“Nos soleils”, un second film d’une grande finesse par l’Espagnole Carla Simón
C’est à un autre cinéaste français auquel on pense devant le cinéma de la jeune Catalane de 36 ans, repérée en 2017 pour son 1er long métrage Été 93, émouvante évocation autobiographique d’un deuil pendant l’enfance. Quelque chose du cinéma...
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C’est à un autre cinéaste français auquel on pense devant le cinéma de la jeune Catalane de 36 ans, repérée en 2017 pour son 1er long métrage Été 93, émouvante évocation autobiographique d’un deuil pendant l’enfance. Quelque chose du cinéma de Maurice Pialat irrigue les films de Carla Simón tant leur existence a à voir avec un sauvetage, un élan consistant autant à préserver, dans la vérité, des gestes, des liens et des choses impalpables qui font le quotidien, qu’à capturer, dans sa plus vibrante vitalité, l’orée d’un crépuscule.
Nos Soleils, Ours d’or à la dernière Berlinale, est le récit d’une extinction, celle qui concerne l’exploitation agricole située à la bordure d’Alcarràs, petit village de Catalogne où la famille Solé cultive des pêches depuis des générations. Menacée d’expulsion par les riches propriétaires du lieu désireux d’y installer une autre activité plus lucrative (des panneaux solaires, cette escroquerie écologique), la famille nombreuse vit alors ces derniers instants. Comme Été 93 qui filmait avec une infinie subtilité, le cheminement d’acceptation d’un deuil, la transition d’un état de sidération à l’éveil d’une conscience, Nos soleils dessine un trajet proche. Il le fait cette fois-ci en redistribuant les enjeux entre les membres de cette famille aimante mais pas exempte de rancœurs, de frustrations jouées par des comédiens et comédiennes non professionnel·les que le film accueille avec une générosité immense, aménageant pour chacun un espace de fiction manifeste.
Lucidité de regard
Il y a dans Nos Soleils, et chez Carla Simón, une lucidité de regard rare, une recherche de la nuance, de l’ambivalence constante qui donne au film toute sa profondeur existentielle. Balancé entre la comédie et le drame, le film – figuré en un théâtre de la vie quotidienne avec son énergie et ses larges cadres prêts à contenir l’ensemble du clan –, réaménage aussi les codes du western (ces énormes camions, soldats du capitalisme qui détruisent le paysage et menacent l’horizon) qu’il fusionne à la fable sociale et écolo.
L’émotion provoquée par le film se fait par gestation, à mesure qu’il avance dans les champs, dans la maison où chaque plan semble conduire à un affranchissement du dispositif cinématographique, rendu quasi-invisible à nos yeux pour mieux faire éclater les couleurs de la fin d’un jour et faire entendre le bruissement des feuilles des arbres fruitiers. La maturité sied bien à la réalisatrice, mais elle se trouve du côté de la sagesse, de l’écoute et non pas des certitudes. Car à voir vivre ces jeunes et ces vieux·elles ensemble, dans le brouhaha électrisant d’une vie collective, c’est comme si Carla Simón, s’approchait de l’éternité, éprouvait elle-même l’expérience de ces âges, comme si à 36 ans, elle en avait aussi 5 et 80, 20 et puis 40, ou plutôt comme si elle en avait déjà le souvenir. Nos soleils se souvient aussi bien des jeux d’enfants que de la mort.
Nos Soleils de Carla Simón, avec Jordi Pujol Dolcet, Anna Otín. En salle le 18 janvier