Nous, parents endeuillés, demandons aux pouvoirs publics et à l’Académie française de nous donner un véritable nom - BLOG
DEUIL PÉRINATAL - Chaque année, 7000 familles perdent leur bébé entre le premier trimestre de grossesse et les premières semaines de vie. En 2020, pour 1000 enfants vivants, 3,5 sont décédés au cours de leur première année de vie soit 7000...
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DEUIL PÉRINATAL - Chaque année, 7000 familles perdent leur bébé entre le premier trimestre de grossesse et les premières semaines de vie. En 2020, pour 1000 enfants vivants, 3,5 sont décédés au cours de leur première année de vie soit 7000 enfants de moins d’un an. Ces chiffres ne tiennent pas compte des fausses couches dites précoces du premier trimestre, estimées représenter 15 à 20% des grossesses, mais dont les bébés ont pourtant été investis, aimés, laissant les futurs parents dans un chagrin considérable.
Le 11 février 2021, une proposition de résolution a été déposée à l’Assemblée nationale afin de faire entrer le mot “parange” dans le dictionnaire et de garantir sa reconnaissance par l’Académie française et l’administration publique. En effet, s’il existe le mot orphelin pour l’enfant qui perd ses parents, veuf.ve pour celui ou celle qui perd sa femme ou son mari, il n’en existe toujours pas pour les mères et les pères dont le bébé ou l’enfant décède.
“Non, ce n’est pas un ange que nous avons perdu”
Ce mot, “parange”, désignerait les personnes ayant perdu un bébé ou un enfant, quel que soit l’âge auquel le décès serait survenu: le terme de parange s’appliquerait ainsi aux parents ayant perdu un fils ou une fille quel que soit son âge: 5 ans, 20 ans, 40 ans ou plus.
Si nous, parents endeuillés d’un bébé saluons l’initiative d’inscrire “parange” dans le dictionnaire, nous ne nous reconnaissons pourtant pas dans ce terme qui ne nous semble pas représentatif de ce que nous avons vécu.
Parange –et ses dérivés “papange” et “mamange”, qui désignent le père et la mère en deuil de son enfant– est la contraction de parent et de ange: c’est un néologisme apparu sur les forums et dans les communautés de parents endeuillés en réaction au manque de mot pour désigner leur situation. Si l’absence de mot invisibilise cette réalité qui est la nôtre, nous ne pouvons malgré tout pas soutenir une proposition de mot qui nous semble discriminatoire, et bien trop doux pour décrire la réalité de ce que nous vivons.
Non, ce n’est pas un ange que nous avons perdu. Nous avons vécu le curetage sous anesthésie générale, accouché d’un bébé mort-né, vécu les derniers instants de notre bébé en réanimation, accompagné notre enfant à l’hôpital. Nous avons dû prendre des décisions inimaginables: organiser des obsèques, une crémation, choisir un cercueil, sélectionner le dernier doudou ou le petit pyjama pour accompagner notre bébé ou notre enfant.
La connotation religieuse associée au mot parange nous semble par ailleurs inopportune et discriminatoire, le deuil périnatal et plus largement le deuil parental étant par nature communs à toutes les cultures et à toutes les sociétés, quel que soit leur système de croyances.
Un mot pour représenter des parents amputés d’une partie de leur être
Les mots sont porteurs de sens et celui qui viendra représenter les parents endeuillés se doit de les représenter pour ce qu’ils sont: des parents amputés d’une partie de leur être, traumatisés par le décès de leur enfant, confrontés au silence et au déni de leurs proches et de la société dans son ensemble. Or encore une fois, nous nous devons de constater qu’après avoir été réduits au silence face au déni de notre entourage, nous ne sommes tout simplement pas consultés sur le choix du mot supposé nous représenter.
Il existe pourtant des pistes lexicales pour permettre à l’Académie française de réfléchir enfin à un mot qui pourrait pleinement fédérer dans notre société tous les parents touchés par le deuil d’un enfant. En latin, le terme de “mater orba” désignait très explicitement la mère endeuillée. Cette expression semble avoir été complètement effacée de notre culture, comme si l’on ne souhaitait pas donner une trop grande visibilité à ce deuil. En hébreu il existe également les mots “shakoul” et “shakoula”, pour décrire la condition des pères et mères dont les enfants sont décédés. Oui, il est donc possible de travailler à la création d’un mot qui définirait avec toute l’objectivité nécessaire un type de parentalité qui n’a certainement pas attendu notre époque moderne pour exister.
Aussi nous, parents endeuillés, lançons une pétition pour demander aux pouvoirs publics et aux membres de l’Académie française de se pencher une bonne fois pour toutes sur notre situation, afin de nous rejoindre pour élaborer un mot fédérateur, universel, capable de rassembler des parents endeuillés, quelle que soit leur origine ou leur religion. Si nous sommes capables en 2021 de faire entrer des mots comme “hygge” ou “hipstérisation” dans le dictionnaire, pourquoi ne sommes-nous donc pas capables de créer un terme pour décrire la condition des parents endeuillés en complément du mot “parange” (lequel est déjà utilisé sur les réseaux sociaux par une partie des parents endeuillés)? Et ainsi mettre un terme à une situation si absurde qu’elle nous semble aujourd’hui absolument inexcusable. Nous, parents endeuillés, méritons un mot pour nous définir.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter la pétition en ligne sur le site Change.org: http://chng.it/vcd4yRCdMr.
Ont également signé cette tribune:
- Pauline Lavaud, créatrice du compte Instagram @9mois9jours
- Mathilde Lemiesle, créatrice du compte Instagram @mespresquesriens
- Yolanda Pinto De Sousa, créatrice du compte Instagram @parlez_moidelle
- Marie Toinet-Segura, créatrice du compte Instagram @ellie_petite_etoile
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