[Nos jeunes gens modernes] Rounhaa, insaisissable prodige du rap français

Malgré son jeune âge, le prodige franco-suisse peut s’enorgueillir d’une discographie déjà bien fournie. Lorsqu’on le découvre en 2019 sur la mixtape Yeratik, on l’envisage déjà comme le nouveau visage du rap d’esthètes alors porté par Makala,...

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Malgré son jeune âge, le prodige franco-suisse peut s’enorgueillir d’une discographie déjà bien fournie. Lorsqu’on le découvre en 2019 sur la mixtape Yeratik, on l’envisage déjà comme le nouveau visage du rap d’esthètes alors porté par Makala, Di-Meh, Slimka ou Mairo.

Mais Rounhaa n’est pas un enfant du bug de l’an 2000 pour rien et, plutôt que de se conformer à nos attentes toutes faites, “Fuck les analyses/Ils sauront jamais pourquoi j’agis”, rappe-t-il sur 10 000. Aarone Latif, son vrai nom, pose les bases de son style sur la mixtape Horion en 2020 : un rap éminemment mélancolique, rageur, instinctif et à fleur de peau qui n’en finit plus d’impressionner.

En 2022, il devient la 1ère signature du label créé par Disiz, Sublime, et en profite pour accentuer toutes les spécificités de sa musique dans un virage l’éloignant drastiquement de ses aînés helvètes. Une évolution contenue de l’enchaînement des deux 1ers morceaux de sa mixtape Möbius, Papurir (pour Pas pour rire) et Music Sounds Better with You, qui traduit à la fois la fibre sérieusement ego trip de cet ancien étudiant en arts appliqués et son insondable spleen autotuné chipé chez Khali (avec qui il a collaboré sur Miroir et Bonbon&Fleur).

Une référence à Stardust qui annonçait en creux l’orientation électronique de son dernier EP en date (sans pour autant verser dans les appels du pied à la French Touch), Jaafar. Regardant plutôt du côté de l’expérimentation rage des artistes d’Opium (label fondé par le vampire du rap US Playboi Carti), le Franco-Suisse a trouvé un formidable moyen de se livrer – voire de donner son cœur en pâture – et de déployer ses flows glaciaux et mécaniques.

Un parfait écrin pour celui qui craint de trop se dévoiler dans ses textes, au point de ne plus donner d’entrevue depuis deux ans. Un exutoire tout-technologique de rythmiques martiales et de glitchs qui lui permet de rapper la tristesse et les doutes comme personne. Une constante depuis le début de sa jeune carrière : sa musique celle d’un artiste en lutte contre un système froid et calculateur, en guerre contre l’apathie et le détachement. Derrière l’homme-machine, implacable au micro, Rounhaa est l’une des plus belles plumes à suivre du rap français.