur le répertoire de Bérurier Noir. C’était une sorte de “Bérurier Noir Experience”, en tendant vers une déconstruction des morceaux originaux, dans l’esprit de ce que BunkTilt avait fait avec la musique des Stooges. De cette session a résulté un maxi, sorti en juin 2023, sur lequel figurent quatre reprises des Bérus et un morceau original. Il existe une filiation intellectuelle et sentimentale avec Bérurier Noir, mais il s’agit bien d’un projet distinct. La texture de notre musique est très différente, ce qui dérange parfois les gens.
Madsaxx – Assez vite, la ligne musicale a évolué, les morceaux originaux se sont enchaînés, nous nous sommes éloignés de Bérurier Noir et nous avons décidé de baptiser le projet No Suicide Act. J’ai un studio chez moi, nous faisons toute notre musique à la maison, de manière très spontanée. Les morceaux prennent souvent forme rapidement. Ensuite, nous passons pas mal de temps à retravailler le son, à peaufiner le mix – en dialogue étroit avec l’ingénieur du son Cédric Béron, alias Disque Noir, qui vit aussi à Lyon et qui a une large palette sonore, avec un penchant bruitiste affirmé. Nous formons un trio très soudé et autonome.
Comment fonctionnez-vous au niveau créatif ?
FanXoa – Nous sommes vraiment dans un processus de recherche/création et par ailleurs nous tâchons de simplifier au maximum. Par exemple, il y a souvent beaucoup de couches de saxophone quand nous enregistrons et nous n’en gardons que très peu au final.
Madsaxx – François a une faculté à créer des hymnes que je n’ai pas. Il m’envoie une ligne mélodique, chantée ou sifflée, à partir de laquelle j’élabore une structure sonore et je conçois des arrangements. J’utilise exclusivement un saxophone baryton, avec de la distorsion, ce qui apporte de la rythmique et permet de trouver un bel équilibre avec la voix.
Dans le nom No Suicide Act apparaît le nom d’un autre duo, mythique – Suicide. On en distingue aussi l’empreinte sur votre musique, en particulier sur le morceau Death Life Blues. Une référence majeure, j’imagine ?
FanXoa – Pour moi, Suicide est un groupe fondamental. Alan Vega et Martin Rev ensemble, c’est génial. Les deux ont la même importance au sein du duo. J’ai pu les voir sur scène aux Bains-Douches, à Paris, en 1979, et ça m’a beaucoup marqué. Vega était très imprévisible, une sorte d’Apache en furie, on ne savait pas trop ce qu’il allait faire ni comment le concert allait finir (sourire). Derrière lui, Rev, impassible avec des lunettes noires. Un duo totalement improbable, surgi de la zone new-yorkaise.
Ce nom suggère – par la négative – l’idée de l’expression d’une force de vie.
FanXoa – Oui, ce qui nous porte, c’est l’énergie, le désir d’affirmer un élan vital – ce qui était déjà le cas pour Bérurier Noir.
Madsaxx – Notre musique s’apparente à un cri, un cri primal.
Sur votre nouvel EP, la chanson Quel temps fait-il ? évoque le conflit israélo-palestinien sans manichéisme, pointant les horreurs commises des deux côtés. Elle sonne plus globalement comme une diatribe anti-guerre et paraît véhiculer avant tout des valeurs humanistes.
FanXoa – De mon point de vue, on ne pense pas assez aux victimes, à toute la destruction, que les guerres actuelles – d’un cynisme total – provoquent. Personnellement, je n’ai aucun sentiment ni pour le Hamas ni pour le gouvernement israélien du moment. Il faut pouvoir condamner les deux avec la même fermeté. Cette chanson est une ode au cessez-le-feu, une supplique pour l’arrêt du désastre en cours. Je reste un artiste : j’exprime des émotions, je n’assène pas des injonctions.
Comment vivez-vous la crise politique profonde qui secoue la France en ce mois de juin 2024 – avec la perspective d’une possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national à l’issue des élections législatives anticipées, organisées entre le 30 juin et le 7 juillet ?
FanXoa – La droite agite le grand chiffon rouge, la gauche agite le grand chiffon noir et le centre s’est effondré. La tendance n’est pas à la nuance… Nous sommes dans une logique de confrontation qui peut engendrer de plus en plus de violence… Si le RN arrive au pouvoir, nous avons beaucoup à perdre, notamment au niveau de l’immigration, de l’enseignement et de la culture. Il suffit de lire la presse algérienne actuellement pour percevoir l’inquiétude qui monte. Il y a un vrai risque d’étouffement ou de blocage de la société française. Macron a tenté un coup de poker très hasardeux et dangereux. Il s’est sabordé lui-même en présidant le pays avec une arrogance absolue. Heureusement, il y a encore une partie de la jeunesse qui s’inscrit en faux, celle qui entonne en chœur dans les manifs le slogan des Bérus, “La Jeunesse emmerde le Front national”. C’est bien, ça montre qu’il y a une jeunesse révoltée mais, on le sait, ce n’est pas toute la jeunesse… Optimiste, j’ai toujours cru à la jeunesse unifiée, positive et solidaire dans sa diversité.
Madsaxx – La France est en train de se replier sur elle-même alors qu’elle devrait s’ouvrir davantage, au contraire. C’est assez flippant. Notre réponse est musicale et sans frontière. No Border !
Propos recueillis par Jérôme Provençal